vendredi 29 novembre 2013

The Immigrant - James Gray



Écrit et réalisé par James Gray
Festival de Cannes 2013 - Sélection Officielle 
Avec : Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner...
1h57
Sortie : 27 novembre 2013

-

All About Ewa


Cette quatrième année au festival de Cannes annonçait-elle la consécration de James Gray ? Avec un accueil plus froid que ses précédents films, The Immigrant s’est une fois de plus retrouvé hors palmarès. Trop classique ? Trop classieux ? Beaucoup d’adjectifs péjoratifs ont fusés après la projection de ce nouveau mélodrame, se voulant provocateur envers James Gray dans sa proposition d’un cinéma  dit « anti novateur ». Si à ce jour The Immigrant ne demeure pas le chef d’œuvre du cinéaste (Two Lovers au sommet), une reconnaissance peut néanmoins lui être méritée pour ses ambitions classiques très justement assumées.  Doit-on reprocher à un film une absence de discours, de message ? Devons nous bouder, comme le public et le jury élitiste de Cannes, devant une œuvre aspirant au sublime et à la transmission de l’émotion pure ? Pourtant, le cinéma de James Gray n’a encore jamais été rabaissé ni sous-estimé par la critique française. L’académie cannoise en est bien la seule et unique responsable. Préférer l’apparente bêtise de Amat Escalante (Heli) pour le prix de la mise en scène à The Immigrant justifie clairement les attentes du jury (ou pourquoi pas le trafic) pour des films  difficiles et endurants. 

Car soyons honnête, tout spectateur connaissant les autres films de Gray et entrant dans la salle ne sera, à priori, que peu grandement surpris pendant les deux heures de projection. Doit-on obligatoirement récompenser un film du fait de sa sortie des sentiers battus, de l’ébranlement intellectuel qu’il procure (en bien ou en mal), ou en valorisant sa prise de risques ? Ce n’est clairement pas dans cet optique que se situe l’univers de Gray, et la beauté comme l’émotion du film qui en découle ne pourra qu’intriguer, par sa simplicité et son efficacité perdue depuis les grands films muets des années 20. Nous pourrions en effet résumer cette histoire en une dizaine de mots : « Ewa, une immigrée polonaise, a son cœur partagée entre deux hommes. » Trois protagonistes principaux, deux idées majeures de mise en scène, et une reconstitution fidèle des décors. Peut-on qualifier pour autant The Immigrant de maigre et superficiel ? C’est là que se découvre le génie du cinéaste américain.

Ewa Cybulski (Marion Cotillard) et Bruno Weiss (Joaquin Phoenix)


Comme dans Two Lovers (2008), une victime est entourée de deux autres personnages radicalement différents et doit faire un choix. Ewa Cybulski (Marion Cotillard) est recueillie sous l’aile de Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un riche homme souhaitant l’aider par tout moyens dont il dispose. L’exposition et la première partie du développement se déroulent de manière extrêmement fluide, et nous découvrons par le regard d’Ewa le New York des années 20, d’une beauté aussi lumineuse que grisâtre. Pour subvenir à ses besoins, Ewa va devoir se prostituer. La découverte de ce terrible procédé fait-elle office d’un jalon scénaristique ? Pas vraiment, et c’est en cela que le film fonctionnant en apparence uniquement sur son écriture tend à quelque chose de plus libre, plus pur et symbolique. La séquence de rêve ne durant pas plus d’une vingtaine de secondes en témoigne, essentiellement par l’aspect quasi parfait de réalisation qui en ressort, nous faisant comprendre que cet aparté n’est pas là pour combler une quelconque faiblesse esthétique ou narrative, mais bien pour donner une autre dimension au récit coulant comme de l’eau de source. L’arrivée d’Orlando (Jeremy Renner) déroule un autre type d’histoire, incluse dans celle de Bruno Weiss. À ce moment, The Immigrant diffère nettement de Two Lovers, précisément car Joaquin Phoenix n’est pas soumis à Vinessa Shaw et Gwyneth Paltrow comme Marion Cotillard l'est, à lui et Jeremy Renner. De cette découverte nait également une pirouette de mise en scène, donnant un plus grand potentiel et une nouvelle emprise aux deux forces s’exerçant sur Ewa. Les cadres se resserrent, les mouvements s’atténuent, l’état psychologique du trio de protagonistes explose. Les scènes de spectacle ne sont plus frontales, Ewa n’est plus rassurée et ne parvient plus à suivre son désir premier. C'est une femme perdue qui se cache, ne voulant suivre aucun des deux hommes, continuant à chercher sa place, immergée dans ce cruel nouveau monde. Nous l'accompagnons avec une empathie digne d'un personnage de James Gray, ou même d'un grand opéra. 


