dimanche 30 juin 2013

Man of Steel - Zack Snyder



Réalisé par Zack Snyder
Ecrit par David S. Goyer
Produit par Christopher Nolan
Avec : Henry Cavill, Michael Shannon, Amy Adams...
2h20
Sortie : 19 juin 2013

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Lack of Style


Actuellement, le "reboot" semble intéresser bon nombre de réalisateurs américains, renommés ou non, dans l’objectif d’une approche différente de l’histoire d’origine, d’une tentative de modernisation, et bien entendu d'élargissement de son public. Total Recall : Mémoires programmées de Len Wiseman (2012), Captain America : First Avenger de Joe Johnston (2011), ou encore The Amazing Spider-Man de Marc Webb (2012) sont des exemples types de reboots paresseux et ratés, renfermés dans un académisme détestable. Man of Steel est un reboot sortant du lot, principalement par la présence de Zack Snyder à la réalisation et de Christopher Nolan à la production. Avec Snyder et Nolan, ayant déjà réalisés leur chef d’œuvre (Watchmen - Les Gardiens (2009) ; The Dark Knight (2008) nous ne pouvions que supposer un combo parfait pour succéder à Richard Donner (Superman, 1978) ou Bryan Singer (le décevant Superman Returns, 2006).

Le premier point commun des deux monsieurs, le plus attirant, est aussi le plus faible : Henry Cavill. Son nom avait déjà circulé pour interpréter le rôle du nouveau Bruce Wayne, finalement attribué à Christian Bale pour la trilogie Batman de Christopher Nolan. Le plus navrant dans ce Man of Steel est d’abord la déshumanisation évidente du super héros, par une mise en scène faiblarde couplée à un scénario long, ennuyeux et prévisible signé David S. Goyer, - deuxième point commun - n’étant autre que le brillant scénariste des Batman de Nolan. 
Que s’est-il donc passé avec Zack ? Où sont les grandes scènes intimistes, les longs flashbacks maîtrisés, les prenantes scènes d’actions de haute tension … ? La patte Snyder écrase littéralement l’ensemble du film, essentiellement parce qu’elle est en pleine mutation. Exit les sublimes ralentis de Watchmen, l’utilisation des décors de Sucker Punch, la noirceur de 300. Place à l’action pure, aux flashbacks déjà vus, à la caméra portée aux violents zooms agaçants. Et surtout à un didactisme d’un ennui mortel entrainant de nombreux décrochages. Car au final, c’est une histoire originale imaginée par Christopher Nolan et David S. Goyer que nous déroule Zack Snyder. Une histoire basique et manichéenne manquant de profondeur et d’ambition, ne se centrant que sur les faits et annihilant ainsi une atmosphère noire, celle présente dans The Dark Knight. La situation des habitants de Krypton face au général Zod ne nous sera malheureusement pas exposé plus de cinq minutes, fait d'autant plus dommage pour l'artillerie lourde d'effets spéciaux déployée dans cette scène d'ouverture, intéressante mais bien trop courte pour être dignement vécue et appréciée.  

Clark Kent (Henry Kavill)

Si Henry Cavill peine à convenir à l’image du mythe, le reste du casting est quant à lui un véritable point fort : la première apparition de Michael Shannon dans un blockbuster impressionne. Amy Adams en Lois Lane est d’une grande crédibilité. Kevin Costner et Diane Lane remplissent habilement leurs rôles de parents adoptifs. Ces personnages sont néanmoins aussi creux que le monde dans lequel ils évoluent, soutenu néanmoins par les sublimes compositions d’Hans Zimmer, rythmant  efficacement les longues scènes d’action demeurant cependant excessivement longues. Ce troisième homme est clairement le sauveteur du naufrage. 

Snyder ose, Snyder s'éclate. S'éloigner de la franchise habituelle est une prise de risque. Man of Steel n'est malheureusement qu'une pathétique régression dans l'univers de Superman, perdante sur beaucoup de plans, mais dont l'originalité et l'ambition ne peuvent laisser indifférent. 

Jeremy S.

Clark Kent (Henry Cavill) et Lois Lane (Amy Adams)

Général Zod (Michael Shannon)


samedi 29 juin 2013

Star Trek Into Darkness - J. J. Abrams



Réalisé par J. J. Abrams
Ecrit par Roberto Orci, Alex Kurtzman, Damon Lindelof
D'après l'oeuvre de Gene Roddenberry
Avec : Chris Pine, Zachary Quinto, Zoe Saldana, Benedict Cumberbatch
2h10
Sortie : 12 juin 2013

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Le côté obscur de Starfleet

Alors qu’en matière de science fiction et de super-héros deux grosses écuries que sont Marvel et DC Comics se tirent la bourre, J. J. Abrams choisit de s’attaquer à l’une des plus mythiques saga américaine, Star Trek. Après un 1er opus en 2009 salué par la critique et le grand public J. J. Abrams se devait de nous offrir un second épisode à la hauteur de nos espérances. Celui que l’on voit comme le fils de la science fiction américaine (dont le père est Spielberg avec lequel il a pu collaboré notamment dans Super 8) va bien au delà de ce qu’on a pu voir dans le précédent.

