jeudi 26 septembre 2013

Ma vie avec Liberace - Steven Soderbergh



Réalisé par Steven Soderbergh
Ecrit par Richard LaGravenese
D'après l'autobiographie Behind the Candelabra: My life with Liberace de Scott Thorson et Alex Thorleifson
Avec : Michael Douglas, Matt Damon...
1h59
Sortie : 18 septembre 2013

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L'artiste et ses modèles


Alors que l'univers médiatique de Ma vie avec Liberace a fait couler beaucoup d'encre (film refusé par le cinéma hollywoodien mais transformé en téléfilm produit par la chaîne de télévision HBO, dernier film du prolifique réalisateur) Steven Soderbergh prend un plaisir immense à tourner ce chef d'oeuvre ciné-télévisuel, et cela se ressent.

Pourtant, il s'agit de l'un de ses films les plus risqués aussi bien en terme d'histoire que de mise en scène et de ton. En mélangeant ces trois aspects Soderbergh aurait pu tomber dans une certaine forme d'homophobie. En effet, mettre en scène un univers exubérant très kitsch (qui pour l'époque n'est absolument pas cliché) et réussir à faire rire sur les situations entre les deux hommes aurait vite pu le faire basculer dans une polémique grave. C'était sans compter sur la douceur dont il fait preuve lorsqu'il filme ses acteurs.

Il ne faut pas oublier qu'en plus d'être un incroyable réalisateur, il est aussi, sous le pseudonyme de Peter Andrews, un très intelligent directeur de la photographie. Soderbergh a donc une maitrise totale de ses films (même s'il n'est pas toujours le directeur de la photographie de ses films, il a sans doute toujours son mot à dire sur le cadrage et l'utilisation de la lumière). Ce double emploi lui permet d'être placé dans le rang des meilleurs metteurs en scène américains. Il n'est d'ailleurs pas rare de le voir être comparé à l'illustre Alfred Hitchcock. 

Dans Ma vie avec Liberace, il reprend une caractéristique essentielle de son prédécesseur : le suspense. Même s'il n'y a pas d'intrigue policière, Soderbergh incorpore parfaitement cela dans son (télé)film. Lors de l'exposition le spectateur a toutes les clés de lecture du film. La séquence de rencontre entre Scott Thorson et Liberace résume bien ce qu'il va se passer ensuite. Présent dans sa loge à sa muse (masculine), on comprend très vite que Liberace va remplacer son amant par Scott Thorson et que ce dernier subira le même sort plus tard. Tout l'intérêt du film est de maintenir en tension le spectateur en retardant cette échéance, Soderbergh le faisant avec une aisance déconcertante.

À la sortie de ce film si la satisfaction est de mise, l'énervement surgit rapidement. Voir la performance très fine de ce duo d'acteur, qui contraste avec l'univers kitsch, nous fait nous demander ce qui s'est passé dans la tête du jury du festival de Cannes. Ils sont capables de donner une triple Palme d'or pour La vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2 d'Abdellatif Kechiche, pourquoi ne pas leur avoir offert ce que Matt Damon et Michael Douglas méritaient, à savoir un double prix d'Interprétation Masculine ?

Alors qu'une bonne partie de la critique voyait Steven Soderbergh s'essouffler lors de ces derniers films (dès The Informant ! sorti en 2009), ce dernier leur fait un beau pied de nez. Il s'amuse, mettant un point final à sa carrière par un film non pas conçu comme un "film somme" mais comme un film à part entière, qui s'impose déjà dans une filmographie si éclectique.

Alexis D.

