Écrit et réalisé par J.C. Chandor
Festival de Cannes 2013 - Hors Compétition
Avec : Robert Redford
1h46
Sortie : 11 décembre 2013
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Il était un petit navire ?
Après sa révélation par le complexe et
intriguant Margin Call (2012), J.C. Chandor change du tout au tout avec un survival marin d’une inventivité quasi
nulle. Si Robert Redford excède dans l’unique rôle d’un naufragé allant vers sa
triste perte, il ne parvient pas à relever le niveau de cette piteuse aventure
plus ennuyeuse qu’immersive.
All
Is Lost souffre à
l’évidence de multiples comparaisons avec le chef d’œuvre d’Alfonso Cuaron
encore tout frais dans notre esprit. Car d’un point de vue scénaristique, le
film de Chandor en est très proche : le bateau à voiles d’un navigateur
heurte un conteneur, sa coque se brise, et l’homme n’a plus qu’à dériver sur
l’océan indien parcouru de tempêtes violentes et menaçantes. Là où Cuaron
innovait sa mise en scène dans l’univers spatial (et encore, rappelons que Gravity a été tourné dans un petit cube
d’un mètre carré), Chandor pose une caméra sur le bateau du naufragé, une autre
sur un bateau que l’on suppose voisin, et alterne mécaniquement ses prises de
vues, sans magnifier ni alourdir la catastrophe. Le souci de réalisme est le
principal problème d’All Is Lost :
l’aventure nous est montrée frontalement, sans arrière pensée propre au
cinéaste, sans intéressant parti pris esthétique défini. Bien que la
performance de Redford soit plus qu’acceptable, le personnage demeure
antipathique de la première à la dernière image. Signalons ce premier plan
d’un ridicule encore rarement vu dans un survival classique (c’est d’ailleurs
le seul moment où Chandor sort de la piste toute tracée !) : un
panoramique de plus d’une minute (référence au premier plan séquence de
Gravity ?) avec la voix off du sexagénaire se lamentant et annonçant le
bout du rouleau. Non que cette voix off ne soit pas la bienvenue dans un tel
survival académique, mais ne l’utilisant que dans cette première minute, elle
devient hautement ridicule et parasite pour la suite du voyage.
Car Chandor opte ensuite pour une
aventure résolument muette, au seul son des actions de Redford et de la mer
environnante. Ce procédé pourrait être efficace si l’effet de réalisme était
maintenu, et non gâché par cette abus de découpage dans tous les sens nous
faisant parfois penser à une bande dessinée, et conséquemment à une fiction
totale. Que veut nous transmettre Chandor ? La peur, la tristesse,
l’attente de la mort ? Son film a le mérite de ne pas appliquer d’émotions
explicites, mais par cette même idée se retourne contre lui même, nous donnant
à vivre non pas une terrifiante expérience marine, mais bien un triste moment
de cinéma avec une exploitation à 10% du cadre, un développement prévisible et gonflant menant à une trop grande distanciation. Il n’est pas nécessaire de parler de
cette pauvre fin inutile, nous rappelant justement que nous sommes dans une
salle de cinéma, devant un film américain, et non dans l’océan indien. Réalisme ou attraction ? Ni
l’un ni l’autre. Aussitôt vu, aussitôt oublié.
Jeremy
S.
L'homme (Robert Redford) |
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