Écrit et réalisé par Jason Reitman
D'après Labor Day (roman) de Joyce Maynard
Avec : Kate Winslet, Josh Brolin, Clark Gregg...
1h51
Sortie : 30 avril 2014
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Un week-end parfait
Jason Reitman n’est pas un cinéaste dénué
d’un certain talent. In the air et Juno nous développait finement des
personnages perdus, ambigus et détachés d’un monde contemporain leur paraissant
souvent hostile et difficilement vivable. Last
Days of Summer serait donc une caricature du cinéma de Reitman, tant la
recomposition familiale s’échafaudant pendant tout le film revêt un caractère
artificiel et grossier, quasi risible et traversé d’intrigues secondaires ne
transperçant jamais l’émotion froide véhiculée par un jeu d’acteurs et une mise
en scène d’une platitude hallucinante.
Frank (le prisonnier évadé), Adèle (la
femme au foyer divorcée), et Henry (le fils solitaire et dérangé) sont trois
victimes dont les liens devraient d’abord paraître instables et incohérents, tout
sauf solides. L’arrivée de Frank dans la petite vie tranquille d’Adèle et Henry
secoue la dramaturgie à la manière d’une brise de vent dans un pommier. Josh
Brolin incarne un évadé beau gosse, propre et musclé, gentil comme un agneau.
Sa relation avec Adèle évolue de manière illogique, précisément car les esprits
et les corps apparaissent immédiatement compatibles. Adèle a trouvé son homme
dans un supermarché comme sur meetic, et malgré leurs durs passés, les deux
tourtereaux parviennent à tomber amoureux l’un de l'autre l’espace d’une journée.
Frank (Josh Brolin) et Adèle (Kate Winslet) |
Frank n’est pas n’importe quel homme. Ce n’est
pas le dernier des meurtriers meurtri par l’injustice qui l’a envoyé en prison
(en flashback, l’histoire de Frank nous est jeté à la figure comme une flaque
de soupe). Non, Frank est tour à tour Bob le bricoleur, cuisiner expert formaté
masterchef, et entraineur de base ball. L’homme parfait, qui va rendre la vie
d’Adèle et d’Henry parfaite, malgré l’inquiétude qu’il ne soit découvert.
Jamais Adèle et Henry n’auront goûté d’aussi bonne tarte aux pêches, d’un délice
aussi succulent que palpable. Entrecoupé de pages publicitaires, le film de
Reitman est mené de façon trop fluide et prévisible pour nous emporter
pleinement, nous faire ressentir les peurs respectives des trois personnages, radicalement
différentes et à fort potentiel.
Tout particulièrement celle d’Henry. Aimant
sa mère et ne sachant plus comment accepter Frank dans sa nouvelle vie, Henry
va se confier à Mandy, une jeune fille de son âge vivant avec un père divorcé.
Leur relation, lointainement voisine de celle de Moonrise Kingdom de Wes Anderson, va paradoxalement évoluer en
surplace, faire d’Henry un petit homme comprenant subitement le sens même de la
vie d’adulte. Puceau et ne connaissant rien au sexe, c’est avec une certaine
perversion qu’il va observer et juger intérieurement les liens qu’entretiennent
Frank et sa mère.
De cette mise en scène lisse et
académique n’en découle donc finalement qu’une force minime dans certaines
thématiques mal abordées, survolées et s’écroulant comme du carton pâte. En
adaptant le roman de Joyce Manard, Jason Reitman tente vainement de donner une
puissance cinématographique vertigineuse et grandiloquente à cette belle
histoire, à l’encontre de toute modestie dont un autre cinéaste aurait pu faire
preuve, se limitant à adapter son style au roman sans chercher à surdramatiser
le récit d’origine. L’épilogue d’une dizaine de minutes après les derniers jours d’été apparaît en ce sens
grandement ridicule et d’un intérêt poussif, tire larme, à la limite du clip
publicitaire. Finalement, Henry s’est transformé en Peter Parker (Tobey
McGuire), et revêt effectivement un costume de super héros en changeant une
roue de sa voiture devant sa petite amie médusée. Loin d’être agaçant (même involontairement drôle par moments), Last Days
of Summer n’est en définitive qu’une adaptation laborieuse et paresseuse
d’un roman forcément plus intéressant que cet aperçu médiocre et ridicule d’une
« grande » histoire tout ce qu’il y a de plus sérieuse, bouleversante,
mais profondément pathétique.
Jeremy
S.
Adèle (Kate Winslet), Henry (Gattlin Griffith) et Frank (Josh Brolin) |
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