jeudi 26 décembre 2013

Tel père, tel fils - Hirokazu Kore-eda



Écrit et réalisé par Hirokazu Kore-eda
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Prix du Jury
Avec : Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Lily Franky... 
2h01
Sortie : 25 décembre 2013

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Le fils unique


D’ores et déjà considéré comme un grand maître du cinéma japonais contemporain, Hirokazu Kore-eda continue logiquement sa filmographie - déjà conséquente, presque dix films - en imposant de nouveau son style d’une douceur raffinée, toujours avec le même choix de raconter de petites histoires en les faisant paraîtres grandes, sentimentales, et donc marquantes pour un public international.

Kore-eda peut souvent être qualifié de disciple de Yasujiro Ozu, tant ses scénarios et son esthétique s’en rapprochent sans pour autant nous livrer de simple copiés-collés. La faiblesse de ses précédents films (Still Walking, I Wish) ne se situait pas uniquement dans le versant sentimental montré trop explicitement, mais également dans le fait de filmer les enfants de façon plate, académique, et lourdement ennuyeuse. Tel père, tel fils est clairement d’une autre catégorie : ce neuvième film ayant touché le jury du dernier festival de Cannes (et en particulier le président Spielberg, qui a souhaité acheter les droits en vu d’un remake américain) fait preuve d’une nouvelle maturité, d’un nouveau positionnement du cinéaste vis-à-vis de ce qui nous est montré, et de ce qui ne l’est pas dans cette histoire typiquement labélisée Kore-eda.  

Ryota (Masaharu Fukuyama) et Keita (Keita Ninomiya)

Encore une fois, le japonais aborde la riche thématique familiale omniprésente au cœur de son cinéma. L’intrigue paraît cette fois plus complexe : deux nourrissons ont été échangés à la maternité quand ils sont nés. Le fils des parents riches a alors été élevé pendant six ans par des parents pauvres, et le fils des parents pauvres par les parents riches. Cette structure en diagonale ne comportera aucun affrontement direct, mais surlignera un conflit évident : celui de débuter une nouvelle vie après six ans dans une autre. Pendant plus de deux heures, Kore-eda nous montre l’interpénétration des deux familles, les rapports entre enfants et entre parents, qui avec surprise paraitra trop équilibré pour être pleinement cohérent. Mais pensons que nous sommes devant un film asiatique, où les effets de style et de narration sont à des années lumières de ceux des occidentaux, sans volonté de démarcation. Tel père, tel fils échappe à la platitude assumée du cinéaste précisément par le personnage du père architecte (le plus aisé) : si les trois autres parents semblent bouleversés mais content de rencontrer leur véritable enfant, ce dernier personnage est quant à lui davantage ambigu, sous entendant une rage et un désaccord prêts à éclater. Ce type de personnage était déjà présent dans Still Walking (le grand père) mais paraissait bien plus stéréotypé et trop « Ozuien » pour surprendre et émouvoir.

L’émotion de Tel père, tel fils découle donc de ce rassemblement des deux familles instable, où un curieux suspense émerge tout au long de la connaissance respective des traditions, nous amenant à douter du grand final. Les deux fils, brillamment dirigés pour des enfants aussi jeunes (six ans) déploient un jeu conjugué à la fois entre le fait de ne pas déplaire aux parents, mais aussi de trouver eux même leur bonheur. La mise en scène de Kore-eda est cette fois parcourue par un leitmotiv musical (de belles notes de piano) plus récurrent et douceâtre que dans I Wish. Ces petites notes s’incarnent à merveille dans l’esprit aussi bien reposé que dérangé des parents et des enfants, menant à des scènes d’une simplicité visuelle et d’une richesse émotionnelle folle : la séquence au bord d’une rivière où la famille se photographie est en ce sens centrale et sublime, précisément car Kore-eda ne cherche pas à réaliser de beaux plans léchés et naïfs, mais préfère installer un dispositif fonctionnant sur le questionnement psychologique profond des personnages, et non sur la simple issue de l’histoire, en définitive anti spectaculaire. C'est une trace nette qu'elle laissera dans nos cœurs, peu habitués à ce brassage d’émotions, sonnant juste et évitant le pédantisme agaçant d’I Wish. Les films de Kore-eda demeure néanmoins limités, parfois à la frontière du pathos, mais souvent incroyablement touchants, de façon quasi inexplicable, témoignant ainsi du talent et la réputation de ce (grand?) cinéaste japonais. 

Jeremy S.

Midori (Machiko Ono) et Yukari (Yoko Maki)


jeudi 19 décembre 2013

Suzanne - Katell Quillévéré



Écrit et réalisé par Katell Quillévéré
Festival de Cannes 2013 - Semaine de la critique (ouverture)
Avec : Sara Forestier, François Damiens, Paul Hamy... 
1h34
Sortie : 18 décembre 2013

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La vie de Suzanne


Raconter une longue histoire en quatre vingt dix minutes chrono, tel est le défi relevé par la jeune Katell Quillévéré, avec un unique long métrage à son actif (Un poison violent, 2010). Si Kechiche peignait une grande fresque non exempte de longueurs et de passages agaçants, cette dernière réussit ce même exploit par un conte plus réaliste et ellipsé.