Orlando (Jeremy Renner) et Ewa Cybulski (Marion Cotillard)






Le drame final, filmé comme un faux tour de magie, décloisonnent les états d’esprit et rassemble à nouveau Ewa et Bruno Weiss. N’oublions pas de mentionner les magistrales compositions de Chris Spelman (notamment le principal leitmotiv) et la photographie sublimée et cotonneuse de Darius Khondji. Une lumière à la fois mélancolique et mystérieuse, qui dévoile une sidérante Marion Cotillard encore jamais vue, se fondant plus que naturellement dans le corps d’une polonaise. Elle et Bruno vont-ils retrouver Magda, sa sœur atteinte de la tuberculose ? La mort d’Orlando pourrait laisser présager une triste fin. Mais James Gray, réalisant son film comme un enfant fabrique son rêve, ne peux finir sur une mauvaise note. Sans non plus terminer pleinement sa tragédie, le dernier plan ressemble davantage à une ouverture vers un autre drame sous-jacent : celui de Bruno Weiss. Comme à son habitude, le cinéaste chamboule et bouleverse par un film obsessionnel, froid et glaçant, le faisant glisser vers un paradoxal modernisme, loin de toute ambiguïté et de révolution artistique. D’une virtuosité peu courante dans le cinéma classique américain d’aujourd’hui, sans s’élever comme un puissant chef d’œuvre, The Immigrant est un mélodrame modeste et émouvant, n’ayant pas sa place au palmarès cannois mais bien au cœur de spectateurs avides d’émotions, transmises par les codes du langage cinématographique des premiers temps. 

Jeremy S.

Ewa Cybulski (Marion Cotillard)


mercredi 27 novembre 2013

Hunger Games, L'embrasement - Francis Lawrence



Réalisé par Francis Lawrence
Écrit par Simon Beaufoy, Michael Arndt, Suzanne Collins
D'après le roman de Suzanne Collins
Avec : Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Woody Arrelson... 
2h26
Sortie : 27 novembre 2013

-

Les gamins


Deuxième volet d'une saga déjà culte parmi les jeunes lecteurs, la suite de l'adaptation est cette fois-ci assurée par Francis Lawrence, réalisateur des mauvais Je suis une légende (2007) et De l'eau pour les éléphants (2011). Le premier opus, signé Gary Ross, exposait le pitch et les personnages dans un scénario malin et intelligemment rythmé, rendu agréablement supportable que ce soit pour le public cible ou les plus âgés. Aurait-il du continuer la saga ? 

Nous aurions été comblés. Ce deuxième épisode se révèle malheureusement comme la pire catastrophe de cette année, nous donnant à voir le plus ridicule que puisse produire Hollywood. Expliquer le totalitarisme aux enfants de cette façon est-il pardonnable ? En plus d'être thématiquement absurde, L'embrasement souffre également d'une plume paresseuse, ne débutant véritablement son ascension qu'au bout d'une très longue heure sans aucun intérêt. Cette première partie, voulant paraître cruelle et subversive, n'esquisse pas le moindre réalisme dans ce monde souffrant contaminé par une SF low coast digne d'un gros nanar. Les dialogues fusent en sonnant faux, la gamine (Jennifer Lawrence) devient antipathique tout comme son compagnon (Josh Hutcherson), paraissant d'une telle stupidité que l'on se demande si il appartient bel et bien à l'écrivain (Suzanne Collins).

L'épisode sous le dôme, quant à lui, se contente de répéter celui du premier épisode sans aucune innovation. Si la fin parvient néanmoins à surprendre, c'est avec horreur que nous découvrons qu'elle est en réalité le début du troisième acte. Hunger Games - L'embrasement est un drame involontairement comique, qui, pendant plus de deux heures, nous fait tristement regretter les huit euros perdus dans la caisse. 

Jeremy S.


Peeta Mellark (Josh Hutcherson) et Katniss Everdeen (Jennifer Lawrence)



samedi 23 novembre 2013

Borgman - Alex Van Warmerdam



 Écrit et réalisé par Alex Van Warmerdam
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Avec : Jan Bijvoet, Hadewych Minis, Jeroen Perceval, Sara Hjort Ditlevsen, ...
1h53
Sortie : 20 novembre 2013

-

Équation à plusieurs inconnues



La cinématographie hollandaise est fort peu médiatisée à l'international. Alex Van Warmerdam est l'un des seuls cinéastes des Pays-Bas à pouvoir se targuer d'une certaine reconnaissance hors de ses frontières, en témoigne sa sélection en Compétition au dernier festival de Cannes pour son film Borgman. Plutôt bien accueilli par les festivaliers, ce long-métrage nous raconte la manière dont un mystérieux personnage (un vagabond ? un fou ? un gourou de secte ?) va bouleverser le quotidien d'une paisible famille bourgeoise. L'argument nous fait immédiatement penser au Théorème de Pasolini. Nous ne nous risquerons pas à supposer l'hypothèse d'une filiation entre les deux films, même si les deux films présentent de nombreuses similitudes. Si Borgman demeure intéressant sur plusieurs points, le film n'atteint jamais l'ampleur et la profondeur du chef-d’œuvre de Pasolini.