Alors que le second opus est très fréquemment en deçà des autres J. J. Abrams ne se fait pas prendre au piège. Les personnages étant déjà bien connus et installés, le film doit débuter sur les chapeaux de roues sans pour autant être plus important et imposant que le reste du film. Le film démarre effectivement et est assez révélateur de ce qui suivra par la suite. Une image très colorée (surfant sur la mode « lancé » par Spring Breakers d'Harmony Korine et reprise dans The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance ou Only God Forgives de Nicolas Winding Refn), une bande d’acteurs ainsi que leur relations, de l’action et une très bonne utilisation de la technologie 3D (jeu sur la profondeur principalement) font de ce Star Trek un très bon moment de cinéma.

J. J. Abrams donne l’impression, avec du recul, que ce film est en quelque sorte un tremplin vers la suite de son travail. En effet, son prochain projet cinématographique (il est important de le préciser puisqu’il est également très actif sur le petit écran avec de nombreuses séries tout comme l’est Spielberg) est la réalisation d’un autre grand monstre sacré du cinéma de science fiction américain : Star Wars. Tout porte à croire que les éléments présents dans ce Star Trek seront repris dans sa future trilogie. L’idée d’une bande (alors que la science fiction traditionnelle tient plus sur un seul personnage) ainsi que les thèmes sont à peu près identiques. John Harrison, le méchant ce second volet, ressemble à s’y méprendre à Dark Vador (dans leur construction psychologique). Tout deux sont au départ du côté de l’instance la plus « gentille », sont érigés aux rangs de héros et finissent par se retourner contre leur famille d’adoption (Starfleet pour John Harrison, les Jedi pour Dark Vador) suite à un événement intervenant au sein même de la « bonne organisation » (une trahison par exemple).

Spock (Zachary Quinto), John Harrison (Benedict Cumberbatch) et James Kirk (Chris Pine)

Le combat de Spock, de James Kirk et de leur équipe est de sauver l’humanité (comme cela est toujours le cas) mais aussi de découvrir la vérité au sujet de leurs employeurs et aussi de devenir des Hommes meilleurs. S’il est reproché au film d’avoir un scénario peu recherché il est toutefois d’une efficacité redoutable. Tout comme Oblivion il y a quelques mois, J. J. Abrams se joue aussi des codes du cinéma américain en faisant intervenir un magnifique personnage féminin dont on s’imagine déjà qu’elle s’amourachera du très charismatique James Kirk (Spock étant déjà éprit de Nyota Uhura dans le film de 2009). Il n’en est rien mais laisse néanmoins la porte ouverte pour un troisième (et dernier ?) volet.

Transformant tout ce qu’il a entre les mains en or, l’impatience de contempler ses futures œuvres (la trilogie Star Wars et Star Trek 3) est déjà là. Peut être même aura-t-il la force de réconcilier Trekkie et Warsie.

Alexis D.

Dr Carol Marcus (Alice Eve) et James Kirk (Chris Pine)

Pavel Chekov (Anton Yelchin), James Kirk (Chris Pine), Montgomery Scott (Simon Pegg), Leonard McCoy (Karl Urban), Hikaru Sulu (John Cho) et Nyota Uhura (Zoe Saldana)

vendredi 28 juin 2013

La Fille du 14 juillet - Antonin Peretjatko



Écrit et réalisé par Antonin Peretjatko
Avec : Vincent Macaigne, Vimala Pons, Marie-Lorna Vaconsin, 
Grégoire Tachnakian, Thomas Schmitt, Serge Trinquecoste, ...
Festival de Cannes 2013 - Quinzaine des réalisateurs
1h28
Sortie : 5 juin 2013

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Anarchy in the France



Qu'attend-t-on d'un premier film ? Peu et beaucoup à la fois. Peu, car il est difficile de tout dire en un seul long-métrage, de se révéler complètement et d'installer un univers unique. Et puis, l'absence de notoriété supprime les attentes et les appréhensions chez les spectateurs. Finalement, un vieux de la veille risque beaucoup plus qu'un petit jeunot. On va voir ces premiers films un peu par hasard, en pardonnant déjà les possibles maladresses du réalisateur. Puis beaucoup, car nous avons soif de nouveauté, d'une nouvelle manière d'appréhender le monde, décelant chez un tel ou un autre un possible grand cinéaste en puissance. 