Scott Thorson (Matt Damon) et Liberace (Michael Douglas)

mercredi 25 septembre 2013

Tip Top - Serge Bozon


Réalisé par Serge Bozon
Écrit par Serge Bozon, Odile Barski et Axelle Ropert
Librement adapté du roman éponyme de Bill James
Festival de Cannes 2013 - Quinzaine des réalisateurs
Prix SACD - Mention spéciale
Avec : Isabelle Huppert, Sandrine Kiberlain, François Damiens, ...
1h46
Sortie : 11 septembre 2013

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Sortie de route
 
   Cette année, la Quinzaine des réalisateurs aura eu l'apanage de l'étrangeté, du surréalisme haut perché, mais aussi de la jeunesse (pas moins de huit films sur dix-neuf étaient des premiers). La Caméra d'or se trouvait dans le tas avec Ilo Ilo d'Anthony Chen. Les organisateurs de cette sélection parallèle ont joué la carte de la nouveauté, contraste heureux avec le stoïcisme de la Compétition. Après l'extraordinaire La Fille du 14 juillet d'Antonin Peretjatko, le biographique La Danza de la realidad d'Alejandro Jodorowsky, avant l'étonnant Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne, voici que nous parvient tout droit de l'espace « l'ovniesque » Tip Top. Six ans après La France, l'atypique Serge Bozon nous revient avec cette comédie qui ne saurait trancher entre l'absurde, l'illogisme et l'irrationnel.

   Essayons de résumer tout cela (essayons !). Esther (Isabelle Huppert) et Sally (Sandrine Kiberlain), deux inspectrices de l'IGPN, mènent l'enquête dans un commissariat à la suite du meurtre d'un indic d'origine algérienne. Tandis que l'une s'adonne à un sado-masochisme complice avec son mari, l'autre n'éprouve du plaisir que dans le voyeurisme. Puis ajoutez à cela un drôle de flic, Robert Mendes (François Damiens, décidément génial ad vitam aeternam). Après, dépatouillez-vous avec ça ! Nous, nous renonçons à poursuivre ! Vous l'aurez compris, résumer Tip Top est une entreprise fastidieuse ! On raconte que sur le plateau de tournage, les acteurs n'avaient toujours rien compris à l'histoire. C'est qu'au fond, l'histoire n'est qu'un prétexte. Au final, il ne subsiste qu'un monde incohérent dans lequel il faut accepter de se perdre. Serge Bozon ne fera pas de compromis et ira jusqu'au bout. C'est ce que l'on appréciera le plus dans le film : cette capacité d'assumer pleinement cet univers loufoque. Alors que le cinéma français s'enfonce dangereusement dans un naturalisme détraqué, Serge Bozon prend le risque de nous proposer sa propre écriture de la réalité. Il ne cherche pas à s'excuser de cela. Et si certains s'égareront en route, il aura su préserver ce rôle essentiel de l'artiste qu'est de nous faire percevoir le monde autrement.

Sally Marinelli (Sandrine Kiberlain) et Esther Lafarge (Isabelle Huppert)

   Mais à quel prix ? Faut-il, pour autant, faire n'importe ? Nous le sentons, Serge Bozon maîtrise parfaitement son sujet. C'est un bordel parfaitement organisé. Mais le gros défaut du film est de ne pas nous donner suffisamment de codes pour pénétrer cet univers. Il demeurera toujours comme un calque opaque entre le film et nous. Serge Bozon cherche cet inconfort chez le spectateur, cet effort d'acuité auquel nous ne sommes plus habitués au cinéma. C'est cela qui nous dérange le plus. Mais en scrutant bien, en donnant toute notre bonne volonté, nous n'y arrivons pas et ne décelons pas grand chose dans l'ensemble. Tout cela conduit à un profond sentiment de malaise. Le bras de fer film / spectateur conduit à une tension permanente sur tout le film. Au lieu d'être généreux avec nous, Serge Bozon semble nous défier à chaque instant. Il cherche à nous faire avaler le morceau en gros plutôt que de nous le distiller en petites bouchées. Nous frôlons l'indigestion. Pour un réalisateur, le plus important ne devrait pas être le film, mais le spectateur. Pour le coup, c'est raté !

