Écrit et réalisé par Myroslav Slaboshpytskiy
Avec : Grigoriy Fesenko, Yana Novikova, Rosa Babiy...
2h12
Sortie : 1er octobre 2014
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Le bourreau et la putain
Un film
ukrainien sur nos écrans français ? De quoi nous mettre l’eau à la bouche,
d’autant plus lorsqu’on connaît son succès retentissant au dernier festival de
Cannes, dont la mauvaise réputation veut que ce dernier fasse émerger des films
d’auteur radicaux peu accessibles, élitistes au point de pouvoir tout se
permettre. Fort heureusement, le festival est loin de se limiter à ses
préjugés, comme en atteste la plutôt bonne qualité des palmarès de ces
dernières années.
Pourtant, The Tribe apparaît dès les premières
minutes (et même à la vision de sa bande annonce) comme le cliché du film
cannois, ou pire encore, l’archétype du film d’auteur détestable des pays de
l’est (à l’instar du Paradis : Amour
d’Ulrich Seidl sorti en 2011). Il possède cependant une singularité nouvelle et
prend des risques : n’être tourné qu’en langue des signes sans dialogues, sans
traduction car nous n’en avons apparemment pas besoin, ou plus honnêtement le
cinéaste n’en a pas vu la nécessité pour appuyer le sens des scènes filmées.
Le film commence
par l’arrivée d’un jeune adolescent dans une école de sourds muets. Bizutage
oblige, il va se retrouver entrainé dans un groupe de garçons turbulents, ne
cherchant que la bagarre et à se faire de l’argent en prostituant deux de leurs
amies chez des camionneurs étrangers. The
Tribe montre-t-il dans ce qu’il raconte quelque chose de nouveau, d’inconnu
à nos yeux avant la séance ? En plus d’être un enfilade de clichés (vous
n’échapperez pas à une tortueuse scène d’avortement pompée sur 4 mois 3 semaines et 2 jours du roumain
Cristian Mungiu, ni aux scènes de sexe crues qu’on a pu voir réalisées avec
davantage d’intérêt dans Clip de la
serbe Maja Milos), The Tribe les
étire inutilement dans des longueurs insupportables, des plans séquences certes
brillamment mis en scène mais provoquant un ennui sans bornes, en particulier
dans ses scènes de violence abominablement gratuites.
Ce quadruple
meurtre à la table de nuit vise à démontrer la monstruosité dévorante sur la
psychologie du protagoniste que nous accompagnons pendant plus de deux heures.
Ce n’est pas un film sur la masculinité, mais bien davantage sur la mysoginie.
Si le cinéaste gardait un œil objectif sur cette attitude, The Tribe aurait été passable et aurait eu davantage de potentiel,
sous un aspect quasi documentaire. Malheureusement, la complaisance avec
laquelle se déroule les plus horribles scènes sous nos yeux en démontre
l’inverse. Filmés comme des animaux sauvages, les sourds muets subissent la
caméra de Myroslav Slaboshpytskyi, véritable dictateur de cinéma comme on peut
en voir très rarement.
À cette gratuité
débordante, l’originalité primaire du film (tournage intégral en langue des
signes) se fait vite oublier par sa non concordance avec la thématique.
Pourquoi raconter ces atrocités avec ce procédé ? Quel est le but ? Immersion,
subversion, provocation, masochisme, oppression ? Un peu des cinq sans doute.
Rien n’y fait donc pour mettre en lumière cette mise en scène virtuose, qui
pourrait être rendue fascinante si elle reposait sur quelque chose. Une tare du
cinéma d’Europe de l’est et une torture sans limite, The Tribe n’est finalement rien d’autre qu’une mauvaise surprise
ayant trouvé aveuglement de nombreux distributeurs, premiers responsables de la
diffusion de cette merde infâme qui n’aurait jamais du voir le jour.
Jeremy S.
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