Est-ce qu'on en attendait autant de la part d'Antonin Peretjatko ? Non. Ce diplômé de l'école Louis-Lumière, passé tout d'abord par le court-métrage et le documentaire (il a notamment réalisé le making-off d'Un Prophète) ne payait pas de mine. Mais il signe à 39 ans, avec La Fille du 14 juillet, son premier long-métrage. Et nous sommes scotchés, ahuris, ébahis, sidérés, émerveillés ! Oui, Antonin Peretjatko a largement dépassé les attentes traditionnelles d'un premier film ! 

En pleine crise économico-socialo-politique, Hector ne pense qu'à séduire Truquette, rencontrée le 14 juillet. Il décide de l'emmener en vacances, accompagné de Pator, Charlotte et Bertier. Mais voilà, les choses se compliquent. Truquette et Bertier se sont enfuis avec la voiture, le docteur Placenta, vrai-faux médecin, pète une durite (et il n'est pas le seul !), et pour couronner le tout, la France est tellement mal en point que Sarko est rappelé au pouvoir et la rentrée est avancée d'un mois ! Déjà, on sait que Peretjatko ne sera strictement pas du côté du premier film hyper-sérieux, sur fond de sujet grave, plombé par une mise en scène étouffante. Ouf !

Pator (Vincent Macaigne)

La promesse nous est confirmée dès le début. Peretjatko nous montre des images du défilé du 14 juillet, présidé par Nicolas Sarkozy, puis par François Hollande, le tout en accéléré. Le sérieux, le protocole et le politiquement correct sont ridiculisés. Peretjatko part de la réalité pour mieux s'en éloigner et mieux s'en moquer. La Fille du 14 juillet nous fait entrer dans la sur-réalité. Et c'est peut de le dire ! Le réalisateur nous introduit dans son univers déjanté, où la normalité devient une notion très vague. Entre des guillotines capricieuses, des flics braqueurs, un garde-chasse surexcité et des bagnoles rétros, il ne faut plus chercher une quelconque cohérence, mais plonger allègrement dans cette France déréglée. 



Le risque serait de tourner à l'empilement de gags sans liens, révélant ainsi une vacuité de l'ensemble. Mais non ! Même si parfois on peut penser à un cadavre exquis scénaristique, Peretjatko donne du liant à l'ensemble, révélant un message éminemment politique. Vous avez dit absurde ? Oui... tout comme notre société. On apprend que si pas de travail, pas de logement, alors que si pas de logement, pas de travail. D'une imparable logique... On préfère zapper les infos pour La Roue de la fortune, où le mot à trouver s'avérait être "Guy Debord" (illustre dénonciateur de la société du spectacle, la référence allait de soi). Face à la gravité des événements, Peretjatko prône la légèreté, les vacances, bref, l'optimisme ! Si l’État ne peut plus nous sauver, c'est à nous de le faire en choisissant l'enthousiasme plutôt que la morosité, la désinvolture plutôt que le sérieux, la liberté plutôt que les conventions et l'abrutissement. 

A l'opposé des comédies françaises grassouillettes et pas finaudes pour un sou qui polluent nos chers écrans nationaux, Peretjatko choisit la subtilité, des gags travaillés, jamais grotesques, et surtout, la poésie, inconnue au bataillon dans la plupart des films français. Transcender la réalité par l'absurde sans jamais tomber dans la bêtise, voilà la plus belle réussite de La Fille du 14 juillet. Tous les acteurs, la plupart inconnue, sont savoureux au possible. Généreux dans leur jeu si particulier, on se régale de les voir évoluer dans leurs aventures plus rocambolesques les unes que les autres. Et la mise en scène dans tout ça ? Une fois de plus, Peretjatko est bien inspiré. Quelques maladresses tout au plus qu'on a déjà oubliées.

Charlotte (Marie-Lorna Vaconsin), Pator (Vincent Macaigne), Bertier (Thomas Schmitt),  
Truquette (Vimala Pons), Hector (Grégoire Tachnakian)

Burlesque au possible, joyeusement anarchiste, Peretjatko est le digne héritier de la Nouvelle Vague. Entre l'insouciance d'Adieu Philippine de Jacques Rozier et l'inventivité d'un Godard, La Fille du 14 juillet débloque l'austérité cinématographique française actuelle. Peretjatko filme, comme ses illustres pairs, les corps avec désir. Il célèbre cette jeunesse qui a le mérite de la fougue et de l'envie. Probablement la meilleure comédie française depuis Adieu Berthe - L'enterrement de mémé de Bruno Podalydès (d'ailleurs, celui-ci fait une caméo), ce road-movie déjanté est ce souffle, cette respiration que l'on attendait depuis trop longtemps. Une friandise toute sucrée à croquer le plus vite possible !