Sara Forestier, portant le film sur ses épaules, en est la principale raison. Son rôle de jeune mère précoce l’amène à un jeu distant et équilibré, à l’opposé de celui de sa révélation dans L’Esquive d’Abdellatif Kechiche. Suzanne est une jeune femme comme une autre, âgée de moins de vingt ans et souhaitant absolument garder son premier enfant. L’arrivée de cet élément pourrait annoncer une suite prévisible et pompée sur le cinéma des Dardenne. La réalisatrice se situe pourtant à mille lieux de l’univers des frères belges, bien que l’esthétique de sa mise en scène en soit parfois étonnamment proche : de long plans sur les visages meurtris, des expositions sans détours d’activités quotidiennes, la ville filmée comme un environnement hostile… En un mot, ces caractéristiques relèvent sans surprise d’un fort naturalisme blafard, lumineux, mais au grand jamais poussif ni transparent (cf le pitoyable Jeune & Jolie). Nous suivons donc Suzanne non seulement d’un seul angle, mais sous plusieurs, sans assister pour autant à un banal film choral. La pluralité du point de vue s’incarne à merveille dans les personnages secondaires, à commencer par François Damiens trouvant un rôle en or massif. Le père violent est aussi compréhensif que compréhensible, allant jusqu’à quitter le procès de sa fille à mi parcours.

Suzanne (Sara Forestier) et sa soeur Maria (Adèle Haenel)

Katell Quillévéré ne nous cache pas les larmes ni la tristesse. Si le film penche à certains moments dans un versant beaucoup trop sentimental pour nous atteindre, l’écriture variante rattrape intelligemment ces faiblesses : seul certains grands événements jalonnant la terrible vie de Suzanne nous sont montrés en intégralité. La place de l’ellipse est ici fondamentale, non seulement pour brosser l’intégralité de ces vingt cinq ans, mais aussi dans un objectif davantage personnel. Le choix des différentes séquences appartient à l’auteur, et l’appropriation même de son scénario nous justifie le désir de la réalisatrice pour cette histoire, qui n’apparaît finalement pas comme réaliste et documentée, mais bien comme métaphorique envers la vie en générale, chez toute femme comme chez tout homme : un drame n’est pas un frein, un drame n’est pas un mur dans une vie. Nous pouvons le contourner, le masquer, voire l’oublier. Sans jamais être moralisateur, Suzanne impose une narration paradigmatique, touchante et bouleversante. Ce ne sont pas les personnages qui nous bouleversent, mais bien leur comportement parfois animal et sauvage.

La force majeure du film s’inscrit essentiellement dans son scénario. Katell Quillévéré n’a pas recherché de procédé formel de mise en scène, et filme à vue d’œil, adoptant une position d’observatrice qui évite judicieusement l’alter ego avec Sara Forestier que nous pourrions déceler. L’empathie n’est pas là dès les premières minutes, mais arrive au fur et à mesure que le bain romanesque se remplit. Le personnage de Paul Hamy (révélation évidente) change selon les apparences mais demeure au fond le même homme. Le père, la sœur, ou Suzanne, eux, subissent de véritables mutations visibles non seulement par leur vieillissement à l’écran, mais également par une caméra soucieuse de nous cacher certains contre champs préférant suggérer ses propos. La musique participe aussi bien entendu à ce triste voyage, appuyant l’écoulement du temps et non le moral des protagonistes. Brillament écrit, correctement réalisé, magnifiquement interprété, ce petit bijou apparaît comme un roman transposé à l'écran. 

Jeremy S.

Le deuxième enfant, Suzanne (Sara Forestier), Julien (Paul Hamy)

dimanche 15 décembre 2013

A Touch of Sin - Jia Zhang-ke



Écrit et réalisé par Jia Zhang-ke
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Prix du scénario
Avec : Wu Jiang, Wang Baoqiang, Zhao Tao, Luo Lanshan, ...
2h10
Sortie : 11 décembre 2013

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Dies Irae
  
Peu de films sont autant animés d'un si profond sentiment de colère. Peu de films ont la folle ambition de peindre un pays en quatre tableaux, d'en offrir une fresque épique aux dimensions d'une bataille hugolienne. Peu de films, enfin, s'annoncent comme un combat. A Touch of sin, le nouveau film de Jia Zhang-ke, est un film d'enragé. En un peu plus de deux heures, le cinéaste chinois dresse un portrait ravageur de la Chine contemporaine armé un caméra acérée comme une lame. Justement récompensé par un Prix du scénario lors du dernier Festival de Cannes, A Touch of sin est un film-somme, qui semble être la synthèse des précédents films de Jia Zhang-ke qui n'avaient de cesse de s'interroger sur les mutations et les dérives de la Chine moderne.