La principale qualité du film est de nous proposer un univers hors du commun. Entre thriller psychologique et comique de l'absurde, Alex Van Warmerdam nous propose un étrange huis-clos qui laisse planer une atmosphère à la fois délétère et ironique. La distanciation est de mise. Un clochard à l'aspect hirsute vient frapper à la porte d'une riche villa de campagne. Si le mari le rejette violemment, la femme l'accepte en secret en lui offrant un bain (il semblerait que les deux se connaissent déjà). Cet homme, Camiel Borgman, va peu à peu s'immiscer dans le foyer. C'est le programme réjouissant que nous propose la première heure. Dans un sens parfait de la mise en scène, qui convoque la tension d'un Hitchcock et l'atmosphère étouffante de Shinning, Borgman gangrène cette maison comme un virus, gagnant petit à petit chaque pièce et chaque membre de la famille. Dans une conquête silencieuse de l'espace, Borgman s'apparente à un personnage métaphorique. Est-il l'incarnation de nos propres peurs ? Le diable ? La justice divine ? Le cinéaste n'affirme, ni n'infirme rien. 

Camiel Borgman (Jan Bijovet), Marina (Hadewych Minis), Richard (Jeroen Perceval)

Toutes ces belles promesses qu'engagent la première heure du film tombent à l'eau dans la deuxième heure. D'autres personnages s'agglomèrent autour de Borgman : des complices qui participent au projet de perdre la famille. L'histoire s'embourbe alors dans un schéma trop complexe et perd la clarté et l'efficacité du début. Le système d'Alex Van Warmerdam se prend à son propre piège. Si l'ironie mordante du début pouvait nous amuser, elle devient pénible par la suite et c'est avec un ouf de soulagement que nous voyons arriver le générique de fin. A force de rester dans le vague et de laisser au spectateur le soin de coller les morceaux du puzzle, le cinéaste fatigue le spectateur en n'affirmant pas assez son propos. Le film se lance sur plusieurs pistes et se perd en route, au lieu de se concentrer sur sa proposition de départ. 

Richard (Jeroen Perceval)

Certes, l'interprétation est plutôt bonne et la mise en scène est irréprochable, mais Alex van Warmerdam ne donne pas assez d'unité à son film. Le cinéaste gâche tout l'univers qu'il avait construit en convoquant trop de choses à la fois. C'est bien dans l'ennui que se finit le film. C'est fort dommage pour un film qui avait tout pour être un parfait thriller psychologique. L'indéniable rigueur du cadrage et de la mise en scène d'Alex Van Warmerdam parvient malgré tout à sauver Borgman du naufrage.

Adrien V.

Camiel Borgman (Jan Bijovet)

jeudi 21 novembre 2013

Les Garçons et Guillaume, à table ! - Guillaume Gallienne



Écrit et réalisé par Guillaume Gallienne
Festival de Cannes 2013 - Quinzaine des réalisateurs - Sélection Officielle (Prix SACD)
Avec : Guillaume Gallienne, André Marcon, Françoise Fabian... 
1h26
Sortie : 20 novembre 2013

-

Guillaumette 


Jeune comique déjà populaire à la télévision, Guillaume Gallienne se montre cette fois ci sur les écrans de cinéma. Son premier film est l’adaptation d’un sketch mis en scène antérieurement. C’est avec joie que nous découvrons son aisance et aptitude à réaliser une petite comédie très inventive comme le cinéma français en a rarement produit (pour ne pas dire jamais) cette année.

Le piège tant attendu est balayé dès les premières minutes. Gallienne ne nous raconte rien d’autre que sa propre histoire, nous expose le caractère autobiographique de son film par une minutieuse mise en abîme. En réalité, il va nous scénariser un long sketch de quatre vingt minutes par son image omniprésente dans tous les coins : il occupe tout l’espace, y compris le personnage de sa mère, tout cela sans prétention pompeuse comme pouvait le montrer Valeria Bruni Tedeshi dans Un Château en Italie. Avec une voix off asexuée, Gallienne nous intègre à sa vie quotidienne sans didactisme nécessaire à la compréhension de son principal problème : est-il un homme ou une femme ? Sa voix aigue le fait passer pour sa mère dans le dos de son père, et cette dernière le différencie des autres « garçons » (d’où le titre). Même si Guillaume interprète à la perfection le rôle maternel, l’effet miroitant des deux personnages demeure invisible, justifiant ainsi l’absence de « ségrégation sexuelle » présente dans tout le film. Parmi les différents personnages rencontrés, Gallienne nous fait comprendre, comme la recherche de son identité sexuelle, celle de son genre de comédie.
Diane Kruger est sans nul doute la plus grande surprise de ce premier long métrage. Elle révèle un potentiel comique absurde encore jamais soupçonné pour une telle actrice souvent catégorisée. Aux côtés de cette drôle de séquence se situent d’autres grands moments, notamment celui de la piscine. Nous plongeons dans un bassin, et ressortons dans un autre différent, le tout avec un tube de Supertramp en fond sonore, distinguant une part de lyrisme très inattendue compte tenu de la popularité du personnage. 