Robert Mendes (François Damiens)

   Cependant, quelque chose nous empêche d'être vraiment méchant avec Serge Bozon. En effet, le cinéaste à un sens certain de la mise en scène et de la notion de cadrage. Chaque nouveau plan semble être une nouvelle proposition de cinéma. L'exploitation intelligente de la profondeur de champ donne, de manière paradoxale, une dynamique dans le hiératisme de la caméra. Notons la très belle lumière de Céline Bozon qui, part son irréalité et sa froideur, apporte une dimension angoissante au film. Toujours dans un entre deux, le film joue sur les distances. Serge Bozon s'approche à peine de ses personnages que déjà il s'en éloigne. Le cinéaste jouera constamment sur cette ambiguïté, nous livrant ainsi qu'une infime parcelle de ses personnages.


   Difficile donc de se faire un avis tranché sur Tip Top. Nous ne pouvons que saluer l'inventivité, la prise de risque, le jusqu'au-boutisme assumé. Cependant, le film, sans chaleur, est trop abscons pour être réellement apprécié. Serge Bozon s'enferme dans son film et gâche tout son talent de metteur en scène. Au final, le cinéaste se prend dans son propre piège : à vouloir nous perdre, c'est surtout le film qui s'est perdu. Tip Top ? Bof...

Adrien V.
  


vendredi 20 septembre 2013

La danza de la realidad - Alejandro Jodorowsky



Ecrit et réalisé par Alejandro Jodorowsky
Festival de Cannes 2013 - Quinzaine des réalisateurs - Selection Officielle
Avec : Brontis Jodorowsky, Pamela Flores, Jeremias Herskovits
2h10
Sortie : 4 septembre 2013

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Le miroir


Il aura fallut ving trois ans au réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky pour faire son come back, avec un film financé en partie par le net et adapté d’un livre publié par lui même n’étant autre qu’une autobiographie. Présenté à Cannes dans la Quinzaine des réalisateurs, Jodorowsky s’est - sans doute possible - démarqué d’un cinéma attendu, fantastique ou même ludique.

La danza de la realidad n’est finalement pas très éloigné des précédents Santa Sangre (1989) ou le Voleur d’arc-en-ciel (1990). Film autobiographique, il pourrait être considéré comme un film somme, rassemblant toutes les idées et partis pris esthétiques piochés dans sa filmographie. Ou alors nous pourrions voir cela comme une œuvre fellinienne, mêlant rêves, faits réels, et fiction. A notre plus grand plaisir, La danza de la realidad ne se range d’aucun de ces deux côtés. Comme Santa Sangre, c’est d’abord une plongée vertigineuse et un voyage surréaliste que nous propose le cinéaste, à travers deux longues heures bourrées d’instants magiques, horrifiques, hilarants, ou encore bouleversants. Le côté autobiographique de La danza de la realidad étant clairement l’interêt de voir un film du cinéaste en salle de nos jours, si l’on connaît Jodorowsky, nous pouvons remarquer un manque de renouvellement. Sa longue période d’absence devient ainsi inexplicable, et les raisons de son nouveau film troublantes.

Alejandro enfant (Jeremias Herskovits) et Jaime (Brontis Jodorowsky)

Renouer avec son enfance, tel est le but premier de ce patchwork. La famille, le village, la vie d’autrefois, tous les éléments d’une fresque académique sont présents dès le départ. Nommé par leurs vrais noms et joués pour certains par de réels membres de sa famille, les Jodorowsky et leur histoire commencent d’abord par ennuyer (montage rapide, scènes sur-écrites, mouvements de caméras dans chaque plans) avant de s’injecter lentement dans l’esprit de son spectateur, souvent mis à l’écart par la distanciation qui caractérise tout le cinéma de Jodorowsky. Aucun effet n’est recherché, et le côté kitch du cinéaste trouve alors tout son sens : La danza de la realidad est d’abord un spectacle, un feu d’artifice volontairement maintenu dans une mise en scène terre-à-terre.
Si certains moments déboulent comme des scénettes felliniennes,  l’ensemble reste relativement cohérent et prenant surtout au moment de l’éclatement familial. Le désespoir des personnages est parfois  montré comme un grand opéra, où mythe et réalité se confondent en permanence sans jamais créer une atmosphère expérimentale difficile d’accès. Certains y verront par là un défaut du film. Mais l’objectif premier étant de faire voyager son spectateur (à la manière de Théos Angelopoulos) demeure dans la ligne de mire du cinéaste, et même si quelques décrochages peuvent parfois survenir, c’est avec un respect et un certain suspense que nous suivons l’histoire abracadabrante de la famille Jodorowsky. D’un côté le père autoritaire et malsain, de l’autre le fils soumis et dépressif. En confrontant ces deux personnages, le cinéaste nous parle aussi de son entrée dans le monde de l’art, ses origines et à l’évidence de sa découverte.