Dahai (Wu Jiang)

La trame narrative du film prend les proportions gigantesques du territoire qu'elle dessine. « J'aimerais que le film soit comme une représentation générale de la Chine » dixit le cinéaste. Quatre histoires, quatre régions différentes de la Chine pour dénoncer les humiliations et l’exploitation d'un peuple. La première partie expose le combat d'un mineur cherchant à récupérer sa part de bénéfices dans la privatisation de la mine. La deuxième partie traite d'un travailleur migrant qui sème la terreur avec son arme à feu. La troisième partie nous présente une employée d'un salon de massage qui se vengera d'un riche client qui la prenait pour une prostituée. Enfin, la quatrième partie s'attarde un jeune homme qui, en multipliant les emplois dégradants, cherche à rembourser une dette, avant de sombrer dans le désespoir et le suicide. Jia évite le simple « film à sketchs » ou le risqué « film-choral » pour se tourner vers une forme de « polyptyque cinématographique ». Chaque récit a son unité propre. Cependant, la proximité de ces quatre histoires confèrent à l'ensemble un sens renforcé. La multiplication de chaque partie donne un produit nouveau. Si le film est divisé en quatre, à aucun moment il ne tombe dans la fragmentation. Il y a bien un film, et non pas quatre courts-métrages. L'ensemble est porté par une forte organicité. Chaque histoire observe à peu près la même structure : un héros se voit l'objet d'une injustice sociale qu'il réparera par le meurtre. Également, la juxtaposition de ces histoires n'est pas le fruit du hasard. Elle répond à une logique narrative et émotionnelle. Le premier fragment du film s'impose par son aspect radical, sec et tranchant. Il donne le ton du film. Les fragments suivants installent un rythme plus lent, dérivants vers le contemplatif. Au fur et à mesure du film, la colère passe par donner la mort à plusieurs personnes, à une seule personne, puis par se la donner à soi. 

Zhou San (Wang Baoqiang)

Jia Zhang-ke est un cinéaste fortement marqué par le documentaire. Chacun de ses films présente une hybridation entre fiction et documentaire. Les histoires de A Touch of sin sont par ailleurs inspirées de faits réels. Jia a mené un important travail d'investigation aux quatre coins du pays pour recueillir plusieurs témoignages. Le cinéaste part du documentaire pour aller vers la fiction. Cependant, il ne tombe pas dans le piège d'un naturalisme peu inspiré. Le film est maîtrisé de bout en bout par une mise en scène précise et réfléchie. Le prodigieux prologue du film, quasiment sans parole, a le paradoxe de nous faire entrer dans le réel par l'irréel. Sans qu'on sache comment, un camion s'est renversé sur la route et a déversé sa cargaison de tomates sur la route. Dahai, le mineur, contemple ce curieux spectacle, jouant malicieusement avec une tomate. La scène est alternée avec le triple meurtre de trois voyous par un mystérieux homme à moto (le protagoniste principal de la deuxième histoire). Les deux hommes finissent par se croiser subrepticement. Cette introduction se veut à la fois programmatique et symbolique. Ce camion renversé pourrait être une métaphore d'une Chine sans dessus-dessous, les meurtres, un prélude au bain de sang qui marquera le film. La mise en scène sèche et brutale annonce un film sans concessions, un cri de révolte silencieux baigné dans l'acide. Nous sortons de ce prologue et de chacune de ces quatre histoires dans un sentiment d'hébétude. Sans morale pompeuse, Jia nous laisse suspendu au destin tragique des héros. Ne reste qu'un cadavre encore fumant.

Xiao Yu (Zhao Tao)

Jia Zhang-ke multiplie les références, à la fois cinématographiques et culturelles. Le film prend des allures de western, particulièrement dans la première partie. Chaque personnage est vu comme un cow-boy solitaire, se faisant justice dans des paysages aussi majestueux que le Far West. Jia revendique également une appartenance au genre du film de sabre (il faut savoir que A Touch of sin est un « film de l'attente ». Jia Zhang-ke voulait, au départ, réaliser un film de sabre. Mais le budget étant trop important, il s'est tourné vers la réalisation de A Touch of sin). C'est au couteau que l'héroïne de la troisième partie tuera le client. Son geste est clairement stylisé et peut faire penser à une chorégraphie de film de sabre. Jia puise dans le patrimoine culturel chinois avec la présence de représentations de théâtre traditionnel chinois dans les parties deux et quatre du film. Le théâtre devient un écho à la vie des personnages. Comme Gus Van Sant dans Elephant, Jia s'appuie sur l'analogie animalière. Chaque personnage est associé à un animal. Le mineur est assimilé au tigre de part la tapisserie qui enroule son fusil, l’ouvrier clandestin porte la marque du buffle sur son bonnet et l'employée de salon de massage est marquée par le serpent. Qu'ils soient cruels, puissants ou sournois, ces animaux traduisent la colère bestiale qui sourd en chacun des personnages. Jia poursuit la métaphore animalière avec deux images marquant la souffrance animale. Dans le premier récit, un cheval se fait fouetter à mort (faut-il y voir une référence au rêve de Raskolnikov dans Crime et châtiment ?), dans le deuxième récit, un paysan saigne un canard. Inutile de préciser que ces événements reflètent la situation du peuple chinois. Le film est marqué par le sang, les personnages aussi. 