Si ces deux types de comédie figurent le sketch, le plus important pour cette histoire racontée en images parvient à s’en dégager : l’émotion. Tantôt hilarant, tantôt triste, Guillaume fait exister son personnage comme notre meilleur ami, créant ainsi l’inévidente empathie pour un comique d’aujourd’hui (l’époque de Charlot et de Prince Rigadin est belle et bien révolue) à l’inverse d’un Frank Dubosc, d’un Omar Sy ou d’un Fred Testot, plus généralement de clowns ringards oubliables. Une réussite reproductible pour un deuxième film ? Pari lancé.  

Jeremy S.



Maman (Guillaume Gallienne)


Ingeborg (Diane Kruger) et Guillaume (Guillaume Gallienne)

mardi 19 novembre 2013

Les Rencontres d'après minuit - Yann Gonzalez



Écrit et réalisé par Yann Gonzalez
Festival de Cannes 2013 - Semaine de la critique - Selection Officielle 
Musique Originale : Anthony Gonzalez (M83)
Avec : Kate Moran, Niels Schneider, Éric Cantonna, Béatrice Dalle... 
1h31
Sortie : 13 novembre 2013

-

Lyrisme effrité 


Jeune homme appartenant à la nouvelle vague des jeunes cinéastes révélée en partie par les Cahiers du Cinéma (cf n°688 Avril 2013), Yann Gonzalez est cette année le troisième mauvais élève du cinéma français à nous produire une œuvre bizarroïde et mutante. Si Antonin Peretjako (La Fille du 14 juillet) et Justine Triet (La Bataille de Solférino) parvenaient à réinventer la comédie en fondant leurs principes sur une base solide déjà établie, Gonzalez préfère radicaliser du tout au tout, au risque de tomber dans un cynisme ridicule.

À notre plus grand regret, le mal est fait. Sur un scénario débutant comme un pastiche pasolinien, tout s’écroule en quelques minutes. La Chienne, la Star, l’Étalon, et l’Adolescent se rencontrent dans une maison en pleine nuit pour se concerter, se confier, parler de leurs plus grandes frustrations sexuelles. D’un dispositif en apparence prometteur n’en ressort qu’une vague de moments oniriques faiblards, sur-stylisés, ressemblant à du carton pâte et demeurant sans fond, mais juste l’ébauche d’une idée de court métrage. Rythmé par les compositions d’Anthony Gonzalez (M83), l’avancement de l’intrigue patine, se traîne, malgré de belles performances d’acteurs au jeu anti-naturaliste. Eric Cantonna conserve son accent détestable et apparaît comme une véritable tâche au milieu des autres personnages, davantage fouillés et à la personnalité plus marquée. Est-il vraiment nécessaire que l’Étalon nous expose frontalement son faux pénis, afin de justifier l’érotisation monstre de ces rencontres ? Là où le film souhaite repousser ses limites, c’est à une falaise qu’il se heurte, dans une mise en scène immature à la recherche de l’hypnose et la passion, constamment en retrait mais s’imaginant sans peine.

Si érotisation il y a, la psychologie du fond est quant à elle inexistante. Le pouvoir des images est certes puissant, ne nécessite pas de sens précis pour toucher son public, mais dans un tel parti pris esthétique doit être présent pour nous indiquer le véritable but du cinéaste. Le versant fantastique et mythologique de certaines séquences est un plaisir visuel intense dans le cinéma français d’aujourd’hui, mais nous fait penser davantage à une réalisation étudiante qu’à l’émergence d’un renouveau. Saluons néanmoins cette brillante tentative de fabrication d’OFNI, ratée mais prometteuse pour la suite, lorsque Gonzalez maîtrisera les règles essentielles et inaltérables du long métrage.  

 Jeremy S.


Udo (Nicolas Maury), Matthias (Niels Schneider), Ali (Kate Moran)

lundi 18 novembre 2013

Le Dernier des injustes - Claude Lanzmann



Écrit et réalisé par Claude Lanzmann
Festival de Cannes 2013 - Hors Compétition
Avec : Claude Lanzmann, Benjamin Murmelstein
3h38
Sortie : 13 novembre 2013 

-

Hommage et Justice


Le plus long documentaire du dernier festival de Cannes y était cette année présenté hors compétition. Claude Lanzmann, 88 ans, ne pouvait qu’en être la source, près de trente ans après les endurantes neuf heures de Shoah (1985), qui avaient fait date dans l’histoire du cinéma documentaire.
Comme ce dernier film, Le Dernier des injustes est aussi le témoignage d’un vétéran juif ayant subit l’inimaginable durant la seconde guerre mondiale. Le tournage de l’entretien de Benjamin Murmelstein a été réalisé en vue de l’intégrer à Shoah dans les années 80. Lanzmann l’a finalement laissé de côté, voyant que ce passage ne se raccordait pas logiquement avec les autres témoignages.