Adrien V.




mercredi 26 juin 2013

The Bling Ring - Sofia Coppola



Écrit et réalisé par Sofia Coppola
Avec : Israel Broussard, Emma Watson, Taissa Farminga,
Claire Julien, Katie Chang, ...
Festival de Cannes 2013 - Film d'ouverture Un Certain Regard
1h30
Sortie : 12 juin 2013

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La vie par procuration


En l'espace de cinq films, Sofia Coppola a réussit à bâtir une oeuvre singulière, avec ses codes, son propre langage et ses thématiques récurrentes, échappant ainsi à la lourde étiquette de "fille de...". Affranchit de l'ombre écrasante de son génie de papa, Coppola-fille est une cinéaste à part entière dans le paysage cinématographique contemporain. Depuis son premier long-métrage, Sofia Coppola n'a cessé d'explorer l'adolescence, ses affres et ses troubles. Le sujet de The Bling Ring ne pouvait donc qu'interpeller Coppola. Le film raconte l'histoire vraie de Rebecca, Marc, Nicki, Chloe et Sam, bande d'adolescent surnomé le bling ring ayant défrayé la chronique par leurs multiples cambriolages de villas de stars hollywoodiennes, telles Paris Hilton, Orlando Bloom ou encore Megan Fox.

Le film évite toute "psychologisation" du geste. C'est à la fois une force et une faiblesse. Sofia Coppola s'attache aux faits, rien qu'aux faits, ce qui donne à l'ensemble une frénésie jouissive particulièrement agréable bien propre au sujet. Cependant, à trop vouloir nous raconter, Coppola en oublie parfois de nous révéler un sens plus profond que celui qui montré à l'écran. Elephant de Gus Van Sant, autre film inspiré de faits réels, parvient, lui, à associer réalité et mythologie, anecdote et universalité, avec un regard artistique unique. Certes, Sofia Coppola sait apporter une distanciation ironique face à tout cela. A coup de musique électro, de ralentis volontairement kitschs et de caméra portée (pas toujours inspirée), Coppola nous montre par la forme toute la vacuité de ces adolescents.



Nicki (Emma Watson)

C'est finalement lorsqu'elle prend le temps de poser sa caméra (comme elle l'a brillamment fait dans Lost in translation) que Sofia Coppola réussit le mieux. Deux plans témoignent de cela. Le premier est un plan d'ensemble fixe plongeant sur la villa que les adolescents dévalisent. Au loin, Los Angeles est dans la pénombre nocturne. A peine émaillé de quelques sons d'ambiance, ce plan suffit à révéler tout le drame de ces adolescents, victimes avant d'être coupables. Victimes d'un Los Angeles tapit dans l'ombre, où le système pervers hollywoodien condamne à la dictature de l'apparence. Les adolescents, qui pensent que cette villa de star est un lieu de liberté, semblent être d'avantage emprisonnés dans les conventions médiatiques. L'autre plan, situé à la fin du film, nous montre Chloé dans la cuisine familliale. Le papa lit son journal. La maman fait du jus de betterave. Sofia Coppola construit mathématiquement et avec précision son plan. Chloé est au premier plan, sa mère au fond. Son père est assis, face au mur, sur la gauche, tournant le dos aux deux autres. Chacun est dans son monde. Feignant être ensemble, chacun s'occupe de soi. Rassemblée, la famille n'est que mieux divisée. Sofia Coppola dénonce l'absence de ces parents qui se déresponsabilisent de leurs enfants, ou, à l'image de l'éberluée mère de Nicki, décalquent sur leur progéniture un semblant de vérité au lieu de s'intéresser à leurs vrais problèmes. Ces deux plans parviennent à raconter beaucoup par un dispositif minimaliste. Le cinéma est bien l'art du cadre.


Sam (Taissa Farminga), Nicki (Emma Watson), Chloe (Claire Julien)