Xiao Hui (Luo Lanshan) 

On pourra reprocher au film un manichéisme évident entre riches et pauvres, mais A Touch of sin est un film de révolte. Il n'est pas là pour contenter tout le monde et pour trouver un juste milieu. Jia Zhang-ke est dans une critique sociale qui dénonce ouvertement. Selon le cinéaste, le titre chinois Tian Zhu Ding pourrait être traduit par « le choix du ciel ». Jia donne un aspect tragique à son film par un sentiment exacerbé de fatalité. Le film ne pouvait donc que se terminer par un suicide, comme une défaite humaine. Histoire d'une révolte enragée, d'un peuple qui se construit par le meurtre, A Touch of sin est un film subversif qui transgresse la loi humaine, une épopée pour son temps qui invite à prendre les armes et à se rebeller pour la dignité de l'Homme. 

Adrien V. 

Dahai (Wu Jiang)


vendredi 13 décembre 2013

All Is Lost - J.C. Chandor



Écrit et réalisé par J.C. Chandor
Festival de Cannes 2013 - Hors Compétition
Avec : Robert Redford
1h46
Sortie : 11 décembre 2013

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Il était un petit navire ?


Après sa révélation par le complexe et intriguant Margin Call (2012), J.C. Chandor change du tout au tout avec un survival marin d’une inventivité quasi nulle. Si Robert Redford excède dans l’unique rôle d’un naufragé allant vers sa triste perte, il ne parvient pas à relever le niveau de cette piteuse aventure plus ennuyeuse qu’immersive.

All Is Lost souffre à l’évidence de multiples comparaisons avec le chef d’œuvre d’Alfonso Cuaron encore tout frais dans notre esprit. Car d’un point de vue scénaristique, le film de Chandor en est très proche : le bateau à voiles d’un navigateur heurte un conteneur, sa coque se brise, et l’homme n’a plus qu’à dériver sur l’océan indien parcouru de tempêtes violentes et menaçantes. Là où Cuaron innovait sa mise en scène dans l’univers spatial (et encore, rappelons que Gravity a été tourné dans un petit cube d’un mètre carré), Chandor pose une caméra sur le bateau du naufragé, une autre sur un bateau que l’on suppose voisin, et alterne mécaniquement ses prises de vues, sans magnifier ni alourdir la catastrophe. Le souci de réalisme est le principal problème d’All Is Lost : l’aventure nous est montrée frontalement, sans arrière pensée propre au cinéaste, sans intéressant parti pris esthétique défini. Bien que la performance de Redford soit plus qu’acceptable, le personnage demeure antipathique de la première à la dernière image. Signalons ce premier plan d’un ridicule encore rarement vu dans un survival classique (c’est d’ailleurs le seul moment où Chandor sort de la piste toute tracée !) : un panoramique de plus d’une minute (référence au premier plan séquence de Gravity ?) avec la voix off du sexagénaire se lamentant et annonçant le bout du rouleau. Non que cette voix off ne soit pas la bienvenue dans un tel survival académique, mais ne l’utilisant que dans cette première minute, elle devient hautement ridicule et parasite pour la suite du voyage. 

Car Chandor opte ensuite pour une aventure résolument muette, au seul son des actions de Redford et de la mer environnante. Ce procédé pourrait être efficace si l’effet de réalisme était maintenu, et non gâché par cette abus de découpage dans tous les sens nous faisant parfois penser à une bande dessinée, et conséquemment à une fiction totale. Que veut nous transmettre Chandor ? La peur, la tristesse, l’attente de la mort ? Son film a le mérite de ne pas appliquer d’émotions explicites, mais par cette même idée se retourne contre lui même, nous donnant à vivre non pas une terrifiante expérience marine, mais bien un triste moment de cinéma avec une exploitation à 10% du cadre, un développement prévisible et gonflant menant à une trop grande distanciation. Il n’est pas nécessaire de parler de cette pauvre fin inutile, nous rappelant justement que nous sommes dans une salle de cinéma, devant un film américain, et non dans l’océan indien. Réalisme ou attraction ? Ni l’un ni l’autre. Aussitôt vu, aussitôt oublié.

Jeremy S.

L'homme (Robert Redford) 


samedi 7 décembre 2013

La Jalousie - Philippe Garrel



Écrit et réalisé par Philippe Garrel
Mostra de Venise 2013 - Compétition Officielle
Avec : Louis Garrel, Anna Mouglalis... 
Musique Originale : Jean Louis Aubert
1h17
Sortie : 4 décembre 2013

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Morne passion


Philippe Garrel, avec plus d’une vingtaine de longs métrages à son actif, demeure un roi incontesté du cinéma français indépendant (et non d’avant garde ou d’héritage nouvelle vague). En compétition officielle à la Mostra de Venise où il avait déjà reçu des prix hautement prestigieux (deux fois le lion d’argent), Garrel en est cette fois reparti les mains vides avec de violentes huées en prime.  