La principale nouveauté de ce long métrage, qui évite la redondance de Shoah, est la fameuse confrontation des deux époques. Le Claude Lanzmann de 2013 est monté en parallèle avec celui de 1985, les deux adoptant un discours différent et donnant ainsi une portée plus solide et mémorable à cette triste histoire. Murmelstein, troisième doyen d’un camp de concentration de juifs (Theresienstadt, République Tchèque), nous conte avec une folle précision de multitude de détails, ses actions, sa soumission envers le nazi Adolf Eichmann, l’ayant menacé sauvagement pour effectuer les ordres les plus sales, d'où lesquels est né un désir de révolte.

Les pires horreurs sont alors révélées, et cela sans morale ni leçon, dont une jeune population pourrait inconsciemment en tirer. Le premier but de Lanzmann n’est pas de documenter, mais bien de construire un témoignage inaltérable par une succession d’images. Doit on y chercher une quelconque force de mise en scène ? Le Dernier des injustes brille avant tout par son contenu et l’émotion que dégage l’entretien avec Murmelstein, d’une crédibilité telle que nous parvenons à boire les paroles du personnage pendant plus de trois heures trente. Cette durée, bien qu’un poil excessive, ne se laisse pas souvent ressentir tant les voix des deux hommes résonnent de vérité dans la salle obscure. La partie contemporaine est un voyage à travers l’Europe de l’est, et la faiblesse du film peut se situer ici même : Le Lanzmann d’aujourd’hui peut parfois ennuyer, agacer, mais demeurer toujours intéressant et bougrement familier. Le Dernier des injustes n’est pas une leçon d’histoire, ni une fiction racontée, mais se place entre les deux, tentant de rendre justice et hommage à ces doyens juifs souvent oubliés parmi la nouvelle génération, à qui ce film est en partie dédié.

Jeremy S.


Claude Lanzmann et Benjamin Murmelstein (1975)

Claude Lanzmann (aujourd'hui)


vendredi 15 novembre 2013

Cartel - Ridley Scott



Réalisé par Ridley Scott
Écrit par Cormac McCarthy
Avec : Michael Fassbender, Javier Bardem, Penélope Cruz, Cameron Diaz...
1h51
Sortie : 13 novembre 2013

-

Old mens 


La mort récente de son frère (Tony Scott) ne laissait  présager aucun futur grand film du cinéaste, bien que Robin des Bois (2010) et Prometheus (2012) réinsufflaient une nouvelle puissance et dignité du blockbuster américain dans le septième art. Cartel est donc à l’opposé des deux précédents films, précisément car il se revendique comme un OVNI des plus troublant en cette fin d’année.

L’attirance incontestable de Cartel vient d’abord de son scénario. Ecrit par l’immense écrivain américain Cormac McCarthy (à qui l’on doit les romans No Country For Old Men et La Route, tous deux adapté au cinéma), The Counselor (titre original) raconte la descente aux enfers d’un cartel, composé de personnages archétypaux, allant du plus cruel (Javier Bardem) à la plus douce (Pénelope Cruz). Interprétés par de grandes stars hollywoodiennes, nous assistons pendant presque deux heures à leurs discussions, bavardages brillamment écrits nous parlant de l’Amérique, de l’amour, de la violence, plus généralement de la vie. Mais si un grand écrivain est derrière le scénario, ce dernier demeure d’un ennui et d’un indigeste innatendu, tant le sujet du film n’est jamais explicite, trop sous entendu pour être compris, trop avant-gardiste pour émouvoir.  Film choral s’affranchissant des contraintes académique d’Hollywood, la mise en scène de Ridley Scott ne donne jamais l’impression d’être pleinement conjuguée avec la rugueuse écriture de McCarthy, dont les pensées philosophiques et nihilistes apparaissent d’un ridicule grotesque (à l’inverse de ses romans, notamment Méridien de Sang qui explore le même terrain).

À l’image de quelques scènes aux accents cultes, rien ne va dans le sens de l’exposition établie (si elle existe) et l'on finit par se perdre dans les ficelles compliquées de ce conte nihiliste sans queue ni tête. Cameron Diaz faisant l’amour avec un pare brise (« baise moi ma caisse ! ») ou encore la fameuse décapitation du motard sont de plaisantes séquences  en accord avec l’univers onirique/absurde de l’auteur, témoignant par ailleurs de leur difficulté de transposition à l'écran.