Sofia dénonce. Son film atteint une portée sociale et politique que ces précédents films ne faisaient qu'esquisser. Dans une société de l'image, de l'apparence et de l'hyper-médiatisation, ces adolescents passent leur temps à se prendre en photo ou à s'exposer sur le célèbre réseau social au pouce bleu. Tout est vitrine. Cette cleptomanie compulsive, cette volonté de possession à outrance n'est que le résultat d'une peur de soi, de s'affirmer telle qu'on est. Hélas, Coppola n'explore pas assez ses personnages, ce qui aurait pu rendre le film poignant. Elle qui avait su rendre ses personnages si attachants dans ses précédents films, elle n'évoque qu'en surface la profondeur de ses protagonistes. La réalisatrice rate le coche. Par moment, elle y parvient, notamment lorsque Nicki, extirpée brusquement de chez elle par la police, ne parvient qu'à dire "Je veux parler à ma maman !". Coppola sait que ce ne sont que des enfants, trop vite devenuent adulte qui avant d'avoir besoin de gloire et de reconnaissance, on avant tout besoin de repères et d'une réelle affection, comme le demande Marc. Finalement, ces adolescents ne font que voler la part de rêve et de vie facile que leur vend les stars. Sofia Coppola parvient à capter les symptômes d'une société perverse où la vie se fait par procuration, selon les modèles imposés. La cinéaste nous montrera quelques images de la détention de Marc. Nickie conclût ironiquement le film en proposant, regard-caméra, de visiter son nouveau site internet. A la fois victimes et bourreaux, ces adolescents ont perdu toute innocence. Pire, ils sont complètement défasés de la réalité. Trippant comme film ? Tragique serait plus juste.


Rebecca (Katie Chang), Marc (Israel Broussard), Nicki (Emma Watson), Chloe (Claire Julien)

En somme, The Bling Ring est un bon film, sans être extraordinaire. Comme pour Somewhere, Sofia Coppola nous laisse un goût d'inachevé, l'idée qu'elle aurait pu aller plus loin. Mais la cinéaste réussit parfaitement son projet sociologique qui est de peindre une adolescence perdue et vaine, fascinée par le superflu. Mais il manque de cette âme, de cette beauté et de cette si belle intimité qui faisaient de Virgin Suicides ou de Lost in Translation des films si touchants. L'ambition était peut-être trop grande. Le résultat final reste d'une redoudable efficacité. On attend quand même le prochain film de Sofia Coppola pour être bouleversé.

Adrien V.


jeudi 20 juin 2013

L'inconnu du lac - Alain Guiraudie



Ecrit et réalisé par Alain Guiraudie
Avec : Pierre Deladonchamps, Christophe Paou...
Festival de Cannes : Un Certain Regard - Sélection Officielle : Prix de la mise en scène / Queer Palm
1h37
Sortie : 12 juin 2013

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Un Certain Regard 


Un certain regard fût marqué cette année par le quatrième long métrage d'Alain Guiraudie, LE film de sexe du festival, courronné sans surprise d'une Queer Palm mais également d'un prix de la mise en scène. Guiraudie lançe cette fois-ci un uppercut massif dans la production française de l'année (déjà avec une affiche controversée), proposant un film radical, froid, maîtrisé, mais d'un cynisme pompeux et agaçant. 

Il est malgré tout difficile de trouver des défauts à une oeuvre de cette envergure, osant bon nombre de choses, mais malheureusement sans les exploiter suffisament. Trois lieux sont présents dans le film : le lac, la plage, et le bois. Nous suivons Franck, un homosexuel venu se baigner dans le lac, et à l'évidence chercher du sexe. Guiraudie fait durer les plans, afin de rendre cette environnement contemplatif et de le magnifier. L'inconnu du lac, c'est d'abord Henri, le seul homme gardant un vêtement sur le rivage. Il semble venir ici pour réfléchir, s'ennuyer, et non trouver un compagnon. Il se liera d'amitié avec Franck, jusqu'à ce que ce dernier tombe amoureux de  Michel. Pendant la moitié du film, Guiraudie tourne en rond, essaye vainement d'harponner son public, avec ce scénario mystérieux aux allures métaphysiques parsemé de scènes de sexe sorties tout droit du film pornographique. Doit on  vénérer Alain Guiraudie pour ces scènes crues ? La prise de risque doit elle être valorisée à ce point ? Non. La qualité de l'interprétation à du moins le mérite de révéler deux (possibles) futurs grand noms d'acteurs du cinéma français : Pierre Deladonchamps (Franck) et Christophe Paou (Michel).

Le scénario commence néanmoins à nous interesser à partir du meurtre d'un naturiste, noyé dans le lac. Surgira alors un policier venant de nulle part, et l'inconnu du lac se transformera alors en un pur mythe. La vision et les propos radicaux d'Alain Guiraudie peuvent passionner, mais aussi terriblement ennuyer et donner envie de s'enfuir, de ce monde bestial n'ayant rien d'autre à offrir qu'une partie de jambes en l'air. Le réalisme, oui, mais montré de cette façon, Guiraudie peut grandement déplaire. 

Le lyrisme n'en est ici qu'à son prototype (malgré le fait que Guiraudie met en scène un véritable huis clôt), et si le grand cinéma français est là pour produire des émotions, c'est sans doute plus avec Antonin Peretjako (La Fille du 14 juillet) que presse et public s'accorderont. Une grande oeuvre d'un petit cinéaste, ou une petite oeuvre d'un grand cinéaste ? L'avenir nous le dira. Chose sûre : le monde d'Alain Guiraudie reste difficilement accessible.  

