Ecrit et réalisé par Alejandro Jodorowsky
Festival de Cannes 2013 - Quinzaine des réalisateurs - Selection Officielle
Avec : Brontis Jodorowsky, Pamela Flores, Jeremias Herskovits
2h10
Sortie : 4 septembre 2013
-
Le miroir
Il aura fallut ving trois ans au
réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky pour faire son come back, avec un film
financé en partie par le net et adapté d’un livre publié par lui même n’étant
autre qu’une autobiographie. Présenté à Cannes dans la Quinzaine des réalisateurs, Jodorowsky s’est - sans doute
possible - démarqué d’un cinéma attendu, fantastique ou même ludique.
La danza de la realidad n’est finalement pas très éloigné des
précédents Santa Sangre (1989) ou le Voleur d’arc-en-ciel (1990). Film
autobiographique, il pourrait être considéré comme un film somme, rassemblant
toutes les idées et partis pris esthétiques piochés dans sa filmographie. Ou
alors nous pourrions voir cela comme une œuvre
fellinienne, mêlant rêves, faits réels, et fiction. A notre plus grand
plaisir, La danza de la realidad ne
se range d’aucun de ces deux côtés. Comme Santa
Sangre, c’est d’abord une plongée vertigineuse et un voyage surréaliste que
nous propose le cinéaste, à travers deux longues heures bourrées d’instants
magiques, horrifiques, hilarants, ou encore bouleversants. Le côté
autobiographique de La danza de la
realidad étant clairement l’interêt de voir un film du cinéaste en salle de
nos jours, si l’on connaît Jodorowsky, nous pouvons remarquer un manque de
renouvellement. Sa longue période d’absence devient ainsi inexplicable, et les
raisons de son nouveau film troublantes.
Renouer avec son enfance, tel est
le but premier de ce patchwork. La famille, le village, la vie d’autrefois,
tous les éléments d’une fresque académique sont présents dès le départ. Nommé
par leurs vrais noms et joués pour certains par de réels membres de sa famille,
les Jodorowsky et leur histoire commencent d’abord par ennuyer (montage rapide,
scènes sur-écrites, mouvements de caméras dans chaque plans) avant de
s’injecter lentement dans l’esprit de son spectateur, souvent mis à l’écart par
la distanciation qui caractérise tout le cinéma de Jodorowsky. Aucun effet
n’est recherché, et le côté kitch du cinéaste trouve alors tout son sens :
La danza de la realidad est d’abord
un spectacle, un feu d’artifice volontairement maintenu dans une mise en scène
terre-à-terre.
Si certains moments déboulent
comme des scénettes felliniennes,
l’ensemble reste relativement cohérent et prenant surtout au moment de
l’éclatement familial. Le désespoir des personnages est parfois montré comme un grand opéra, où mythe
et réalité se confondent en permanence sans jamais créer une atmosphère expérimentale
difficile d’accès. Certains y verront par là un défaut du film. Mais l’objectif
premier étant de faire voyager son spectateur (à la manière de Théos
Angelopoulos) demeure dans la ligne de mire du cinéaste, et même si quelques
décrochages peuvent parfois survenir, c’est avec un respect et un certain
suspense que nous suivons l’histoire abracadabrante de la famille Jodorowsky.
D’un côté le père autoritaire et malsain, de l’autre le fils soumis et
dépressif. En confrontant ces deux personnages, le cinéaste nous parle aussi de
son entrée dans le monde de l’art, ses origines et à l’évidence de sa
découverte.
En somme, Jodorowsky ne souhaite
pas parler simplement de lui et de son histoire. Son film décalé dans le cinéma
contemporain disloque les frontières habituelles du surréalisme sans pour
autant plus pencher du côté de Bunuel que de Fellini. Il y a une
intertextualité filmique dans La danza de la realidad : celle de ses
autres œuvres, toujours présentes. Et surtout, envisagées comme des œuvres
vivantes, dans un dispositif scénique dantesque, visant à toucher plus d’un
spectateur en évitant de tomber un cynisme prévisible. Si l’utilité du film ne
se distingue pas dans l’immédiat, La danza de la realidad apparaît comme un
passionant voyage, pas toujours facile d’accès, mais dont plus d’un ressortira
chamboulé, et ravi d’avoir pu assister à une nouvelle éclosion d’un grand cinéma
moderne, mettant tous ses contemporains au tapis.
Jeremy S.
Alejandro enfant (Jeremias Herskovits), Sara (Pamela Flores) et Jaime (Brontis Jodorowsky) |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire