mercredi 31 décembre 2014

Top films 2014



1. Bird People de Pascale Ferran (critique)


2. Le vent se lève d'Hayao Miyazaki (critique)


3. Interstellar de Christopher Nolan


4. Au revoir l'été de Koji Fukada

5. Boyhood de Richard Linklater (critique)

6. Her de Spike Jonze

7. Tonnerre de Guillaume Brac

8. Saint Laurent de Bertrand Bonello

9. Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan (critique)

10. Mommy de Xavier Dolan (critique)

11. 12 years a slave de Steve McQueen (critique)

12. Bande de filles de Céline Sciamma (critique)

13. Nymphomaniac - volume 1 de Lars von Trier (critique)

14. Le Conte de la princesse Kaguya de Isao Takahata

15. Black Coal de Diao Yi'nan (critique)

16. Chemin de croix de Dietrich Brüggemann

17. Les Combattants de Thomas Cailley (critique)

18. Aimer, boire et chanter d'Alain Resnais (critique)

19. Un homme très recherché d'Anton Corbjin

20. Gaby Baby Doll de Sophie Letourneur


dimanche 28 décembre 2014

Whiplash - Damien Chazelle


Écrit et réalisé par Damien Chazelle
Festival de Deauville 2014 - Grand prix
Avec : Miles Teller, J.K Simmons...
1h47
Sortie : 24 décembre 2014

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A most violent groove


Il faut souffrir pour être grand. Vouloir devenir le nouveau Charlie Parker quand on est jeune, l’esprit naïf, est un parcours semé d’embûches qu’il nous faut éviter de la meilleure façon possible, résister et y faire face, prendre le contrôle et la direction du courant. Vous ne rêvez pas, le film de Damien Chazelle (acclamé comme un chef d’œuvre au dernier festival de Deauville) propose cette vision poussiéreuse et foncièrement banale de la vie d’un batteur jazzy sur la rampe de lancement de sa carrière. Le jeune Andrew (Miles Teller, déjà remarqué dans The Spectacular Now, seul et unique teen-movie potable de 2014), doit défier son « maître tyran » interprété par l’impeccable J.K Simmons. Ce dernier, ne cherchant rien d’autre qu’à créer de nouveaux génies, va utiliser ses disciples tels des chevaux de courses, allant jusqu’à les rendre agressifs comme des chiens de combat (plus effrayants que ceux de White God, rassurez-vous).

Whiplash n’a en soit aucun problème. Bien écrit et au propos conséquent, il choisit malheureusement de n’en faire pas assez plutôt que trop. Jamais le film ne dévie de son objectif, mais au contraire préfère rester dans une sorte de radicalité modeste, tentant d’instaurer plusieurs micros climax pour donner la puissance nécessaire aux scènes les plus dures et attristantes. A force de se répéter, le film acquiert une monotonie agaçante dont les petites variations ne produiront aucune émotion concrète et permanente. Lorsque tout semble opter pour du hors-piste à l’image de la mini love story d’Andrew, Chazelle ne fait que survoler la question et esquive maladroitement les pièges qu’il se tend. Le message est trop clair et déjà vu pour convaincre : Andrew doit tout abandonner pour devenir un batteur fils de Dieu, morfler et saigner à blanc. Toute la mécanique scénaristique qui pourrait surprendre s’imagine donc avec des temps d’avance, faisant passer ces moments comme purement artificiels tel que l’accident de voiture ou l’apprentissage de la mort d’un disciple de Terrence Fletcher.

Reconnaissons néanmoins que le film commence à se surpasser dans sa toute dernière séquence, d’une force et d’une jouissance proprement sidérante. Enfin, Andrew attaque avec ses armes : son jeu de batterie, qui écorche et transperce littéralement Fletcher autant par sa médiocrité (premier morceau) que sa virtuosité sans égale (dernier morceau). Nous voilà enfin devant un grand film sur la musique anti démonstratif repoussant ses limites, dans une exaltation virevoltante de grâce et de volupté qui confère à Andrew la force impulsive lui donnant tous les droits. Le jeune cinéaste a adapté l'un de ses courts métrage, et il faut bien avouer qu’hormis cette belle note finale le résultat dégage une odeur rance et fait de son cinéma ni plus ni moins qu’un instrument à vent.

Jeremy S. 