Jeremy S.

Franck (Pierre Deladonchamps) et Henri (Patrick Dassumçao)

Michel (Christophe Paou) et Franck (Pierre Deladonchamps)


lundi 17 juin 2013

Shokuzai : Celles qui voulaient se souvenir, Celles qui voulaient oublier - Kiyoshi Kurosawa



Ecrit et réalisé par Kiyoshi Kurosawa
Avec : Kyôko Koizumi, Yu Aoi, Eiko Koike, 
Sakura Ando, Chizuru Ikewaki, ...
Mostra de Venise 2012 - Hors Compétition
4h27
Sortie : 29 mai 2013 & 05 juin 2013

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Chasse à l'homme


Tout commence « 15 ans plutôt ». Au Japon, cinq petites filles, liées par l'amitié, voient leur destin bouleversé lorsque l'une d'entre elles, Emili, se fait violer et assassiner par un inconnu. Les quatre autres ont vu l'assassin mais, sous le choc, elles ont aussitôt oublié son visage. Asako, la mère d'Emili, les condamne à faire pénitence jusqu'à ce que le meurtrier soit retrouvé. Shokuzai (traduisez « pénitence ») part de là. Entre l'innocence de l'enfance bafouée par le pire des crimes, les lourdes responsabilités imposées et la mémoire traumatisée, le nouveau film de Kiyoshi Kurosawa (à la base, une série télévisée de cinq épisodes) en impose dès le départ. Projet dantesque, vaste fresque psychologique, épopée féminine multipliée par cinq, Kiyoshi Kurosawa ne manque pas d'ambitions.

Le prologue du film annonce d'emblée les enjeux du film. Elles sont cinq filles, rigoureusement cadrées ensemble. Au moment où l'homme vient prendre Emili, elles ne seront plus ensemble. Seules dans le cadre, seules face aux adultes et au drame, elles devront se construire par elles-mêmes. Brutalement passées à l'âge adulte, Sae, Maki, Akiko et Yuka ont perdu définitivement la confiance en elle et en l'autre. L'innocence de l'enfance n'est plus qu'un lointain souvenir. Car ce n'est pas une, mais cinq filles qui ont été violées. L'une physiquement, les autres psychiquement. Tout au long du film, elles ne chercheront pas seulement à racheter leur faute, mais aussi à trouver leur intimité et leur intégrité de femme. 

Les cinq jeunes filles face à l'assassin

Kiyoshi Kurosawa choisit une lumière délavée et fade. Les quatre jeunes femmes évoluent dans un monde qui a perdu les couleurs chatoyantes de l'enfance. Elles ne se font plus d'illusions. Le monde est laid et cruel. Tout comme l'homme. Chacune verra chez un homme la figure de l'assassin d'Emili. Au début de Shokuzai, nous somme en focalisation interne. Nous ne verrons pas le visage de l'assassin d'Emili. La suite du film donnera des traits à ce visage inconnu. Le mari de Sae, tout comme le meurtrier d'Emili, considérera la femme comme un objet de fantasme. Le fou de la piscine aura la cruauté sauvage de l'assassin d'Emili. Le frère de Sae, lui aussi, a des penchants pédophiles. Enfin, le beau-frère de Yuka a la même lâcheté que l'assassin d'Emili. Cet autre qui n'est qu'un avatar du meurtrier fait resurgir les vieux démons. Le cinéaste nippon poursuit son travail sur la lumière par un traitement intéressant des ombres. Juste avant qu'Emili ne se fasse assassiner, de mystérieuses ombres comme sorties d'un plafonnier pour bébé tournent autour d'elle. Akiko, « l'ours », retrouvera ces ombres dans le hangar. La menace plane toujours. Afin de recouvrer la paix, les quatre devront supprimer cet homme qui a détruit leur vie. Maki, la jeune institutrice, ne s'en cachera pas. Si elle a attaqué le fou de la piscine, ce n'était pas pour protéger les élèves, mais pour se venger du traumatisme qu'elle a vécu. Tout au long du film, les quatre chercheront à se délivrer du poids de la culpabilité amené par Asako et des liens funestes qui les rattachent aux hommes et au passé.

Les quatre jeunes femmes entretiennent un rapport étroit et particulier avec l'enfance. Sae n'étant pas réglée, elles ne peut enfanter. Ce dysfonctionnement n'est pas seulement associé à l'infertilité mais aussi à l'incapacité d'être une femme. Elle n'est qu'une poupée, un fantasme de pureté pour son mari. À la fin de son épisode, le sang coulera. Désormais capable de donner la vie, elle aura, paradoxalement, la force de tuer son mari. Maki, dans son métier d'institutrice, est constamment confrontée à l'enfance. C'est une mère protectrice, tout comme Akiko envers la fille de son frère. « Ours » mal léché, elle développera des capacités maternelles. Le cas de Yuka est un peu à part des trois autres. Refusant le poids de la pénitence imposé par Asako, elle agit en femme libre en choisissant de tomber enceinte du mari de sa sœur. 

