lundi 7 juillet 2014

Jimmy's Hall - Ken Loach



Réalisé par Ken Loach
Écrit par Paul Laverty
Festival de Cannes 2014 - Compétition Officielle
Avec : Barry Ward, Simone Kirby...
1h49
Sortie : 2 juillet 2014

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Petit retour, grands adieux


Avec The Homesman de Tommy Lee-Jones et Mr Turner de Mike Leight, Jimmy’s Hall était l’autre œuvre historique d’époque présente – et étrangement snobée – en compétition officielle au dernier festival de Cannes. Ken Loach était aussi, semble-t-il, sur le point de faire ses adieux au public (deuxième retraite annoncée cette année après Hayao Miyazaki).
Si film somme ou pièce maitresse finale était attendu, il faut dès les premières minutes se rendre à l’évidence : oui, le cinéaste britannique continue de brosser de belles et inoubliables images d’un pays dans une époque de guerre emprunte de nostalgie et de tristesse. À l’inverse, sa démarche politique et quelque peu subversive semble toujours stagner depuis plusieurs années, ne cherchant jamais le renouvellement tout en continuant de suivre le même discours que ses précédents films.

C’est donc du côté dramaturgique et historique qu’il faudra en premier lieu aborder Jimmy’s Hall, adapté d’une histoire et d’un personnage réel sur le même modèle que le Vent se lève (2006). Plus que de raconter mécaniquement l’aventure de Jimmy Gralton (Barry Ward) le cinéaste préfère opter pour le film d’ambiance à la fois lumineux et sombre, où les palettes de couleurs ternes des paysages irlandais contrastent habilement avec la joie et la bonne humeur des habitants du Comté de Leitrim, face au retour inespéré de ce grand homme. Dans une exposition lente et contemplative, Loach instaure un climat paisible et silencieux se révélant par la suite - sans surprise  -  annonciateur de la majeure partie du film violente et cruelle dans ses actions comme dans ses dialogues. Quant à la présence peu utile de flashbacks, elle ne fait que nous rappeler la lourdeur du procédé (loin d’être maitrisé comme dans le brillant Blue Jasmine de Woody Allen).

Oonagh (Simone Kirby) et Jimmy Gralton (Barry Ward)

L’écriture didactique de Paul Laverty (scénariste attitré du cinéaste) refait vite surface et dérègle lentement la mise en scène classicisante de Ken Loach, d’une véracité unique et d’un maniérisme tout sauf étouffant venant souvent sauver ses films de leur portée trop politique et engagée pour le public étranger. Peut-on reprocher au cinéaste britannique d’être systématiquement dans la critique virulente et pessimiste de l’histoire politique de la Grande Bretagne ? Jimmy’s Hall apparaît donc, une fois de plus dans l’œuvre de Ken Loach, comme une pierre supplémentaire ajoutée à l’édifice déjà solide formé par ses autres films au propos invariable. N’est-il pas parfois évident de comprendre la haine du curé (Jim Norton, meilleur rôle du film) envers la communauté de Jimmy qu’il traite en permanence de sales communistes ? Sans subtilité dans la traduction de ses idées exprimées, Jimmy’s Hall paraît rance et éculé, fait d’autant plus décevant pour un cinéaste de cet âge au bout de sa carrière.

Il faut néanmoins signaler cet aspect humoristique léger empêchant d’une certaine manière le naufrage attendu. Souvenons-nous des genres très différents de ses deux précédents films : un documentaire sérieux, provocant (L’Esprit de 45, 2013) et une comédie loufoque pure (La Part des anges, 2012). Mais pour une œuvre de fiction, Jimmy’s Hall possède toute la maladresse de préférer se ranger du côté d'un biopic documenté que d'un film comique dénonciateur. Le dancing, lieu quasi imaginaire de festivité, d’amour et de joie ne possède qu’un pouvoir éphémère capable de se voir détruit d’un jour à l’autre par les armes religieuses en embuscade. C’est dans ce dernier point que de petites doses comiques sont injectés paresseusement, noyées sous le flot surdramatisé des grands évènements. Nous pouvons discerner dans Jimmy’s Hall des caractéristiques du film de guerre heureusement sous entendues et abolies : absence d’une love story et d’un happy end académique. Film d’auteur pur et dur, Jimmy’s Hall aurait pu sortir sur nos écrans aussi bien il y a une vingtaine d’années qu’aujourd’hui. Du cinéma vieillot ne choisissant pas les meilleures voies pour faire naître des émotions concrètes, laissant les sentiments de son public dans une indifférence bien dérangeante.

Jeremy S.