mercredi 27 février 2013

Wadjda - Haiffa Al Mansour



Ecrit et réalisé par Haiffa Al Mansour
Avec Waad Mohammed, Reem Abdullah...
1h37
Sortie : 6 février 2013

6/10

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Femme, tu seras...

Retenons le nom d'Haiffa Al Mansour. Car ce n’est autre que celui de la première réalisatrice saoudienne exposant avec un premier film, plutôt réussi, la condition de la femme en Arabie Saoudite, sujet très tabou de nos jours. Poignant dans certains moments, décevant dans d'autres.

Synopsis : Wadjda, douze ans, habite dans une banlieue de Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite. Bien qu’elle grandisse dans un milieu conservateur, c’est une fille pleine de vie qui porte jeans et baskets, écoute du rock et ne rêve que d’une chose : s’acheter le beau vélo vert qui lui permettra de faire la course avec son ami Abdallah. Mais au royaume wahhabite, les bicyclettes sont réservées aux hommes car elles constituent une menace pour la vertu des jeunes filles. Wadjda se voit donc refuser par sa mère la somme nécessaire à cet achat. Déterminée à trouver l’argent par ses propres moyens, Wadjda décide alors de participer au concours de récitation coranique organisé par son école, avec pour la gagnante, la somme tant désirée.

La petite Wadjda, interprété par Waad Mohammed produit des étincelles dès sa  première apparition. C’est une jolie petite fille portant un voile et des converses que nous allons suivre pendant 90 minutes. La première force du film est d’abord son cadre spatial, qui, par la caméra d’Haiffa Al Mansour est rendu passionnant, riche, et beau (comme l'a si bien fait Adam Leon avec Gimme The Loot). Pas de caméra porté ni de longs plans (souvent le cas pour des premiers films fauchés), la mise en scène de la réalisatrice étonne et met très à l’aise, si bien qu’on en oublie presque que tout cela se passe en Arabie Saoudite. La famille de Wadjda est parfaitement normale, avec une belle maman aimant sa fille et un père un peu ridicule mais également attaché à son enfant. Haiffa Al Mansour (également scénariste) ne surcharge pas son récit d’intrigues inutiles et se cantonne à la vie de Wadjda, ayant un unique objectif : acheter un vélo, pour en faire comme son ami, Abdallah (Abdullrahman Al Gohani).

Car même si la vie est belle, Wadjda ne réussit pas tout en claquant des doigts. Apprendre le Coran lui demande du temps, bien qu’elle n’en ait aucune envie (elle le fait pour gagner une récompense et ainsi s’acheter le vélo). Quand on a envie de quelque chose, il faut tout donner, faire le mieux possible, sans se décourager (le vélo pourrait symboliser la gestation du premier film d’Haiffa Al Mansour). La recherche du bonheur (l’argent pour acheter le vélo) va servir de trame principale au scénario, et par là permettre à Wadjda de découvrir la vie, l’adolescence (il y a bien entendu un garçon, son ami Abdallah). C’est avec plaisir, mais sans surprise que nous suivons son parcours.

La structure assez académique du récit que construit Aiffa Al Mansour peut s’avérer parfois agaçante. Les péripéties répétitives peuvent facilement ennuyer au bout de trois quarts d’heure, et l’on en vient à se demander si la réalisatrice ne dégringole pas en chute libre dans une simple démonstration, ni fictionnelle, ni documentaire. Ce n’est heureusement pas le cas. De plus, le personnage de Wadjda est au fur et à mesure sous exploité, et le sentimentalisme recherché ne fonctionne pas dans toutes les séquences. Wadjda est finalement un personnage trop simple, trop gentil, manquant de défauts et d’ambigüité. 

Si Haiffa Al Mansour finit comme prévu en happy end larmoyant, Wadjda  ne se laisse pas oublier si vite et invite tout de même à la réflexion sur le discours d'Haiffa Al Mansour : Le statut de la femme, non seulement au Moyen Orient, mais également dans le monde entier. Petit, maladroit, mais efficace. 


Jeremy S.


Wadjda (Waad Mohammed) et Abdallah (Abdullrahman Al Gohani)


Wadjda (Waad Mohammed)


Aiffa Al Mansour



mardi 26 février 2013

Elefante Blanco - Pablo Trapero



Réalisé par Pablo Trapero
Ecrit par Pablo Trapero, Santiago Mitre, Alejandro Fadel, Martin Mauregui
Avec : Jérémie Renier, Ricardo Darin, Martina Gusman...
1h45
Sortie : 20 février 2013

7/10

Après El estudiante ou récit d’une jeunesse révoltée de Santiago Mitre, le groupe de 4 scénaristes revient ici, avec à la réalisation cette fois Pablo Trapero. Toujours autant impliqué dans la politique argentine que dans le précédent film, le cinéaste prend des risques en dénonçant l’état désastreux dans laquelle se trouve une couche très pauvre de la population et en torturant aussi la religion catholique, dans un pays très croyant, tout en la respectant.