Sae (Yu Aoi)

Par une mise en scène sobre et précise, le film parvient à une redoutable efficacité émotionnelle. Kurosawa propose un travail intéressant de la profondeur de champ telle que la définissait André Bazin (c.f. « L'évolution du langage cinématographique » dans Qu'est-ce que le cinéma ?). En proposant un rapport mental entre le spectateur et l'image, la profondeur de champ confronte plan et arrière-plan. Chaque personnage est en conflit avec son passé. La scène entre Asako et Akiko se base sur ce rapport de force dans l'image. Dans une simplicité d'apparat, la mise en scène psychologise chaque moment. Rien n'est apaisé. L'architecture de l'image est perturbée, comme les personnages. C'est toute l'intelligence du film que de proposer une telle violence intérieure. Dans ce film qui aurait pu très vite tourner au cliché et à l'attendu, Kurosawa parvient à rester dans la justesse. Même le twist final, bien qu'un peu poussé, marche car assumé. Si Kurosawa propose cette fin, ce n'est pas pour nous faire rougir ou hérisser sur nos fauteuils, mais parce qu'elle est la conclusion logique du film. Rien ne résonne faux, rien n'est laissé au hasard. Chaque personnage est sculpté avec minutie. Alors qu'il aurait pu s'enfoncer dans le thriller lourdaud, Kurosawa propose un quatrième chapitre inattendu teinté d'un humour noir mordant (la scène entre Yuka, prête à accoucher, et Asako est délicieusement immorale). C'était la respiration qui nous fallait. Du rire aux larmes, de la peur au pathétique, Kurosawa, comme Hitchcock, est maître de nos émotions. 

Asako (Kyôko Koizumi) et Akiko (Sakura Ando)

En somme, Shokuzai est un objet parfaitement maîtrisé du début à la fin. Le danger serait de s'arrêter là. Et si, finalement, le film ne parlait que de lui ? Les chefs-d’œuvre ne sont pas forcément les films les mieux maîtrisés mais les films qui parlent de la vie avec le cœur, qui ont ce grain de liberté, ce je-ne-sais-quoi qui vous emporte très loin et qui vous bouleverse. Là encore, Shokuzai surprend. Il n'aurait pu être « qu'un » excellent film bien fait (et c'est déjà pas mal!), mais il parvient à se trouver une âme, sans atteindre des sommets non plus. Mais par moments, le film se détache de lui-même et parvient à prolonger la réflexion. Kurosawa parle de l'enfance et de la peur, comme si les héros des frères Grimm avaient grandit. L'appareil psychanalytique n'est pas loin. Le film parvient à parler à tous le monde en allant chercher des choses qui étaient enfouies en nous. Rares sont les réalisateurs qui parviennent à creuser toutes les aspérités de leur film. Nous en sortons repus, rassasiés et perturbé. Dans le dernier plan du film, Asako, regard caméra, semble s'interroger, nous interroger sur la nature humaine, capable de tout : de vengeance, de rédemption, de colère et d'apaisement. Kiyoshi Kurosawa traverse l'âme humaine.

Adrien V.

Asako (Kyôko Koizumi)
 


lundi 10 juin 2013

After Earth - M. Night Shyamalan



Réalisé par M. Night Shyamalan
Ecrit par Gary Whitta, M. Night Shyamalan, Stephen Gaghan
Avec : Will Smith, Jaden Smith
1h40
Sortie : 5 juin 2013

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After Shyamalan ? 


Avec Le dernier maître de l'air (2010), Shyamalan paraissait toucher le fond. Il n'en est malheureusement rien face à ce nouveau navet de science-fiction-écolo produit par Will Smith en personne. Il ne suffit que des premières secondes pour comprendre que cette "histoire" ridicule déroulée nos yeux n'a strictement et purement aucun intérêt cinématographique, aussi bien au niveau du fond (on a rarement vu plus plat cette année pour de la science fiction) que de la forme (le Shyamalan du Sixième Sens ou du Village est invisible). 

Le pitch ? Will Smith et son fils s'écrase sur une planète se révélant être la Terre, désertée par l'espèce humaine 1000 ans auparavant. Mais alors comment représenter la Terre 1000 ans plus tard vous demanderez vous ? Aller filmer dans les forêts du Costa Rica, pardi! After Earth nous en apprend bien plus sur l'état actuel de la forêt du Costa Rica que celui de la Terre un millénaire plus tard. Et si seulement cette absurdité était la seule incohérence. 

L'idée de Shyamalan semble être de réaliser un "blockbuster minimaliste". Paradoxe interessant, encore faudrait-il justifier sa mise en scène pour ne pas tomber dans le pathétique de la plupart des scènes, surtout avec le Smith junior jouant comme un pied. Pendant 90 minutes, Jaden Smith est piloté par son père (immobilisé dans la carcasse du vaisseau crashé) pour aller quérir de l'aide, comme dans un mauvais jeu vidéo. S'ensuit alors une sorte de pseudo film d'apprentissage gonflant au possible avec un scénario développé grossièrement, faisant plus que survoler son sujet. Quelques monstres de John Carter, une petite mygale, c'est ainsi que la Terre a été recolonisée. 

After Earth n'est autre que le nanar tant attendu, se foutant bel et bien de la gueule de ses spectateurs, naïf, débile, ridicule, exaspérant. Chose sûre : Andrew Niccol et M. Night Shyamalan sont cette année les véritables parasites da la science fiction hollywoodienne, aux antipodes des brillantissimes Joseph Kosinski (Oblivion) et J.J Abrams (Star Trek Into Darkness) qui marquerons certainement 2013. After Earth n'est néanmoins pas une erreur de parcours, mais bien la confirmation que  Shyamalan, à court d'idées, tourne pour du beurre, fonce inévitablement droit dans le mur, et continue à dégénérer depuis Phénomènes (2008), vers des scénarios de plus en plus puériles et totalement inintéressants. Toutes nos condoléances...  

Jeremy S.

Kitai Raige (Jaden Smith)

mercredi 5 juin 2013

Very Bad Trip 3 - Todd Phillips



Réalisé par Todd Phillips
Ecrit par Todd Phillips et Craig Mazin
Avec : Bradley Cooper, Zach Galifianakis, Ed Helms, Ken Jeong...
1h40
Sortie : 29 mai 2013

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Last trip


Phil, Alan, et Stu sont cette année de retour dans les salles pour la grande comédie de l'automne, troisième volet (ou plutôt épisode) de Very Bad TripAvec Todd Phillips toujours aux commandes (depuis l'impressionnant premier volet), le (ou les) scénaristes ont cette fois ci encore changés, avec la  participation de Todd Phillips à l'écriture. Ce dernier point étant sans doute le facteur responsable du vautrage à 50% de ce Very Bad Trip 3

Vautrage à 50%, car même écrit de façon simpliste et ridicule, Todd Phillips n'est pas encore en manque d'inspiration. La meilleure idée est à l'évidence de ne pas ressortir l'événement déclencheur du développement des deux précédents films : la "soirée défonce". Car Todd Phillips veut cette fois progresser vers un autre genre, d'autres contrées de la comédie loufoque, créant davantage de suspense. Pari malheureusement raté. Si les premières minutes étonnent et nous arrachent un sourire jaune (décapitation d'une girafe, mort subite et enterrement du père d'Alan), la suite prend clairement la direction d'un film d'action de série B (gouffre dans lequel Todd Phillips n'était judicieusement pas tombé dans le premier film) avec l'arrivée de l'hilarant Chow, qui en fera des tonnes au point d'agacer sérieusement. 

Ken Jeong (Chow)

A partir de là, blagues puériles, vulgaires, et enfantines s'enchaînerons tout en gardant une ligne d'horizon fixe clairement capable de gonfler bon nombre de spectateurs. Si Chow est un personnage que l'on apprécie, nous serons peut être moins déçu, mais sceptique tout de même face au niveau de certaines scènes - déjà vues - allant au delà du second degré et d'une débilité profonde (celle de la sucette ou encore la descente de Phil et Alan d'un étage à l'autre dans un hôtel de Las Vegas). La "richesse" du langage de Chow, apparaissant d'abord comme une bonne idée, laisse soupçonner une paresse des scénaristes à l'écriture des scènes dialoguées ("Enfoirés de merde" prononcé une trentaine de fois). 

Peut être serait-il temps de s'arrêter là, Todd. Un quatrième volet serait certainement mal venu, et on peine à croire que le niveau serait réhaussé. Very Bad Trip reste néanmoins une comédie culte des années 2000 avec, signalons le, un trio formidable d'acteurs parfois sous estimés. Au dépend d'une écriture médiocre, Very Bad Trip 3 reste néanmoins un bon divertissement du samedi soir attirant tout public avide de comédie déjantée, de drôleries et d'absurdités. De nouvelles aventures et de nouveaux personnages loufoques, en revanche, risquent d'en décevoir plus d'un. 

Jeremy S.


Alan (Zach Galifianakis)

Phil (Bradley Cooper) ,Alan (Zach Galifianakis), Stu (Ed Helms)