Andrew (Miles Teller) et Terrence Fletcher (J.K Simmons)


samedi 20 décembre 2014

Charlie's Country - Rolf de Heer


Réalisé par Rolf de Heer
Écrit par Rolf de Heer et David Gulpilil
Festival de Cannes 2014 - Un Certain Regard
Avec : David Gulpilil, Luke Ford...
1h49
Sortie : 17 décembre 2014

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No country for old (and black) men


L’Australie possède, comme l’Afrique, son histoire et ses cultures ayant provoqué de nombreux remous dans les siècles antérieurs. Les aborigènes d’Australie, premiers colonisateurs du continent avant l’invasion des britanniques, se sentent encore aujourd’hui, pour certains, sévèrement méprisés par la population dominante. Et si ce Charlie’s Country attire une curiosité certaine, la principale raison en est à l’évidence son genre cinématographique fort éloigné du grand biopic académique, préférant se centrer sur un personnage contemporain - et contre toute attente, comique - se dressant contre la population blanche avec, semble-t-il, pour objectif d’éviter de tomber dans le petit drame sentimental convenu surplombé d'un grand film à discours.

Rolf de Heer tente cependant, malgré lui, de se ranger des deux côtés de son conflit platement mis en scène, dosant sommairement les caractéristiques sociales des deux peuples. Entre sursauts comiques et retombées plus dramatiques, le petit jeu du film se voulant malin ne révèle finalement qu’une artificialité cherchant à masquer le substrat originel du propos. Charlie’s Country ne franchit ainsi jamais le pas espéré, y compris dans ses rares séquences d’onirisme d’une naïveté exaspérante n’ayant pas leur place dans l’histoire de Charlie, se voulant à la fois dure et légère, ponctuée par une discrète mais inutile bande son.

Chasse au buffle - Black Pete (Peter Djigirr) et Charlie (David Gulpilil)


Lorsque le film prend le virage d’une sorte de récit initiatique avec l'exil incontournable de Charlie vers Sydney (l’un des points forts du film réside précisément dans cette manière qu’a le personnage de s’approprier le continent, envers et contre toutes les règles pour se faire comprendre du peuple), l’aventure prend enfin forme, détonne par son contraste saisissant entre la vie sauvage de Charlie (qui n’a néanmoins rien du ridicule de celle de Mathieu Kassovitz chez Cédric Kahn) et le fade urbanisme des grandes villes australiennes. Charlie tente à sa sortie de l’hôpital de contaminer à son tour ce nouvel univers, malgré sa taille et son apparence qui ne parviennent au grand jamais à l’effrayer suffisamment pour l’engager dans un éventuel repli. La détermination de Charlie arrive à ce moment du film à une sorte d’apogée, venant enfin renforcer notre empathie et notre fascination pour le personnage jusque-là trop surlignée et démontrée par des événements prévisibles. Si la première partie de l’histoire de Charlie avec les policiers de son village peut d’abord faire sourire, elle ne trouve jamais la force de suggérer autre chose de ce qu’elle montre, instaurer une réflexion moins banale et déjà vue que celle qui nous est présentée.

Car la vie quotidienne de Charlie demeure paradoxalement la matière la plus intéressante du film. Cette fameuse chasse au buffle (trop rapidement montrée) ou les passages nous traduisant sa sereine solitude n’occupent qu’une partie mineure de l’intrigue. Plutôt que de rechercher un aspect documentaire et réaliste dans l’environnement filmé, le cinéaste multiplie les conflits entre les deux peuples dans un but purement fictionnel, avec semble-t-il parfois une certaine peur à nous dévoiler face à face sa perception subjective de la chose. D’objectivité, le film n’en est que trop constitué, et bascule lors de sa deuxième partie dans un naturalisme ne demeurant jamais inintéressant en soit, mais nous promenant dans des contrées déjà explorées, cherchant à asséner une morale puante n’ayant d’autre effet que d’annuler toute la singularité du personnage de Charlie, pourtant magnifiquement interprété par un acteur au physique mystérieux, imposant, et au jeu naturel le faisant presque passer pour un non professionnel. Il porte à lui seul, par son visage à la fois ravagée, compréhensible et impénétrable, la promesse d’un film choc. N’en subsiste finalement qu’une émotion tout aussi éphémère que forcée.

Jeremy S.