Écrit et réalisé par Céline Sciamma
Festival de Cannes 2014 - Quinzaine des réalisateurs
Avec : Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh...
1h52
Sortie : 22 octobre 2014
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Diamonds
Filmer les banlieues a toujours posé
problème au cinéma. Problème de distance du cinéaste face à son sujet, de
direction d’acteurs, d’un choix d’une mise en scène documentaire ou
fictionnelle. La grande surprise du troisième film de Céline Sciamma, c’est que
ce dernier vient dynamiter toutes les attentes et préjugés que le spectateur
lambda pourrait se faire à la vue de cette affiche simple, mais dégageant un
charme mystérieux non dénué d’attirance, titillant une curiosité bien plus face
aux actrices qu’au film lui même.
Chacune repérée par un casting sauvage,
les quatre interprètes principales de Bande
de filles apparaissent totalement refaçonnées par la caméra de la cinéaste,
au filmage anti-naturaliste qui les suit dans leurs déambulations parisiennes,
resituant leurs corps dans un espace à priori sans grand intérêt
cinématographique, dont l’utilisation des décors montre néanmoins tout son
potentiel. De la danse, des combats de gangs, la vie en banlieue observée par
Céline Sciamma est ici traduite à l’écran de manière plus que séduisante,
arborant une esthétisation pop des plus glamours pouvant lointainement évoquer
les films de Sofia Coppola.
La trame du récit s’étire longuement, ne
cherche pas dans les deux tiers du film une surdramatisation inutile, reste
lente et sobre comme l’était celle de Tomboy
et Naissance des Pieuvres. Ces
deux premiers films traitaient de la sexualité dans l’enfance comme Bande de filles traite de l’intégration
dans une communauté sous toutes ses facettes. Le film se perd ainsi dans les
registres dramatiques et comiques, refuse le conditionnement dans ses instants
lyriques bouleversants (la danse sur le morceau de Rihanna, le travelling
latéral sur les quatre filles cheveux au vent) venant quelque part troubler cet
équilibre parfois trop dosé de noirceur et de luminosité.
La toute dernière partie du film, pouvant
davantage être vue comme un long épilogue, est en ce sens bien loin du niveau
des séquences précédentes. Céline Sciamma décide de montrer une ultime
« descente aux enfers » sans grand intérêt, à l’émotion trop appuyée
pour émouvoir, avec l’entrée de nouveaux personnages parfois peu crédibles. Tout
cela pour montrer Vic (Karidja Touré) retombant sur ses pieds, ayant vu naïvement une part sombre enfouie dans son monde.
La qualité des quatre vingt
dix premières minutes ne retire toutefois pas cette drôle de sensation d’avoir visionné
un film maîtrisé et intelligent, beau et touchant, sans regard misanthrope
envers la société restante volontairement occultée, tout comme la figure des
parents (déjà le cas dans Naissance des
Pieuvres). Un petit voyage en banlieue parisienne nous ouvrant
littéralement les yeux sur quelques beautés d’un univers que nous croyons
connaître, mais qui revêt un caractère bien différent et passionnant devant la
caméra d’une réalisatrice dont le style ne semble jamais s’épuiser.
Jeremy
S.
Lady (Assa Sylla), Adiatou (Lindsay Karamoh), Marieme (Karidja Touré), Fily (Mariétou Touré) |