Synopsis : Le "bidonville de la Vierge" dans la banlieue de Buenos Aires. Julian et Nicolas, deux prêtres et amis de longue date, oeuvrent pour aider la population. Julian se sert de ses relations politiques pour superviser la construction d'un hôpital. Nicolas le rejoint après l'échec d'un projet qu'il menait dans la jungle, où des forces paramilitaires ont assassiné les habitants. Profondément choqué, il trouve un peu de réconfort auprès de Luciana, une jeune assistante sociale, athée et séduisante. Alors que la foi de Nicolas s'ébranle, les tensions et la violence entre les cartels dans le bidonville augmentent. Quand le ministère ordonne l'arrêt des travaux pour l'hôpital, c'est l'étincelle qui met le feu aux poudres.


Dès le début du film, Trapero nous prend aux tripes. Alors que la 1ère scène se déroule dans un hôpital où les mouvements sont fluides, calmes et montrant un homme (qui se trouve être le prêtre Julian) subissant un scanner, la scène qui suit arrive comme une bombe : un autre homme (le prêtre Nicolas), se cachant, est témoin de la destruction d’un village et de la mort de ses habitants. La caméra épaule, nous met au plus proche de lui et nous fait souffrir avec lui.


De manière très elliptique, Trapero nous amène à l’essentiel, on retrouve les deux prêtres ensemble dans une voiture, où Nicolas se trouve dans un piteux état. Au volant, un personnage très important du film, Luciana, une femme qui aide le prêtre dans le bidonville. Soudain, écran noir, le titre Elefante Blanco apparait. A cet endroit là, et ce pendant une 20aine de minutes, le film ennuie. Tout d’abord, l’arrivée lunaire d’une musique Intoxicados – Las cosas que no se tocan, qui bien que très bonne n’a absolument pas sa place ici. Dès lors, le spectateur décroche. Le prêtre Julian montre et explique la situation du bidonville dont il s’occupe.


Malgré cela, les 20 minutes où l’on perd pied permettent de réfléchir au sujet du film. Et Trapero arrive à nous attraper de nouveau. Tout d’abord par l’utilisation d’une caméra là encore mouvante et fluide qui nous met au même niveau que les acteurs et qui nous fait visiter et admirer la laideur de ce lieu corrompu. En plus de nous avoir avec le cadrage, digne des cinéastes coréens (adeptes de cette caméra mouvante et fluide, au steadycam), il s’attaque à des questions très importantes : la politique (comme il était question dans le film de Santiago Mitre) et aussi la religion.



Nicolas (Jérémie Renier), Julian (Ricardo Darin)


Les deux discours sont la grande réussite du film. Trapero montre l’image de la politique dans les populations à la marge de la société. Les interventions musclés de la police sont répétés et bien appuyés, pour montrer la violence avec laquelle l’Etat décide d’agir. Cette violence est néanmoins justifié car dans ce bidonville les pires vices sont présent : trafique illégaux, guerre de gangs impliquant les jeunes adolescents totalement inconscients comme Monito, un adolescent protégé par le prêtre Julian et qui est un personnage très important dans le film. Trapero joue aussi avec la question de la religion. Il pose d’innombrables questions : La foi est-elle assez forte pour accepter la mort ?,  Est-il possible d’allier vie religieuse et relation amoureuse ? Chaque religieux a ses problèmes et Trapero cherche à montrer le dilemme auxquels les prêtres sont confrontés à savoir choisir entre problèmes personnels et problèmes collectifs. Bien que malmenée, Trapero présente aussi des aspects élogieux. Julian et Nicolas, sont très impliqués dans la vie (politique) du bidonville, si bien qu’ils tiennent tête à leur évêque qui leur reproche d’être trop activiste. Les deux individus sont si engagés qu’à la fin du film tous les deux y laisseront des plumes.

Pour finir, il faut aussi rendre hommage aux acteurs, qui jouent tous de façon très précise et juste. A noter la présence assez surprenante de Jérémie Renier, qui joue le prêtre Nicolas. Les deux autres acteurs principaux du film Ricardo Darin (le prêtre Julian) et Martina Gusman (Luciana) sont des acteurs fétiches de Trapero. Les relations nouées entre ces 3 acteurs dans Elefante Blanco est très chaleureuse, avec des relations parfois paternelles et, pour d’autres amoureuses. Cela donne un peu plus de légèreté, de bonheur à un film très difficile.


La dernière image du film est à la fois très puissante et très ouverte. On aperçoit Nicolas, manipulant une croix, l’air songeur. Va-t-il continuer le travail de Julian et laisser de côté sa vie privée où a-t-il totalement perdu la foi ? Chacun se fera sa propre réponse.  



Alexis D.



Nicolas (Jérémie Renier), Luciana (Martina Gusman)



lundi 25 février 2013

85e cérémonie des Oscars

 


Hier soir, le tout Hollywood s'est réuni au Dolby Theatre pour l'annuelle cérémonie des Oscars où le meilleur (voir le pire) de la production américaine a été récompensé.
Alors, qui est le grand gagnant ? Ben un peu tout le monde, en fait. Comme prévu, pas de razzia d'Oscars pour un seul film. La compétition est restée ouverte jusqu'au bout et a réservé son lot de surprises.
A commencer par Ang Lee. Personne ne l'avait vu venir avec son deuxième Oscar du meilleur réalisateur sorti de l'espace pour la réussie Odyssée de Pi. Le film repartira avec trois autres statuettes (meilleure photographie, meilleurs effets visuels, meilleure musique).
Argo et Les Misérables repartent tout deux avec trois Oscars. Argo est le grand vainqueur de la soirée avec l'oscar du meilleur film, annoncé par Michelle Obama (So what ? On est aux USA). Les Oscars du meilleur montage et de la meilleure adaptation viennent compléter la pêche d'Argo. Quant aux Misérables, ils repartent avec des Oscars techniques (Meilleur mixage son et Meilleurs maquillages. Bah oui, on allait quand même pas leur donner des Oscars artistiques !) et un Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour l'attendue Anne Hathaway.
La firme James Bond débloque enfin son compteur à Oscar avec le meilleur montage de son et la meilleure chanson pour "Skyfall" (l'Oscar le moins surprenant de la soirée).
Deux film de Tarantino, deux nominations, deux statuettes pour Christopher Waltz qui obtient son deuxième Oscar pour le meilleur acteur dans un second rôle. Et, pour notre plus grand plaisir, Tarantino repart avec l'Oscar du meilleur scénario original pour l'excellentissime Django Unchained !
Côté oubliés, Zero Dark Thirty repart pauvrement avec un Oscar du meilleur montage son. Jessica Chastain, pourtant très attendue pour la meilleure actrice, se fait rafler la statuette par Jennifer Lawrence, unique Oscar pour Hapiness Therapy. Pas de statuettes pour l’impressionnant Master de Paul Thomas Anderson, ni pour Les Bêtes du sud sauvage (déjà très beau parcours pour ce film).
Daniel Day-Lewis marque un moment d'histoire des Oscars en devenant le premier acteur a avoir l'Oscar du meilleur acteur en trois exemplaires. Mérité pour cet immense acteur !
Amour, comme prévu, repart avec l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Michael Haneke réalise le grand chelem avec la trilogie Cannes-César-Oscars.
Pixar retrouve le chemin des Oscars grâce à Brave (et de onze pour le studio !).
Sinon, Inoncente a reçu l'Oscar du meilleur court-métrage documentaire, mais tout le monde s'en fiche !
Bref, un palmarès atomisé et plutôt intelligent qui offre un panorama éclectique de la production américaine, cru 2012.


Palmarès complet :

Meilleur film : Argo (Ben Affleck)
Meilleur réalisateur : Ang Lee (L'Odysée de Pi)
Meilleur acteur : Daniel Day-Lewis (Lincoln)
Meilleure actrice : Jennifer Lawrence (Happiness Therapy)
Meilleur acteur dans un second rôle : Christopher Waltz (Django Unchained)
Meilleure actrice dans un second rôle : Anne Hathaway (Les Misérables)
Meilleur scénario original : Django Unchained (Quentin Tarantino)
Meilleur scénario adapté : Argo (Ben Affleck)
Meilleurs décors : Lincoln (Steven Spielberg)
Meilleurs costumes : Anna Karénine (Joe Wright)
Meilleurs maquillages et coiffures : Les Misérables (Tom Hooper)
Meilleure photographie : L'Odyssée de Pi (Ang Lee)
Meilleur montage : Argo (Ben Affleck)
Meilleur montage de son : ex-æquo Zero Dark Thirty (Kathryn Bigelow) et Skyfall (Sam Mendes)
Meilleur mixage de son : Les Misérables (Tom Hooper)
Meilleurs effets visuels : L'Odyssée de Pi (Ang Lee)
Meilleure chanson originale : "Skyfall" (Skyfall, Adele)
Meilleure musique de film : L'Odyssée de Pi (Ang Lee)
Meilleur film en langue étrangère : Amour (Michael Haneke)
Meilleur film d'animation : Rebelle (Mark Andrews)
Meilleur film documentaire : Sugar Man (Malik Bendjelloul)
Meilleur court-métrage de fiction : Curfew (Shawn Christensen)
Meilleur court-métrage d'animation : Paperman (John Kahrs)
Meilleur court-métrage documentaire : Inocente


