Écrit et réalisé par David Michôd
Festival de Cannes 2014 - Hors Compétition
Avec : Guy Pearce, Robert Pattinson...
1h42
Sortie : 4 juin 2014
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Mad Guy
« Dix ans après la chute » sont
les premiers mots posés par David Michôd pour nous situer vaguement un cadre
temporel futuriste. Dans le bush australien aux allures post-apocalyptiques, un
homme se fait voler sa voiture. Cet homme, qui nous est inconnu, apparaît dès
les premiers instants comme bouillonnant de rage, meurtri, tout sauf comme le
héros stéréotypé du western auquel nous pourrions précocement l’apparenter.
Avec ce scénario poids plume, c’est à une
revisite du film de genre que s’attaque Michôd. Faisant ouvertement référence
au Mad Max de Georges Miller (1979), The Rover acquiert progressivement une
puissance phénoménale en partie grâce à son endurance et à son rythme, tour à
tour lent, rapide, latent, et sa mise en scène aussi froide et maîtrisée que le No country for old men des frères Coen,
autre film à l’esthétique proche. The
Rover n’est donc pas un road movie cinématographiquement novateur, mais
parvient à déranger autrement que par son atmosphère sombre et morbide.
Car Michôd continue habilement sur sa
lancée et son propos qui faisait déjà la grande force d’Animal Kingdom (2010). Ses personnages, caractérisés crûment comme
des animaux, passionnent avec une cohabitation hallucinante de sentiments d’empathie
et d'antipathie. Le bush futuriste n’est fait que d’hommes violents et
cruels, de rois lions régnant hautement sur la savane désertée de toute
présence féminine (les rares actrices du film ne possèdent d’ailleurs aucune
once de féminité). Ainsi, Eric (Guy Pearce) à l’inverse de son compagnon de
route Rey (Robert Pattinson, dans un rôle sidérant) domine gravement la
situation. En prenant insconsiemment Rey sous son aile, il transmet le virus
dont il est atteint. « Que lui avez-vous fait ? » lui demande le
frère de Rey lors de la rencontre finale.
Eric (Guy Pearce) et Rey (Robert Pattinson) |
Les questions, à l’intérieur du film, ne
trouvent pas systématiquement leurs réponses, au sens propre comme figuré. Le
silence est précisément le facteur premier de l’éclatement d’une violence à la manière du magma sortant d’une chambre magmatique. Quand Eric tire sans préméditation
dans la tête d’un nain, c’est d’abord dans un objectif purement pratique. Dans
un deuxième sens, son action délibérée paraît vide de sens. The Rover pourrait crouler et s’alourdir
considérablement si une théorie fortement nihiliste sous tendait l’aventure
d’Eric et de Rey. Bien heureusement, Michôd suit un discours clair et parfois
même, on pourra lui reprocher, trop simpliste. L’homme est un animal et ne peut
être qu’amené à régresser pour se transformer en bête sanguinolente. Propos
violent et peut être dans l’outrance, mais qui trouve tout son sens dans cet
environnement futuriste décapé de toute couleur, de tout sourire éclatant.
Nous ne sommes cependant pas toujours à l'abri de longueurs inévitables. Dans ses
« pauses » incontournables et ses dialogues philosophiques porteur de
sens, Michôd tend à s’éloigner de la radicalité de son propos en s’essayant à
des réflexions peu passionnantes qui auraient aisément pu nous être épargnées. The Rover n’en demeure pas moins une
expérience assoiffante à la réalisation impeccable. À l’image d’une de ses
premières séquences, nous suivons à petit pas, dans de brutales accélérations
et décélérations, la course d’Eric à la recherche de son bien, la seule
chose qui puisse encore compter pour lui dans ce purgatoire à la chaleur
étouffante. Sa berline, et rien d’autre.
Jeremy
S.
Eric (Guy Pearce) et Rey (Robert Pattinson) |
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