La Jalousie serait-il donc le Only God Forgives vénicien ? Sans aucun point commun, nous avons cependant affaire à un film radical, avec peu d’acteurs et de décors, et une simple histoire n’excédant pas les une heure dix sept. Faire du petit pour aspirer à du plus grand est une recette miracle qui ne peut fonctionner à tous les coups : Malick et Refn ont divisés presse et public précisément car leur exercice de style était un nénuphar à la dérive, auquel nous parvenions à nous accrocher avec quelques difficultés. Guiraudie, quant à lui, a conquis la majorité de la presse essentiellement par sa prise de risques à filmer l’homosexualité sous tous ses angles, et à insérer une intrigue horrifique des plus fortes.

Louis (Louis Garrel) et Claudia (Anna Mouglalis)

Revenons en à la Jalousie : Louis (Louis Garrel) a un adultère avec Claudia (Anna Mouglalis) et quitte sa femme Clotilde (Rebecca Convenant) et sa fille Charlotte (Olga Milshtein). Ces quatre personnages vont s’entrecroiser, s’aimer, se faire la gueule, déprimer, se provoquer, ou encore mourir d’amour. Cette palette d’émotions suggérée à l’écran est-elle limpidement visible ? C’est bien le problème d’une telle œuvre se voulant tellement minimaliste qu’on en vient à la non surprise, et surtout à un ennui assez inattendu pour un long métrage de cette durée. Louis Garrel campe le même rôle que toujours (chez Garrel ou ailleurs), à la manière de Belmondo chez Godard. Anna Mouglalis, bien qu’ayant l’une des plus belles voix féminines du cinéma français, interprète un personnage fade et peu psychologisant. Comme à son habitude, Garrel filme intégralement en noir et blanc : l’une des seule réussite du film. Le monde où se déroule cette histoire est rendu à la fois ancien, moderne et utopique. Les compositions de Jean Louis Aubert (arpèges de guitare) apportent une mélancolie tristounette dans un leitmotiv qui s’épuise au bout de deux répétitions.

Pouvons nous bouder devant le dernier film d’un si grand auteur ? Oui, car la passion qui animait ses films précédents est bel et bien éteinte, comme ses protagonistes n’ayant subit aucune évolution. La Jalousie aurait été tournée une vingtaine d’années auparavant, nous n’y aurions vu que du feu. Garrel est un vieux cinéaste tournant cette fois pour du beurre, faisant du sur-place, et se laissant dépasser par la vague des jeunes qu’il n’est pas nécessaire de renommer. La tentative ratée de suicide par Louis pourrait enclencher une nouvelle ligne de narration, un nouveau souffle éphémère. Malheureusement, elle n’est là que pour annoncer la sombre conclusion de ce petit conte qui nous sortira de la tête peu de temps après le court générique. Nous pouvons néanmoins imaginer que « hanter le spectateur » était l’un des buts premiers du cinéaste en mettant en scène ces tristes personnages. La jalousie, nous pouvons toujours la chercher.

Jeremy S.

Charlotte (Olga Milshtein), Louis (Louis Garrel) et Claudia (Anna Mouglalis)

jeudi 5 décembre 2013

Casse-tête Chinois - Cédric Klapisch



Écrit et réalisé par Cédric Klapisch
Avec : Romain Duris, Audrey Tautou, Kelly Reilly, Cécile de France... 
1h54
Sortie : 4 décembre 2013

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Casse-gueule new-yorkais



Huit bonnes années que nous attendions avec impatience le fameux destin de Xavier et sa « VDM (Vie de Merde) »,  après le séjour dans L’Auberge Espagnole (2002) et le road movie en compagnie des Poupées russes (2005). À trente ans, Xavier demeurait toujours célibataire, sans boulot convenable ni désir de vivre pleinement sa vie à l’instant T. Les Poupées russes s’était conclu sur sa mise en couple avec l’anglaise Wendy (Kelly Reilly), et l’espoir d’une vie sur un long fleuve tranquille. Si Klapisch a décidé de réitérer une nouvelle fois cette aventure casse gueule, l’option de l’épilogue n’en est malheureusement pas la plus grande raison. Casse-tête Chinois, comme Les Poupées russes, souffre d’un évident relâchement scénaristique apportant bien de la pauvreté à une histoire riche en apparence. Dans L’Auberge Espagnole, Xavier découvrait le bonheur de la vie en Erasmus auprès de ses rencontres avec ses colocataires. Klapisch nous racontait alors l’épisode éphémère de toute jeunesse, prenant soin de ne jamais trop partir dans la loufoquerie et le délire plombant l’identification à ses personnages.