En somme, Jodorowsky ne souhaite pas parler simplement de lui et de son histoire. Son film décalé dans le cinéma contemporain disloque les frontières habituelles du surréalisme sans pour autant plus pencher du côté de Bunuel que de Fellini. Il y a une intertextualité filmique dans La danza de la realidad : celle de ses autres œuvres, toujours présentes. Et surtout, envisagées comme des œuvres vivantes, dans un dispositif scénique dantesque, visant à toucher plus d’un spectateur en évitant de tomber un cynisme prévisible. Si l’utilité du film ne se distingue pas dans l’immédiat, La danza de la realidad apparaît comme un passionant voyage, pas toujours facile d’accès, mais dont plus d’un ressortira chamboulé, et ravi d’avoir pu assister à une nouvelle éclosion d’un grand cinéma moderne, mettant tous ses contemporains au tapis.

Jeremy S.


Alejandro enfant (Jeremias Herskovits), Sara (Pamela Flores) et Jaime (Brontis Jodorowsky)

dimanche 15 septembre 2013

Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des plaines) - Arnaud Desplechin



Écrit et réalisé par Arnaud Desplechin 
d'après Psychothérapie d'un Indien des plaines de Georges Devereux
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Avec : Benicion del Toro, Mathieu Amalric, Gina McKee, ...
1h56
Sortie : 11 septembre 2013

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Thérapie amicale
 
   Si le rythme de travail d'Arnaud Desplechin est aussi long, c'est que le cinéaste ne cesse de creuser son histoire, d'explorer tout ses personnages, d'en connaître chaque recoin, encore et encore, jusqu'à l'épuisement du sujet. Il aura fallut cinq ans au réalisateur pour explorer toutes les richesses du roman de Georges Devereux Psychotérapie d'un Indien des plaines, publié en 1951. Desplechin déclare « être devenu fou » du livre, qu'il pensait adapter depuis longtemps. Si la psychanalyse n'est pas un sujet nouveau au cinéma (on se souviendra de A Dangerous Method de David Cronenberg), son traitement est toujours complexe tant la matière peut sembler abscons. Cependant, s'entourant de son alter ego Mathieu Amalric et de Benicio del Toro, Arnaud Desplechin nous livre une passionnante psychanalyse cinématographique de James Picard, vétéran amérindien de la Seconde Guerre mondiale, en proie à des troubles psychologique, par l’ethnologue Georges Devereux.

James Picard (Benicio del Toro)