Passez donc votre chemin sur cet OVNI raté et terriblement ennuyeux, dont l’intérêt ne sera visible ni pour le grand public ni pour la critique, mais bien pour l’industrie hollywoodienne, qui doit accepter la gifle infligée par Cartel, comme l'une des plus violentes et malsaines dénuée de beauté comme de sens, de cette année ayant déjà produit quelques horreurs (World War Z, American Nightmare, Les âmes vagabondes) qui elles ne remettaient rien en cause dans le système. 

Jeremy S. 

Reiner (Javier Bardem) et The Counselor (Michael Fassbender)

Malkina (Cameron Diaz) et Laura (Penélope Cruz)

mercredi 13 novembre 2013

La Vénus à la fourrure - Roman Polanski



Réalisé par Roman Polanski
Écrit par Roman Polanski et David Ives
D'après la pièce de David Ives et du roman de Leopold Sacher-Masoch
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Avec : Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric
Musique d'Alexandre Desplat
1h33
Sortie : 13 novembre 2013

-

Le corps de la voix


Présenté en fin de compétition au 66ème festival de Cannes, le dernier film de Roman Polanski se faisait attendre. En restant sur le chemin théâtral après le plaisant Carnage (2011), La Vénus à la fourrure apparaît comme une adaptation très polanskienne et européenne à l’inverse de ses derniers films. Un retour aux chefs d’œuvres des années soixante dix ? Pas exactement, mais un revirement plus personnel non dénué de prétention et de faiblesse, dans une mise en scène où le cinéaste n’avait pas l’habitude de décevoir.
Le film s’ouvre sur un travelling avant dans une allée, sonorisé par un air mystérieux d’Alexandre Desplat, qui, subitement, va dévier vers une salle de théâtre. Ce plan est en réalité significatif de la totalité du film, avançant à reculons pour mieux se relever par de courts instants comiques et de véritables climax des dialogues. Le dialogue, élément essentiel d’une adaptation théâtrale, est brillamment dicté par Mathieu Amalric en metteur en scène naïf et Emmanuelle Seigner en vampe belle et frivole.   

Thomas (Mathieu Amalric) et Vanda (Emmanuelle Seigner)

Avant d’être une pièce de théâtre écrite par David Ives, l’histoire est aussi inspirée du roman de Leopold von Sacher-Masoch. Il y avait de nombreuses années que l’aspect pervers et jouissif du cinéma de Roman Polanski ne s’était à ce point mis en avant. Dès l’arrivée de Vanda (Emmanuelle Seigner) dans la salle de théâtre, Polanski laisse deviner la femme fatale se cachant dans ce corps de quadragénaire, caractéristique propre au cinéaste, le personnage original étant bien plus jeune. Mais qui a dit qu’une actrice de quarante ans ne pouvait faire d’effets sur un metteur en scène marié, n’ayant jamais pensé une seule fois à l’adultère ? Les formidables jeux que déploient les deux acteurs font de La Vénus à la fourrure un terrain de séduction peu courant. Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais (2012) se présentait dans un style proche, mais prenait le décor comme une entité mystique et fantastique. Polanski recherche un côté davantage symbolique et subversif dans ses costumes et son décor, avec notamment ce cactus que Vanda qualifie de grand phallus. Les deux types de langages de La Vénus à la fourrure, le familier (Vanda) et le soutenu (Thomas) contrastent intelligemment entre eux, bien que toutes les répliques ne fassent pas mouche. Les nombreux « genre ! » prononcés par Vanda deviennent après quelques répétitions agaçants et faiblards. Tout comme les grimaces de l’actrice mâchant un chewing-gum, caractéristique familière qui apparaît grandement ridicule dans la première demi heure. Le jeu auquel s’adonnent Thomas et Vanda est en réalité un fantasme, entre ce qui est joué dans la pièce et ce qui est joué dans le film. Dans les deux cas, Polanski sème le doute et rend ainsi ce conte érotique paradoxalement ludique, foisonnant de phrases savoureuses et provocatrices. La femme porte ici un rôle peu vu dans les films du cinéaste, et Thomas se retrouve vite soumis à l’actrice blondinette au visage innocent aux premiers abords. La femme n’est plus victime mais domine pendant tout le film, plaisant par ailleurs aux spectateurs (prenant du plaisir à être soumis comme Thomas) comme aux spectatrices (prenant du plaisir à dominer). Mathieu Amalric apparaît dès lors comme l’alter ego de Roman Polanski (rappelons qu’Emmanuelle Seigner n’est autre que la femme du cinéaste). Il y a une portée sado-masochiste dans ce dernier film, enfouit en profondeur mais bel et bien présente.  Le terme « masochisme » est par ailleurs directement emprunté au nom de l’auteur du livre (Sacher-Masoch).