Martine (Audrey Tautou) et Xavier (Romain Duris)

Le fait que Romain Duris ait pris des rides et se soit changé en « homme » ne justifie nullement l’apparence des deux autres épisodes par ces tristes couleurs fades. Le plus regrettable est sans doute cette surprenante distanciation créée avec Xavier Rousseau. Au plus près de ses conquêtes féminines, nous assistons à une recherche que l’on devine d’emblée totalement vaine de la femme idéale pour sa vie de scénariste. Ce troisième épisode new-yorkais ne se contente que de répéter le précédent, en agrémentant davantage les références contemporaines, comme l’arrivée de nouveaux personnages totalement ringards et inintéressants (notamment la nouvelle copine d’Isabelle interprétée par Flore Bonaventura).

Le cinéaste a quand même le mérite d’échapper à un banal film sur la crise de la quarantaine comme Judd Apatow (40 ans mode d’emploi) ou Richard Linklater (Before Midnight, grand film restant cependant sérieux) en proposant une œuvre déjantée dans une forme plastique se révélant (du moins au début) assez surprenante pour une comédie aussi populaire. Écritures en travers du cadre, stop motion, animations, cartons, une multitude d’éléments nous sautent aux yeux sans pour autant révolutionner la narration demeurant pendant deux courtes heures d’une platitude agaçante. Le nouveau mariage de Xavier avec une asiatique, ou l’arrivée finale de Martine (Audrey Tautou) à New York sont de faux retournements précisément car ils restent incohérents dans un film qui l’est déjà. Un caractère autobiographique peut-il émerger? Si l’on sait que Klapisch a effectivement vécu quelques années aux Etats Unis, son goût pour la ville de New York et ses personnages n’est jamais explicite (le nouveau mari de Wendy est un américain stéréotypé au cerveau totalement vide). La direction que prend le film ne ressemble justement pas à un casse-tête, empêchant de nous retrouver perdu comme Xavier dans notre posture de simple spectateur face à une comédie se voulant réflexive. Klapisch se révèle en somme infiniment plus intéressant dans ses subtiles comédies en huis-clôt (Un air de famille) que dans la loufoquerie en plein air. Un coup de vent pas désagréable, mais finalement très paresseux.

Jeremy S.


Isabelle (Cécile de France), Xavier (Romain Duris), Wendy (Kelly Reilly) et Martine (Audrey Tautou)

vendredi 29 novembre 2013

The Immigrant - James Gray



Écrit et réalisé par James Gray
Festival de Cannes 2013 - Sélection Officielle 
Avec : Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner...
1h57
Sortie : 27 novembre 2013

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All About Ewa


Cette quatrième année au festival de Cannes annonçait-elle la consécration de James Gray ? Avec un accueil plus froid que ses précédents films, The Immigrant s’est une fois de plus retrouvé hors palmarès. Trop classique ? Trop classieux ? Beaucoup d’adjectifs péjoratifs ont fusés après la projection de ce nouveau mélodrame, se voulant provocateur envers James Gray dans sa proposition d’un cinéma  dit « anti novateur ». Si à ce jour The Immigrant ne demeure pas le chef d’œuvre du cinéaste (Two Lovers au sommet), une reconnaissance peut néanmoins lui être méritée pour ses ambitions classiques très justement assumées.  Doit-on reprocher à un film une absence de discours, de message ? Devons nous bouder, comme le public et le jury élitiste de Cannes, devant une œuvre aspirant au sublime et à la transmission de l’émotion pure ? Pourtant, le cinéma de James Gray n’a encore jamais été rabaissé ni sous-estimé par la critique française. L’académie cannoise en est bien la seule et unique responsable. Préférer l’apparente bêtise de Amat Escalante (Heli) pour le prix de la mise en scène à The Immigrant justifie clairement les attentes du jury (ou pourquoi pas le trafic) pour des films  difficiles et endurants. 

Car soyons honnête, tout spectateur connaissant les autres films de Gray et entrant dans la salle ne sera, à priori, que peu grandement surpris pendant les deux heures de projection. Doit-on obligatoirement récompenser un film du fait de sa sortie des sentiers battus, de l’ébranlement intellectuel qu’il procure (en bien ou en mal), ou en valorisant sa prise de risques ? Ce n’est clairement pas dans cet optique que se situe l’univers de Gray, et la beauté comme l’émotion du film qui en découle ne pourra qu’intriguer, par sa simplicité et son efficacité perdue depuis les grands films muets des années 20. Nous pourrions en effet résumer cette histoire en une dizaine de mots : « Ewa, une immigrée polonaise, a son cœur partagée entre deux hommes. » Trois protagonistes principaux, deux idées majeures de mise en scène, et une reconstitution fidèle des décors. Peut-on qualifier pour autant The Immigrant de maigre et superficiel ? C’est là que se découvre le génie du cinéaste américain.