  Ce qui frappe tout d'abord, c'est le changement de ton par rapport aux précédents longs-métrages de Desplechin. Là où le cinéaste s'employait à des récits complexes et choraux, multipliant les effets de montage et usant d'une mise en scène sur le vif, il filme, dans Jimmy P., de manière plus épurée, plus apaisée, plus classique aussi. Certes, les thèmes chers au réalisateur se retrouve dans Jimmy P. : omniprésence de la mort, passé problématique, importance de la famille, etc. Avec le même talent que dans Esther Kahn ou Rois et Reine, Desplechin fait preuve d'une très grande introspection et empathie avec ses personnages. Cependant, le cinéaste perd quelque peu en inventivité et originalité. En s'attachant trop à la relation entre les deux personnages, Desplechin en oublie de souligner ces rapports humains par la mise en scène. Parfois, le dialogue prend le dessus au détriment de la forme. Heureusement, certains passages révèlent une inspiration toujours présente, à l'image des très belles scènes de rêve. Et c'est finalement en filmant la solitude des personnages que Desplechin réussit le mieux. En séparant Georges Devereux et James Picard, Desplechin met en exergue le besoin de l'autre. Les deux ne s'inscrivent pas forcément dans un rapport médical, mais dans un besoin mutuel d'humanité. Tous les deux étrangers, Devereux et Picard trouvent en l'autre une oreille attentive, un refuge, un apaisement des tensions, aussi bien pour l'un que pour l'autre. C'est cela que montre le film : le chemin de la guérison est aussi celui de l'amitié. Dans une psychanalyse à double sens, ces deux îlots, en marge de la société, bâtissent une relation non plus de médecin à patient mais d'égal à égal. 

Georges Devereux (Mathieu Amalric) et James Picard (Benicio del Toro)
 

   C'est alors que la mise en scène de Desplechin délaisse l’esbroufe pour aller vers une neutralité de bon aloi. La caméra du cinéaste suit Devereux et Picard dans une forme de pudeur, s'abandonnant à l'histoire et non plus à la morale. Desplechin ne vient jamais donner de leçon ou imposer des dogmes (du genre « la guerre fait des dégâts chez les hommes »). Ce n'est pas ce qui l'intéresse. Comme toujours, Desplechin est du côté des personnages, un peu moins de celui de l'intrigue. Finalement, la psychanalyse ne devient plus qu'un prétexte. Elle n'est que la structure d'une relation incongrue, entre la vieille Europe et l'Amérique originelle. Mais cet effacement s'avère problématique quand il s'agit de donner à l'ensemble un caractère universel. A trop s'enfermer sur ses deux personnages, Desplechin en oublierait presque le spectateur qui peut parfois se sentir extérieur au film. Nous sommes en empathie absolue avec ces deux héros, mais il demeure comme un flou quant à leur contextualisation. Desplechin n'inscrit pas assez son histoire dans l'Histoire, ce qui aurait donné une perspective supplémentaire au film.

   Jamais ennuyeux, Jimmy P. réussit ce pari de nous intéresser à une intrigue tournant autour de la psychanalyse. Bien plus qu'un simple cours de psychanalyse, le film, porté par deux acteurs inspirés au jeu toujours juste, séduit par sa sincérité et la sympathie indéniable que porte le cinéaste sur ses personnages. Certes, Desplechin perd en chemin de son originalité pour se tourner vers un certain classicisme, mais jamais académique. On présent que ce film marque la fin d'un cycle dans la filmographie d'Arnaud Desplechin. Le réalisateur y semble plus serein, moins tourmenté qu'avant. Ce film pourrait bien être une psychanalyse personnelle, comme si Desplechin cherchait, tout comme Jimmy Picard, à se débarrasser de ses démons pour explorer un langage plus apaisé. Affaire à suivre... 

Adrien V. 

  

jeudi 12 septembre 2013

Tirez la langue, mademoiselle - Axelle Ropert



Ecrit et réalisé par Axelle Ropert
Avec : Louis Bourgoin, Cédric Kahn, Laurent Stocker...
1h42
Sortie : 4 septembre 2013 

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L'amour rétro

Que penser en remarquant Louise Bourgoin à l’affiche du nouveau film de la jeune Axelle Ropert ? Probablement la même chose qu’avec François Damiens dans La famille Wolberg, premier film de la cinéaste, d’une fraicheur absolue et inattendue au tournant du cinéma français contemporain.

