Réalisé par Rolf de Heer
Écrit par Rolf de Heer et David Gulpilil
Festival de Cannes 2014 - Un Certain Regard
Avec : David Gulpilil, Luke Ford...
1h49
Sortie : 17 décembre 2014
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No country for old (and black) men
L’Australie possède, comme
l’Afrique, son histoire et ses cultures ayant provoqué de nombreux remous dans
les siècles antérieurs. Les aborigènes d’Australie, premiers colonisateurs du
continent avant l’invasion des britanniques, se sentent encore aujourd’hui,
pour certains, sévèrement méprisés par la population dominante. Et si ce Charlie’s Country attire une curiosité
certaine, la principale raison en est à l’évidence son genre cinématographique
fort éloigné du grand biopic académique, préférant se centrer sur un personnage
contemporain - et contre toute attente, comique - se dressant contre la
population blanche avec, semble-t-il, pour objectif d’éviter de tomber dans le
petit drame sentimental convenu surplombé d'un grand film à discours.
Rolf de Heer tente cependant,
malgré lui, de se ranger des deux côtés de son conflit platement mis en scène,
dosant sommairement les caractéristiques sociales des deux peuples. Entre
sursauts comiques et retombées plus dramatiques, le petit jeu du film se
voulant malin ne révèle finalement qu’une artificialité cherchant à masquer le
substrat originel du propos. Charlie’s
Country ne franchit ainsi jamais le pas espéré, y compris dans ses rares
séquences d’onirisme d’une naïveté exaspérante n’ayant pas leur place dans
l’histoire de Charlie, se voulant à la fois dure et légère, ponctuée par une discrète
mais inutile bande son.
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Chasse au buffle - Black Pete (Peter Djigirr) et Charlie (David Gulpilil) |
Lorsque le film prend le virage
d’une sorte de récit initiatique avec l'exil incontournable de Charlie vers
Sydney (l’un des points forts du film réside précisément dans cette manière
qu’a le personnage de s’approprier le continent, envers et contre toutes les
règles pour se faire comprendre du peuple), l’aventure prend enfin forme,
détonne par son contraste saisissant entre la vie sauvage de Charlie (qui n’a
néanmoins rien du ridicule de celle de Mathieu Kassovitz chez Cédric Kahn) et
le fade urbanisme des grandes villes australiennes. Charlie tente à sa sortie
de l’hôpital de contaminer à son tour ce nouvel univers, malgré sa taille et
son apparence qui ne parviennent au grand jamais à l’effrayer suffisamment pour
l’engager dans un éventuel repli. La détermination de Charlie arrive à ce
moment du film à une sorte d’apogée, venant enfin renforcer notre empathie et
notre fascination pour le personnage jusque-là trop surlignée et démontrée par
des événements prévisibles. Si la première partie de l’histoire de Charlie avec
les policiers de son village peut d’abord faire sourire, elle ne trouve jamais
la force de suggérer autre chose de ce qu’elle montre, instaurer une réflexion
moins banale et déjà vue que celle qui nous est présentée.
Car la vie quotidienne de Charlie
demeure paradoxalement la matière la plus intéressante du film. Cette fameuse
chasse au buffle (trop rapidement montrée) ou les passages nous traduisant sa
sereine solitude n’occupent qu’une partie mineure de l’intrigue. Plutôt que de
rechercher un aspect documentaire et réaliste dans l’environnement filmé, le
cinéaste multiplie les conflits entre les deux peuples dans un but purement
fictionnel, avec semble-t-il parfois une certaine peur à nous dévoiler face à
face sa perception subjective de la chose. D’objectivité, le film n’en est que
trop constitué, et bascule lors de sa deuxième partie dans un naturalisme ne
demeurant jamais inintéressant en soit, mais nous promenant dans des contrées
déjà explorées, cherchant à asséner une morale puante n’ayant d’autre effet que
d’annuler toute la singularité du personnage de Charlie, pourtant magnifiquement
interprété par un acteur au physique mystérieux, imposant, et au jeu naturel le
faisant presque passer pour un non professionnel. Il porte à lui seul, par son
visage à la fois ravagée, compréhensible et impénétrable, la promesse d’un film
choc. N’en subsiste finalement qu’une émotion tout aussi éphémère que forcée.
Jeremy S.