Ewa Cybulski (Marion Cotillard) et Bruno Weiss (Joaquin Phoenix)


Comme dans Two Lovers (2008), une victime est entourée de deux autres personnages radicalement différents et doit faire un choix. Ewa Cybulski (Marion Cotillard) est recueillie sous l’aile de Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un riche homme souhaitant l’aider par tout moyens dont il dispose. L’exposition et la première partie du développement se déroulent de manière extrêmement fluide, et nous découvrons par le regard d’Ewa le New York des années 20, d’une beauté aussi lumineuse que grisâtre. Pour subvenir à ses besoins, Ewa va devoir se prostituer. La découverte de ce terrible procédé fait-elle office d’un jalon scénaristique ? Pas vraiment, et c’est en cela que le film fonctionnant en apparence uniquement sur son écriture tend à quelque chose de plus libre, plus pur et symbolique. La séquence de rêve ne durant pas plus d’une vingtaine de secondes en témoigne, essentiellement par l’aspect quasi parfait de réalisation qui en ressort, nous faisant comprendre que cet aparté n’est pas là pour combler une quelconque faiblesse esthétique ou narrative, mais bien pour donner une autre dimension au récit coulant comme de l’eau de source. L’arrivée d’Orlando (Jeremy Renner) déroule un autre type d’histoire, incluse dans celle de Bruno Weiss. À ce moment, The Immigrant diffère nettement de Two Lovers, précisément car Joaquin Phoenix n’est pas soumis à Vinessa Shaw et Gwyneth Paltrow comme Marion Cotillard l'est, à lui et Jeremy Renner. De cette découverte nait également une pirouette de mise en scène, donnant un plus grand potentiel et une nouvelle emprise aux deux forces s’exerçant sur Ewa. Les cadres se resserrent, les mouvements s’atténuent, l’état psychologique du trio de protagonistes explose. Les scènes de spectacle ne sont plus frontales, Ewa n’est plus rassurée et ne parvient plus à suivre son désir premier. C'est une femme perdue qui se cache, ne voulant suivre aucun des deux hommes, continuant à chercher sa place, immergée dans ce cruel nouveau monde. Nous l'accompagnons avec une empathie digne d'un personnage de James Gray, ou même d'un grand opéra. 


Orlando (Jeremy Renner) et Ewa Cybulski (Marion Cotillard)






Le drame final, filmé comme un faux tour de magie, décloisonnent les états d’esprit et rassemble à nouveau Ewa et Bruno Weiss. N’oublions pas de mentionner les magistrales compositions de Chris Spelman (notamment le principal leitmotiv) et la photographie sublimée et cotonneuse de Darius Khondji. Une lumière à la fois mélancolique et mystérieuse, qui dévoile une sidérante Marion Cotillard encore jamais vue, se fondant plus que naturellement dans le corps d’une polonaise. Elle et Bruno vont-ils retrouver Magda, sa sœur atteinte de la tuberculose ? La mort d’Orlando pourrait laisser présager une triste fin. Mais James Gray, réalisant son film comme un enfant fabrique son rêve, ne peux finir sur une mauvaise note. Sans non plus terminer pleinement sa tragédie, le dernier plan ressemble davantage à une ouverture vers un autre drame sous-jacent : celui de Bruno Weiss. Comme à son habitude, le cinéaste chamboule et bouleverse par un film obsessionnel, froid et glaçant, le faisant glisser vers un paradoxal modernisme, loin de toute ambiguïté et de révolution artistique. D’une virtuosité peu courante dans le cinéma classique américain d’aujourd’hui, sans s’élever comme un puissant chef d’œuvre, The Immigrant est un mélodrame modeste et émouvant, n’ayant pas sa place au palmarès cannois mais bien au cœur de spectateurs avides d’émotions, transmises par les codes du langage cinématographique des premiers temps. 

Jeremy S.

Ewa Cybulski (Marion Cotillard)


mercredi 27 novembre 2013

Hunger Games, L'embrasement - Francis Lawrence



Réalisé par Francis Lawrence
Écrit par Simon Beaufoy, Michael Arndt, Suzanne Collins
D'après le roman de Suzanne Collins
Avec : Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Woody Arrelson... 
2h26
Sortie : 27 novembre 2013

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Les gamins


Deuxième volet d'une saga déjà culte parmi les jeunes lecteurs, la suite de l'adaptation est cette fois-ci assurée par Francis Lawrence, réalisateur des mauvais Je suis une légende (2007) et De l'eau pour les éléphants (2011). Le premier opus, signé Gary Ross, exposait le pitch et les personnages dans un scénario malin et intelligemment rythmé, rendu agréablement supportable que ce soit pour le public cible ou les plus âgés. Aurait-il du continuer la saga ? 