Récompenses multiples :

4 Oscars :
L'Odyssée de Pi : Meilleur réalisateur, Meilleure musique, Meilleure photographie, Meilleurs effets visuels.

3 Oscars :
Argo : Meilleur film, Meilleur scénario adapté, meilleur montage.
Les Misérables : Meilleure actrice dans un second rôle, Meilleurs maquillages et coiffures, Meilleur mixage sonore.

2 Oscars :
Django Unchained : Meilleur scénario original, Meilleur acteur dans un second rôle.
Lincoln : Meilleur acteur, Meilleurs décors.
Skyfall : Meilleure chanson originale, Meilleur montage de son.


dimanche 24 février 2013

Passion - Brian De Palma



Ecrit et réalisé par Brian De Palma
D'après Crime d'Amour d'Alain Corneau
Produit par Saïd Ben Saïd
Avec : Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth...
Musique Originale : Pino Donaggio
1h41
Sortie : 13 février 2013

9/10

Brian de Palma, maitre incontesté du thriller américain post-moderne (parfois qualifié d’Hitchcock contemporain), est cette année de retour avec Passion, remake du dernier film d’Alain Corneau, Crime d’amour (2010). Cinq ans après les médiocres Dahlia noir (2006) et Redacted (2007), Passion s’impose comme le retour en puissance d’un grand cinéaste - que nous avions perdu - à ses débuts. Comme Francis Ford Coppola avec Twixt (sorti en 2012, où Coppola revenait à ses premiers films d’épouvante), De Palma renoue avec ses premiers thrillers érotico-hitchcockien des années 70 et 80. Le résultat est époustouflant.

Synopsis : Deux femmes se livrent à un jeu de manipulation pervers au sein d'une multinationale. Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine. Cette dernière profite de son ascendant sur Isabelle pour l'entraîner dans un jeu de séduction et de manipulation, de domination et de servitude.

« Jeu de séduction et de manipulation ». La majorité du cinéma de De Palma (du moins la grande période) pourrait se résumer par ces termes. Passion s’inscrit directement dans la lignée de Pulsions (1980), Obsessions (1974), ou encore Body Double (1984). Et ce, dès le premier plan, où nous découvrons les irrésistibles Christine (Rachel McAdams) et Isabelle (Noomi Rapace) derrière un Macbook (l’ordinateur, pendant tout le film, symbolise la perversité typique des personnages de De Palma). Ce premier plan et cette première scène s’inscrivent dans un décor bourgeois baroque, qui évoque - comme tous les autres décors du film -  les années 80. Avec en fond sonore les sublimes compositions de Pino Donnagio, omniprésentes dans toute l’œuvre du cinéaste. En une minute, De Palma ne cache rien et annonce d’emblée l’atmosphère si particulière de son histoire à première vue banale et sans intérêt (milieu de la publicité). La nouveauté est aussi la récurrence des nouveaux médias qui participent pleinement à la mise en place de l’intrigue (nouvelles technologies : you tube, téléphones portables…) et qu’il intègre parfaitement à sa mise en scène (comme pour Redacted, mais où le résultat était pathétique et ennuyeux).

Car même si De Palma revient à ses débuts, le sujet est quant à lui profondément ancré dans l’actualité. C’est en assemblant son esthétique et sa mise en scène classique avec un sujet de notre temps que De Palma réussit le mieux Passion. Bien entendu, comme dans tous ses opus, son récit est saupoudré de références incontournables, n’appuyant jamais trop sur son œuvre (Psychose et Vertigo sont les principaux classiques évoqués dans Passion). Et comme dans les classiques policiers américains, De Palma crée une tension ascendante, qui se fait souvent réellement sentir au bout d’une petite heure. Jusqu'à l’habituel climax terrassant. Le point faible est peut être que ce fameux climax arrive plutôt tardivement (au bout de plus d’une heure de film). Ce temps est néanmoins nécessaire pour que le spectateur en vienne à haïr le personnage de Rachel MacAdams. Par ailleurs bien plus présente à l’écran dans ce genre de rôle qu’une certaine Kristin Scott Thomas. C’est aussi, dans la carrière de Rachel MacAdams, la première fois qu’elle revêt le costume de femme fatale. Et il lui convient à merveille.

