Écrit et réalisé par Jean Pierre et Luc Dardenne
Festival de Cannes 2014 - Compétition Officielle
Avec : Marion Cotillard, Fabrizio Rongione...
1h35
Sortie : 21 mai 2014
-
Convaincante
Ce fût une première pour les cinéastes
belges de repartir cette année du festival de Cannes bredouille, les mains vides. Les
Dardenne ont en effet manqué cette fois ci d’enflammer le jury de l’intense
émotion du réalisme social se dégageant habituellement de chacun de leurs
films. Sans être le chef d’œuvre similaire à Rosetta ou L’Enfant, Deux jours une nuit mérite néanmoins le
détour ne serait-ce que pour une Marion Cotillard au sommet de son art
ayant toujours un talent à nous prouver, une larme à nous faire verser
(même après son excursion américaine qui ne semble clairement pas être son
milieu de prédilection, hormis l’excellent The
Immigrant de James Gray).
Bien heureusement, Deux jours une nuit est tout sauf un tire-larme social comme il
pourrait le prétendre dans certaines de ses séquences nécessitant un angle
d’approche davantage humaniste qu’émotionnel. Sandra (Marion Cotillard) doit
garder son travail en tentant de convaincre ses quatorze collègues de l’entreprise
de voter pour son poste et non pour toucher leur prime de plus de mille euros
mensuel. Le scénario, bien que répétitif, parvient habilement à faire naître un
fort suspense dont l’issu se fait douteuse jusqu’à la dernière minute. À
travers les différentes rencontres de Sandra, un panel de comportements humains
d’aujourd’hui s’élabore avec une justesse sidérante. De l’égoïsme pur à la
compassion exagérée, les collègues de Sandra transcendent les stéréotypes et acquièrent
à l’écran une part d’humanité stupéfiante, nous faisant parfois penser que le
film n’est autre qu’un documentaire de fiction avec une réalité scénarisée plus
que dignement.
La radicalité de la mise en scène des
Dardenne qui faisait toute la force de leurs plus grands films laisse cependant
ici place à un filmage beaucoup plus accessible, moins dérangeant et
conséquemment plus distancié de ses personnages dont seule l’interprétation
magistrale parvient à nous en rapprocher. On ne pourra donc qualifier Deux jours, une nuit ni de puissant ni de bouleversant, mais d'un adjectif plus modérée. La faute à une caméra souvent trop
gentille, ne provoquant jamais le malaise recherché, et manquant abondamment de
vitalité, de force envers ses personnages, plus particulièrement de Sandra pour
qui l’empathie semble parfois excessivement forcée.
Film quelconque, inférieur aux
précédents, ce dernier opus risque d’être rapidement mis aux oubliettes, non comme une
erreur de parcours mais comme un petit film bouche trou montrant un
impressionnant potentiel qu’il ne cherche finalement pas à atteindre
complètement, aux dépends d’une Marion Cotillard exceptionnelle dans un
environnement social des plus passionnants. Les Dardenne, meilleurs élèves de
leur classe, devront cette fois-ci se contenter d’un petit 14/20 plutôt que le
18 auquel ils semblent (trop) souvent abonnés.
Jeremy
S.
Manu (Fabrizio Rongione) et Sandra (Marion Cotillard) |