Nous aurions été comblés. Ce deuxième épisode se révèle malheureusement comme la pire catastrophe de cette année, nous donnant à voir le plus ridicule que puisse produire Hollywood. Expliquer le totalitarisme aux enfants de cette façon est-il pardonnable ? En plus d'être thématiquement absurde, L'embrasement souffre également d'une plume paresseuse, ne débutant véritablement son ascension qu'au bout d'une très longue heure sans aucun intérêt. Cette première partie, voulant paraître cruelle et subversive, n'esquisse pas le moindre réalisme dans ce monde souffrant contaminé par une SF low coast digne d'un gros nanar. Les dialogues fusent en sonnant faux, la gamine (Jennifer Lawrence) devient antipathique tout comme son compagnon (Josh Hutcherson), paraissant d'une telle stupidité que l'on se demande si il appartient bel et bien à l'écrivain (Suzanne Collins).

L'épisode sous le dôme, quant à lui, se contente de répéter celui du premier épisode sans aucune innovation. Si la fin parvient néanmoins à surprendre, c'est avec horreur que nous découvrons qu'elle est en réalité le début du troisième acte. Hunger Games - L'embrasement est un drame involontairement comique, qui, pendant plus de deux heures, nous fait tristement regretter les huit euros perdus dans la caisse. 

Jeremy S.


Peeta Mellark (Josh Hutcherson) et Katniss Everdeen (Jennifer Lawrence)



samedi 23 novembre 2013

Borgman - Alex Van Warmerdam



 Écrit et réalisé par Alex Van Warmerdam
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Avec : Jan Bijvoet, Hadewych Minis, Jeroen Perceval, Sara Hjort Ditlevsen, ...
1h53
Sortie : 20 novembre 2013

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Équation à plusieurs inconnues



La cinématographie hollandaise est fort peu médiatisée à l'international. Alex Van Warmerdam est l'un des seuls cinéastes des Pays-Bas à pouvoir se targuer d'une certaine reconnaissance hors de ses frontières, en témoigne sa sélection en Compétition au dernier festival de Cannes pour son film Borgman. Plutôt bien accueilli par les festivaliers, ce long-métrage nous raconte la manière dont un mystérieux personnage (un vagabond ? un fou ? un gourou de secte ?) va bouleverser le quotidien d'une paisible famille bourgeoise. L'argument nous fait immédiatement penser au Théorème de Pasolini. Nous ne nous risquerons pas à supposer l'hypothèse d'une filiation entre les deux films, même si les deux films présentent de nombreuses similitudes. Si Borgman demeure intéressant sur plusieurs points, le film n'atteint jamais l'ampleur et la profondeur du chef-d’œuvre de Pasolini.

La principale qualité du film est de nous proposer un univers hors du commun. Entre thriller psychologique et comique de l'absurde, Alex Van Warmerdam nous propose un étrange huis-clos qui laisse planer une atmosphère à la fois délétère et ironique. La distanciation est de mise. Un clochard à l'aspect hirsute vient frapper à la porte d'une riche villa de campagne. Si le mari le rejette violemment, la femme l'accepte en secret en lui offrant un bain (il semblerait que les deux se connaissent déjà). Cet homme, Camiel Borgman, va peu à peu s'immiscer dans le foyer. C'est le programme réjouissant que nous propose la première heure. Dans un sens parfait de la mise en scène, qui convoque la tension d'un Hitchcock et l'atmosphère étouffante de Shinning, Borgman gangrène cette maison comme un virus, gagnant petit à petit chaque pièce et chaque membre de la famille. Dans une conquête silencieuse de l'espace, Borgman s'apparente à un personnage métaphorique. Est-il l'incarnation de nos propres peurs ? Le diable ? La justice divine ? Le cinéaste n'affirme, ni n'infirme rien. 

Camiel Borgman (Jan Bijovet), Marina (Hadewych Minis), Richard (Jeroen Perceval)

Toutes ces belles promesses qu'engagent la première heure du film tombent à l'eau dans la deuxième heure. D'autres personnages s'agglomèrent autour de Borgman : des complices qui participent au projet de perdre la famille. L'histoire s'embourbe alors dans un schéma trop complexe et perd la clarté et l'efficacité du début. Le système d'Alex Van Warmerdam se prend à son propre piège. Si l'ironie mordante du début pouvait nous amuser, elle devient pénible par la suite et c'est avec un ouf de soulagement que nous voyons arriver le générique de fin. A force de rester dans le vague et de laisser au spectateur le soin de coller les morceaux du puzzle, le cinéaste fatigue le spectateur en n'affirmant pas assez son propos. Le film se lance sur plusieurs pistes et se perd en route, au lieu de se concentrer sur sa proposition de départ. 

Richard (Jeroen Perceval)

Certes, l'interprétation est plutôt bonne et la mise en scène est irréprochable, mais Alex van Warmerdam ne donne pas assez d'unité à son film. Le cinéaste gâche tout l'univers qu'il avait construit en convoquant trop de choses à la fois. C'est bien dans l'ennui que se finit le film. C'est fort dommage pour un film qui avait tout pour être un parfait thriller psychologique. L'indéniable rigueur du cadrage et de la mise en scène d'Alex Van Warmerdam parvient malgré tout à sauver Borgman du naufrage.

Adrien V.

Camiel Borgman (Jan Bijovet)