Christine (Rachel MacAdams) et Isabelle (Noomi Rapace)

L’impressionnant climax de Passion est marqué par une longue séquence en split screen (la grande marque de fabrique de De Palma) qui scinde le film en deux (nous entrons donc dans une deuxième partie) en rappelant au spectateur que toute l’action se déroulant sous ses yeux est simplement et purement un grand artifice. D’un côté, Isabelle assiste à un ballet. De l’autre, Christine vaque à ses occupations nocturnes. Jusqu’au meurtre pressenti. Mais une des autres grandes forces de ce cinéma, c’est de surprendre son spectateur au moment où il s’y attend le plus, comme si un fantôme parfaitement visible le surprenait dans son dos (Phantom Of The Paradise, 1974) : le faux champ contre champ. A la suite de cette magnifique séquence, De Palma nous plonge dans l’esprit d’Isabelle, qui, accusée du meurtre de Christine, perd la raison. C’est aussi l’occasion pour un personnage mis de côté dans la première partie du film de s’imposer comme le chaînon manquant de l’intrigue : Dani, brillamment interprétée par Karoline Herfurth, une sublime rousse.

Alors le récit bascule, le spectateur s’affole. Jusqu’à halluciner autant qu’Isabelle, et se perdre dans le labyrinthe de son âme. A la suite du dernier plan sur Isabelle, la dernière minute en apnée, un cut noir, et le « The End » du cinéma classique américain. Nous reprenons notre respiration, d’un seul coup. L’eau était glacée. Et la plongée passionnante.

Jeremy S.

Isabelle (Noomi Rapace) et Dani (Karoline Herfurth)



samedi 23 février 2013

Lincoln - Steven Spielberg (par Adrien V.)



Réalisé par Steven Spielberg
Ecrit par Tony Kushner, John Logan et Paul Webb
Avec : Daniel Day Lewis, Tommy Lee Jones, Sally Field...
Musique Originale : John Williams
2h29
Sortie : 30 janvier 2013

8/10

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United

Lincoln, Spielberg, Day-Lewis, et la critique pourrait s'arrêter là. La nouvelle production du papa d'E.T a tout de l'écrasante moissonneuse-batteuse à Oscars (et gageons que Spielberg ajoutera quelques statuettes de plus à son impressionnant tableau de chasse). Doublé d'un sujet plus-américain-tu-meures, Lincoln est la grosse bête cinématographique et commerciale de ce début d'année. Tout est dit.

Et pourtant, c'est Spielberg. Alors, tout n'est pas dit. Bien au contraire. Qu'on le conspue ou qu'on le vénère, qu'on le compare à Luc Besson (pitié !) ou qu'on l'ajoute à la liste des plus grands réalisateurs américains de tous les temps, il est impossible de passer à côté de Spielberg. Absolument partout depuis les années 70, l'écrasante stature du réalisateur plane sur le tout cinéma hollywoodien. Toujours à l’affût de la bonne production, Spielberg semble avoir trouvé le sujet idéal avec Lincoln. En ces temps de crises aux États-Unis, rien de tel qu'un bon vieux film historico-patriotique made in Hollywood pour vous rappeler les bonnes vielles valeurs démocratiques et libérales de ce cher pays (vous n'échapperez pas au speech final moralisateur sur fond d'envolée lyrique de cor). Le film de Spielberg vient alors nous montrer le combat acharné de Lincoln pour abolir l'esclavage et mettre fin à la guerre de Sécession. Vu comme cela, le film a tout du soporifique biopic didactique. Sauf que derrière tout ça, il y a un grand nom. Spielberg, en plus d'être un excellent commercial, est un immense réalisateur. Alors, qu'est-ce qui différencie un cours d'histoire filmé d'un bon biopic ? Le point de vue. « Diantre ! Mais Spielberg serait un auteur ?! ». Trois fois oui ! Spielberg est l'un des plus grands auteurs du cinéma hollywoodien et sa filmographie fortement cohérente entretient un rapport intime avec les États-Unis.





En débutant son film par une scène de bataille et en multipliant d'entrée les conflits (Républicain / Démocrates, Nord / Sud, Blanc / Noir), Spielberg fait le constat d'une Amérique déchirée, au bord du gouffre. Lincoln, interprété avec sobriété et intériorité par le remarquable Daniel Day-Lewis, s'impose comme l'homme rassembleur. Les deux combats qu'il mène de front ont avant tout pour but de réunifier une Amérique en proie aux divisions. L'abolition de l'esclavage devient « le remède » à la guerre de Sécession. Pour cela, Lincoln est prêt à tout, y compris à corrompre des voix démocrates. Spielberg ne demeure pas naïf. Les États-Unis se seraient-ils construits sur la corruption ? A l'heure où l'argent achète tout et où les démocrates sont au pouvoir, Spielberg regarde le passé pour mieux interroger l'avenir. Lincoln n'est pas un héros 100% positif. Certes, ses intentions étaient plus que louables, mais à quel prix. Spielberg parvient à une étonnante maturité avec un tel sujet qui aurait pu vite tourner au pamphlet pro-américain.