Tirez la langue, mademoiselle continue dans le même registre, explore la même idée tout en l’approfondissant : conter une histoire simple et charmante, dans une mise en scène et un jeu d’acteur libellée d’ancien grand cinéma français (François Truffaut, Eric Rohmer, Louis Malle…). Une œuvre rétro, ce nouveau film l’est davantage que le précédent : décidant de scénariser une histoire qui pourrait avoir lieu cinquante ans auparavant, Axelle Ropert prend le parti pris de filmer selon ses goûts et ses observations. La définition d’un film d’auteur ? Pas seulement.

Boris et Dimitri Pizarnik, deux frères médecins, s’éprennent de la même femme (Louise Bourgoin, mère d’une petite fille étant leur patiente). La trace de Jules & Jim se fait de suite ressentir, tout comme celle d’Eric Rohmer dans la picturalité de certains décors et éléments du cadre (omniprésence du bleu, couleurs pastel rappelant Les Nuits de la pleine lune). La complexité scénaristique de la famille Wolberg (fait normal pour un premier film, en particulier avec l’aide de son compagnon Serge Bozon) laisse place à un simple triangle amoureux teinté de mélancolie comme de tristesse mais aussi de joie et de drôlerie. Ainsi, nous ne saurons pas vraiment si les malades le sont réellement ou si les deux médecins sont véritablement compétents. Tout comme leur passé totalement obnubilé. Tirez la lange, mademoiselle est un film au jour le jour, que nous suivons avec le sourire guettant le grand climax attendu mais qui finalement se déclare anti spectaculaire, anti académique, mais bouleversant. 

Judith (Louise Bourgoin)

La principale réussite d’Axelle Ropert, c’est d’abord cette nouvelle Louise Bourgoin, apparaissant comme une lumière dans chaque plan sombre. L’ancienne miss météo ou fille de Monaco se révèle comme une grande actrice française et trouve ainsi son meilleur rôle de cinéma. Le jeu d’acteur, demeurant classique à l’opposé de la modernité présente sous autres aspects du film, n’en est pas moins puissant et terriblement réaliste, oscillant entre Maurice Pialat et Claude Miller. Tendant constamment vers un dénouement banal et inintéressant, le final surprend agréablement.

Sans être un souffle unique dans le cinéma français en crise aujourd’hui, ce petit film apporte beauté et réconfort, tout en nous rappelant que de jeunes auteurs ne tombent pas dans ce naturalisme contagieux, en particulier de prometteuses réalisatrices.

Jeremy S.


Dimitri (Laurent Stocker) et Boris (Cédric Kahn)

samedi 7 septembre 2013

70ème Mostra de Venise - Le Palmarès




Lion d'or : Sacro GRA de Gianfranco Rosi (Italie)

Lion d'argent du meilleur réalisateur : Alexandro Avranas pour Miss Violence (Grèce)

Grand Prix du jury : Stray Dogs de Tsai Ming-Liang (Taïwan/France)

Coupe Volpi / Interprétation féminine : Elena Cotta dans Via Castellana Bandiera (Italie/Suisse/France)

Coupe Volpi / Interprétation masculine : Themis Panou dans Miss Violence (Grèce)

Prix Spécial du jury : Die Frau des Polizisten de Philip Gröning (Allemagne)

Prix Osella pour le meilleur scénario : Philomena de Stephen Frears (Angleterre) 

Prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune interprète : Tye Sheridan dans Joe (Etats Unis)

Prix Luigi de Laurentiis du premier film : White Shadow de Noaz Deshe (Allemagne)

Prix Orizzonti : Eastern Boys de Robin Canpillo (France)


Longuement critiqué par la presse française, le palmarès très européen de cette 70ème édition a de quoi inquiéter, quant à l'absence d'Hayao Miyazaki (Le Vent se lève), Philippe Garrel (La Jalousie), Amos Gitai ou encore Xavier Dolan (Tom à la ferme). Le documentariste Gianfranco Rosi n'en demeure pas moins méritant : il y avait bien longtemps qu'un documentaire n'avait pas été couronné de la récompense suprême. 

Le Vent se lève d'Hayao Miyazaki