Vanda (Emmanuelle Seigner)

Contrairement au roman, l’ensemble demeure soft mais est traversé par un érotisme de premier plan. Il faudra attendre les dernières minutes du film pour assister à la danse érotique de Vanda. Jusqu’à ce moment fatal, l’actrice reste en petite tenue, s’allonge sur le canapé, demande à Thomas de lui chausser ses grandes bottes en ayant les jambes écartées, s’habille pour remettre sa robe du XVIIIème et se déshabille de nouveau. La scène où Thomas manque de la perdre (elle se dirige sérieusement vers la sortie de la salle) est une des plus amusantes, tant nous pouvons penser que le film sans Emmanuelle Seigner se transformerait immédiatement en ennui mortel. L’atmosphère très intimiste participe bien entendu au plaisir éprouvé par le personnage et le spectateur. Nous sommes dans un huis clôt radical, plus oppressant et dérangeant que Carnage. Ce dernier film semblait néanmoins plus inspiré pour la mise en scène que La Vénus à la fourrure, Polanski se concentrant majoritairement sur les dialogues et l’affrontement, rendu finalement trop classique et manquant de vivacité. Ne filmer que deux personnages pendant quatre vingt dix minutes sur une scène de théâtre n’est pas chose aisée, malgré la sublime photographie de Pawel Edelman rendant l’ensemble à la fois beau, réaliste, et plastique (signalons que le budget du film s’élève à cinq millions d’euros, chiffre relativement grand pour un huis clôt). 

La beauté du film réside cependant uniquement dans ses délicieux dialogues, ne paraissant pas écrits à l’avance mais récités comme un rituel. La dernière séquence est une tempête dévastatrice où le surréalisme sous entendu dans le reste du film devient radicalement matériel et puissant. Vanda est nue, drapée dans sa fourrure, et méprise du regard Thomas attaché au Cactus. Une séquence rappelant lointainement le genre du western, avec une musique épique en arrière plan sonore appuyant au maximum l’effet fantastique. La Vénus à la fourrure, loin d’être un film érotique, est d’abord une perle rare d’écriture, rattrapant invariablement les nouveaux défauts que nous pouvons déceler, absents des précédents films du cinéaste. Une ode à la femme, à sa puissance, mais aussi à ses deux atouts primaires : le corps et la voix.

Jeremy S.

Thomas (Mathieu Amalric) et Vanda (Emmanuelle Seigner)

jeudi 7 novembre 2013

Inside Llewyn Davis - Joel & Ethan Coen



Écrit et réalisé par Joel et Ethan Coen
Grand Prix - Festival de Cannes 2013
Avec : Oscar Isaac, Carey Mulligan, John Goodman...
1h45
Sortie : 6 novembre 2013

-

Hang Me, Oh Hang Me


Depuis O’Brother (2000), les frères Coen nous avait justifié leur goût bien prononcé pour la musique folk des années soixante. Mais dans ce dernier film, la musique faisait office d’échappatoire et de propulsion vers une popularité confiante des trois évadés. Elle restait quelque chose de joyeux, en accord avec le reste du film, comique de la première à la dernière minute. Le caractère festif d’O’Brother avait marqué la carrière des cinéastes, donnant à voir peut être leur film le plus absurde. Depuis quelques années, le drame semble davantage les intéresser (No Country for Old Men, True Grit) et surtout donner l’impression d'un enchaînement de grands films, plus de dix ans après leur palme d’or (Barton Fink). Inside Llewyn Davis se situe certainement dans cette continuité, même si nous ne pouvons qualifier le film de radicalement dramatique. C’est aussi une comédie pour qui a envie de rire, intimement mêlé à une histoire dramatique des plus déprimantes, dont l’universalité est un véritable point fort pour le cinéma indépendant américain.  

Jean Berkey (Carey Mulligan) et Llewyn Davis (Oscar Isaac)

Si l’histoire de Llewyn Davis leur est directement inspirée de celle de Dave Van Ronk, leur nouveau film n’est clairement pas le biopic attendu. Se déroulant sur une longue semaine, Inside Llewyn Davis raconte l’errance d’un jeune musicien (Oscar Isaac) à travers les Etats Unis, entre New York et Chicago. Llewyn Davis ne se sent plus aimé, n’arrive plus à vivre avec sa musique, et demeure sans cesse tourmenté par la mort de son partenaire, avec qui il a réalisé son plus grand album. En apparence différent du reste de leur filmographie, ce dernier film pourrait en réalité être vu comme un aboutissement de leur thématique : celle de conter l’histoire d’un looser. Oscar Isaac est le nouveau John Turturro / Barton Fink (lequel était un écrivain dépressif en crise d’inspiration), une alternative au Jeff Bridges / The Big Lebowski (1998), un prolongement de Tim Robbins (Norville Barnes) dans Le Grand Saut (1994). Mais par le sujet du film, la musique folk, ce nouveau personnage prend une toute autre envergure et se retrouve finalement très proche des cinéastes eux même. Qu’arriverait-il si Joel ou Ethan mourrait, en laissant la vie au deuxième ? C’est précisément le problème de Llewyn, anti-héros chantant des morceaux d’une beauté renversante, mais ne trouvant plus sa place dans ce monde froid et hostile, dans lequel d’autres vedettes commencent à émerger sérieusement (Bob Dylan). Les Coen racontent dans leur interviews que l’idée du film leur est d’abord venu de leur admiration pour Bob Dylan dans leur jeunesse, et par conséquent de leur curiosité envers les autres musiciens de cet époque de l’âge d’or du folk, qui ont vu leur carrière se transformer en bonheur éphémère. Llewyn Davis n’est pas un cas particulier, mais un personnage créé en hommage à tous les autres musiciens de son espèce s’étant évaporé de la même manière, voire plus rapidement.