C'est bien de politique dont il est question. De magouilles, certes, mais aussi de combats, de convictions, de rassemblement. Tout est politique, y compris dans la famille de Lincoln : le fils aîné veut s'engager mais n'a pas l'accord de papa, le fils cadet, fasciné par papa, revêt tout le temps l'uniforme militaire. Arrêtons-nous un instant sur l'aspect intime et familial du film. Ce n'est pas ce qui intéresse le plus Spielberg, mais il traite avec beaucoup d'adresse les relations inter-familiales. Que ce soit entre Lincoln et sa femme, soutien indéfectible et parfois divergeant, avec son fils aîné, source de conflit ou avec son fils cadet, source de tendresse paternelle, Spielberg sait poser une caméra douce et chaleureuse sur l'homme d’État. Mais l'enjeu du film n'est pas là, fort  heureusement ! Rien de plus pénible qu'un biopic qui s'acharne à nous démontrer qu'en fait, les personnalités politiques sont aussi des être humains (ça alors!) avec des sentiments (cf. La Dame de fer). Spielberg a des ambitions bien plus hautes. Lincoln, plus qu'un être humain, devient un homme-État. Lincoln, c'est les États-Unis et vice-versa. C'est un homme fédérateur à l'image des nombreuses boutades qu'il lance aux soldats, à ses conseillers, aux politiciens, aux agents du télégraphe. Le rire rassemble. Présent dans toutes les strates de la société, Lincoln unifie le peuple américain autour de sa personne et de ses valeurs. Et c'est en cela que Lincoln pose le symptôme du film américain. Depuis le western et la comédie musicale, l'industrie cinématographique américaine n'a cessé de produire des films faits pour rassembler le peuple autour de valeurs communes. Le cinéma américain s'échine à définir l'identité américaine pour former une communauté unie (on retrouve déjà cela dans La Naissance d'une nation de D. W. Griffith, 1915). 





Et si Spielberg commence son film par une carte des États-Unis divisée en deux entre Nordistes et Sudistes, c'est pour mieux finir sur l'image d'une lampe à pétrole où le verre de forme ronde signifie l'unification parfaite. A cette image en succède une autre par fondu-enchaîné, où Lincoln se retrouve au milieu de son peuple faisant un discours.

Spielberg ne montre pas la mort de Lincoln. Il ne peut pas. Se serait démentir tout ce qu'il a construit tout au long du film. Si Lincoln est l'incarnation des USA, les USA ne peuvent pas mourir. Lincoln ne meurt pas, il laisse la place. Aux États-Unis, il n'y a pas de morts mais des générations qui passent, chacune avec son lot d'idées et d'innovations. Lincoln cède la place aux nouvelles générations à qui il semble s'adresser dans son discours final. C'est aux citoyens de demain de construire le monde avec, pourquoi pas, le droit de vote pour les Noirs dans 100 ans, comme l'espère Thaddeus Stevens (impressionnant Tommy Lee Jones).

Sous ses apparences de gentil biopic bien fait, Spielberg nous livre un Lincoln déroutant, d'une très grande profondeur et d'une maîtrise certaine. Spielberg ne se limite pas à son sujet et, en parlant de Lincoln, il parle des États-Unis, d'hier et d'aujourd'hui, de la naissance d'une nation qui, aujourd'hui encore, est en perpétuelle quête d'identité et d'unité.

 Adrien V.


vendredi 22 février 2013

Césars 2013 - Le palmarès




Amour de Michael Haneke






Meilleur film : Amour (Michael Haneke)
Meilleur réalisateur : Michael Haneke (Amour)
Meilleur acteur : Jean Louis Trintignant (Amour)
Meilleure actrice : Emmanuelle Riva (Amour)
Meilleur acteur dans une second Rôle : Guillaume de Tonquédec (Le Prénom)
Meilleure actrice dans un second Rôle : Valérie Benguigui (Le Prénom)
Meilleur scénario original : Amour (Michael Haneke)
Meilleure adaptation : De rouille et d'os (Jacques Audiard, Thomas Bidegain)
Meilleur film d'animation : Ernest et Célestine
Meilleur film étranger : Argo (Ben Affleck)
Meilleur premier Film : Louise Wimmer (Cyril Mennegun)
Meilleur film documentaire : Les Invisibles (Sébastien Lifshitz)
Meilleur espoir féminin : Izia Higelin (Mauvaise fille)
Meilleur espoir masculin : Matthias Shoeanerts (De rouille et d'os)
Meilleur montage : De rouille et d'os
Meilleur photographie : Les adieux à la reine (Romain Winding)
Meilleur son : Cloclo
Meilleure musique de Film : Alexandre Desplat (De rouille et d'os)
Meilleurs costumes : Les adieux à la reine
Meilleurs décors : Les adieux à la reine
Meilleur court-métrage : Le cri du homard (Nicolas Guiot)

César d'honneur : Kevin Costner



Flight - Robert Zemeckis



Réalisé par Robert Zemeckis
Ecrit par John Gatins
Avec : Denzel Washington, Kelly Reilly, John Goodman...
2h18
Sortie : 13 février 2013

6/10


Robert Zemeckis, réalisateur de Forrest Gump et Retour vers le futur (entre autres), revient cette année avec un film basé sur l’histoire tragique d’un pilote d’avion qui, après avoir sauvé presque 100 personnes d’un crash, a été trainé dans la boue suite à la révélation de ces problèmes l’alcool et de sa prise de stupéfiant. Un drame poignant qui souffre néanmoins d'un discours trop consensuel, sans prise de risque.


Synopsis : Whip Whitaker, pilote de ligne chevronné, réussit miraculeusement à faire atterrir son avion en catastrophe après un accident en plein ciel… L’enquête qui suit fait naître de nombreuses interrogations… Que s’est-il réellement passé à bord du vol 227 ? Salué comme un héros après le crash, Whip va soudain voir sa vie entière être exposée en pleine lumière.

Il s’agit ici d’une grande histoire humaine (dramatique certes) à laquelle nous assistons avec Flight. Qui de mieux pour réaliser ce type de film que Robert Zemeckis. C’est d’ailleurs ce qui peut être reproché à ce film. Zemeckis choisit là un film sur lequel il se repose trop sur ses acquis. Sur quasiment 2h18, les thèmes qu’il aborde sont montrés, expliqués de telle sorte que tout est fait pour contenter tout le monde. Par exemple, le sujet de la religion est traité superficiellement, il ne la remet jamais en cause, dès qu’un personnage du film apprend que Whitaker est alcoolique son exploit se transforme souvent en acte miraculeux de Dieu. Il n’y a qu’un passage où Zemeckis se libère de cette envie de plaire à tous et ce moment est probablement le plus drôle et le plus réussi du film : alors que l’on s’attend à ce que la scène soit dramatique en voyant Whitaker rechuter, Zemeckis passe par les codes de la comédie en combattant le mal (l’alcool) par un autre mal (la cocaïne) sous les yeux de ses avocats et du peu d’amis que Whitaker a.

C’est d’ailleurs à ce moment là que les deux personnages les plus réussi du film se retrouvent. Denzel Washington, dans le rôle de Whip Whitaker, fait un sans faute. Il joue très bien l’alcoolique, et manie l’alternance entre héroïsme et dramatisme à la perfection. L’autre personnage est Hugh Lang joué par le drôlissime John Goodman. Il campe le rôle d’un dealer déluré, ami avec Whitaker. C’est lui qui apporte de la légèreté dans un film qui aurait pu avérer très pesant émotionnellement. A noter également, la performance très juste de Kelly Reilly qui joue Nicole une junkie suicidaire sur la voie de la rédemption et qui bien sûr noue une relation amoureuse avec Whip Whitaker.

La fin du film est dans la continuité de l’histoire pour ce qui est de consensualité. Néanmoins Zemeckis la tourne avec tant de brio que l’on ne peut vraiment lui reprocher tout cela. Le véritable problème serait finalement que nous assistons au crash de l’intérieur, aux côtés de Whitaker. En voyant cela, Zemeckis nous force à prendre parti pour Whitaker, qui malgré son état d’ébriété, est bien celui qui a sauvé 100 personnes, et non celui qui en a tué 6. 


Alexis D.

Hugh Lang (John Goodman), Whip Whitaker (Denzel Washington)

Whip Whitaker (Denzel Washington), Nicole (Kelly Reilly)


mercredi 20 février 2013

Les Misérables - Tom Hooper



Réalisé par Tom Hopper
Ecrit par Bill Nicholson
D'après le roman de Victor Hugo
Avec : Hugh Jackman, Anne Hathaway, Russel Crowe...
2h30
Sortie : 13 février 2013

3/10

Oscarisé en 2010 pour Le Discours d’un roi, Tom Hopper revient aux oscars cette année - pour son deuxième passage - avec une comédie musicale. Qui n’est autre que l’adaptation du roman de Victor Hugo, Les Misérables. Avec pas moins de huit nominations, le troisième film de Tom Hopper est la grande catastrophe du mois de février.