Ulysse (le chat) et Llewyn Davis (Oscar Isaac)

La séquence d’ouverture nous présente frontalement, en contre plongée, Llewyn Davis chantant un morceau en entier, criant à travers elle un désespoir immense que le public ne peut percevoir ni comprendre. Toutes les chansons de Llewyn Davis sont montrées dans leur intégralité, choix judicieux des cinéastes tendant à une plus forte empathie avec le personnage. Nous devons nous situer Inside (à l’intérieur) de l’artiste, et l’accompagner dans sa terrible traversée du styx. De mythologie, le film n’en est pas dénué. Le chat se nommant Ulysse (idée brillante qui est aussi une sorte de lien avec la Terre ferme et la vie réelle), et Llewyn Davis se rapprochant du mythe de Sisyphe (ce que les Coen racontent dans l’interview des Cahiers du Cinéma n°694). Devant faire rouler une pierre en haut d’une colline, Sisyphe ne parviendra jamais au sommet, et redescendra constamment au seuil. L’aventure de Llewyn Davis est une sorte de cycle, montrant qu’elle peut se répéter longuement d’une semaine sur l’autre (la dernière séquence du film nous ramène au début).

La densité froide de l’image et des décors participe magnifiquement à cette triste balade. Citons le plus grand directeur photo français encore en activité, Bruno Delbonnel, qui livre un travail plastique aussi grandiose que dans le Faust de Sokurov (2012). La lumière du film est une lumière fatiguée, comme nous pouvons observer à notre lever. Lorsque Kiéslowski réalisait Trois Couleurs : Bleu (1995) l’idée de rendu du travail sur la lumière en était proche. Inside Llewyn Davis est un film nocturne, une déambulation dans la nuit d’un musicien qui tente de dormir paisiblement, d’un sommeil quasi éternel. Lorsque l’aventure de Llewyn se transforme en road movie, nous retrouvons avec grand plaisir le surréalisme de certains films des cinéastes. La présence de John Goodman au casting est des plus marquantes, même si le vieil obèse réitère le même rôle depuis de nombreuses années. Un vieil obèse qui ne va pas se gêner pour insulter Llewyn et sa musique, trop simpliste pour émouvoir, trop classique pour servir à quelque chose. Peut être est-ce là une mise en âbime de ce que les frères Coen pouvaient penser de l’avis du public à la sortie du film. Comme une balade folk, Inside Llewyn Davis demeure un de leur film les plus simples et les plus classique, d’une durée universelle (1h45) ne cherchant à s’inscrire dans aucun point particulier de leur carrière, sinon celui d’une maturité exemplaire. Signalons les autres seconds rôles, rendu étonnamment humain de bon vivant en comparaison à ce que vit Llewyn : Carey Mulligan et Justin Timberlake. Please Mr. Kennedy est la preuve que l’esprit de Llewyn se situe à des années lumières de celui de ses amis et de son ancienne compagne. Son entourage de New York ne le considère plus en tant qu’humain comme les autres (les amis chez qui est hébergé Llewyn sont l’exemple type des personnes envisageant Llewyn comme une boite à musique, totalement vide de l’intérieure et pouvant se répéter à l’infini).

Jean Berkey (Carey Mulligan) et Jim Berkey (Justin Timberlake)

Ce grand prix cannois en laissera plus d’un perplexe, aussi bien par l’apparente simplicité de sa réalisation que par la douce émotion qui en découle, fugitive mais intense. Si Barton Fink semblait lourd en mise en scène et connotation diverses du personnage, si O’Brother paraissait trop loufoque pour plaire au plus grand nombre, le conte de Llewyn Davis trouve l’équilibre juste, décuple l’émotion, et radicalise le style des Frères Coen comme une balade Folk, faisant d’Inside Llewyn Davis une petite œuvre majeure, un chef d’œuvre modeste au refrain puissant, inséré entre de magnifiques couplets résonnant à tout jamais dans l’esprit dérangé de Llewyn Davis, mais aussi en notre intérieur.
Jeremy S.


Roland Turner (John Goodman)