Synopsis : Dans la France du 19e siècle, une histoire poignante de rêves brisés, d'amour malheureux, de passion, de sacrifice et de rédemption : l'affirmation intemporelle de la force inépuisable de l'âme humaine.  Quand Jean Valjean promet à Fantine de sauver sa fille Cosette du destin tragique dont elle est elle-même victime, la vie du forçat et de la gamine va en être changée à tout jamais.

L’insupportable lourdeur de ces deux heures trente débute dès le deuxième plan. Jean Valjean au bagne commence déjà à cantonner ses lamentations, en chœur, avec les autres bagnards. Sans prendre le temps de poser son atmosphère, ses décors, et ses personnages (ce qui, pour une fresque d’une telle ampleur, est fondamental), Tom Hopper démarre en quatrième. Rien d’étonnant à ce que le spectateur cale au bout de deux minutes de film. Avec Jean Valjean, nous découvrons Javert, interprété par un Russel Crowe ridicule. Une perpétuelle surabondance de jeu d’acteurs, de dialogues, de mobilité de la caméra, persiste pendant tout le film. Le spectateur se retrouve alors noyé. Et l’ennui arrive assez rapidement, d’autant plus si l’on connaît la totalité de l’histoire. Hugh Jackman en Jean Valjean ne dégage pas un brin d’émotion. Un Jean Valjean en toc est extrêmement problématique. Le jeune Eddie Redmaine (révélé par la mini série Les Piliers de la Terre) est légèrement plus convaincant mais ne fait jamais d’étincelles. C’est le cas pour la plupart des autres acteurs secondaires (Amanda Seyfried / Cosette ; Helena Bonham Carter / Madame Thénardier)

C’est quand Tom Hopper décide d’en faire le moins possible que la magie opère. Lorsque la divine Fantine (Anne Hathaway) entame I dreamed a dream, elle frappe en plein cœur. Ne serait-ce que pour ce moment de grâce, Anne Hathaway peut prétendre à l’oscar du second rôle (pas seulement pour Fantine mais aussi et tout simplement pour son début de carrière exceptionnel). Ce n’est malheureusement pas pour autant que le film est sauvé. On préférera de loin la représentation sur scène de Schönberg.

Fantine a rêvé un rêve. Nous avons vécu un cauchemar. Misérable.
Jeremy S.


Fantine (Anne Hathaway, I dreamed a dream)

lundi 18 février 2013

Goya 2013 - Le palmarès


Blancanieves de Pablo Berger


Meilleur film : Blancanieves de Pablo Berger
Meilleur réalisateur : Juan Antonio Bayona (The Impossible)
Meilleur nouveau réalisateur : Enrique Gato (Tad l'Explorateur)
Meilleur scénario original : Blancanieves de Pablo Berger
Meilleur scénario d'adaptation : Tad l'Explorateur de Enrique Gato
Meilleur acteur : José Sacristàn (El muerto y ser feliz de Javier Rebollo)
Meilleure actrice : Maribel Verdu (Blancanieves)
Meilleur acteur dans un second rôle : Julian Villagran (Grupo 7 de Alberto Rodriguez )
Meilleure actrice dans un second rôle : Candela Pena (Una Pistola en cada mano de Cesc Gay)
Révélation masculine : Joaquin Nunez (Grupo 7)
Révélation féminine : Macarena Garcia (Blancanieves)
Meilleure musique originale : Blancanieves de Pablo Berger
Meilleure chanson originale : Blancanieves de Pablo Berger 
Meilleur producteur : Sandra Hermida (The Impossible)
Meilleure photographie : Kiko De La Rica (Blancanieves)
Meilleur montage : Elena Ruiz, Bernat Vilaplana (The Impossible)
Meilleure direction artistique : Alain Bainée (Blancanieves)
Meilleurs costumes : Paco Delgado (Blancanieves)
Meilleurs maquillage/coiffure : Sylvie Imbert, Fermin Galan (Blancanieves)
Meilleur son : Peter Glossop, Marc Orts, Oriol Tarrago (The Impossible)
Meilleur film d'animation : Tad l'Explorateur de Enrique Gato
Meilleur film européen : Intouchables de Olivier Nakache et Eric Toledano
Meilleur documentaire : Hijos de las nubes, la ultima colonia de Alvaro Longoria
Meilleur film ibéro-américain : Juan of the dead de Alejandro Brugués