Réalisé par Mia Hansen Love
Écrit par Sven et Mia Hansen Love
Avec : Félix de Givry, Pauline Etienne, Vincent Macaigne, Greta Gerwig...
2h11
Sortie : 19 novembre 2014
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"To long, one more time"
Se sentir perdu tout en conservant
ses propres repères. Savourer sa jeunesse comme un être ambitieux et pris dans
l’engrenage, apprécier dignement ces cadeaux divins qui nous sont offerts, à
portée de main, délivrant bonheur et tristesse : les filles, la musique, le
tabac, la poudre blanche. Appartenir à un collectif, ne pas rester seul, ne
jamais chercher à aller de l’avant mais simplement vivre les meilleurs instants
d’une vie ; ne pas se poser de questions, fusionner son esprit avec son corps
pour éviter les excès. Paul va vivre sa vie comme les autres personnes de son
âge, bien que son activité passionnelle de DJ le maintiendra sous son emprise
pendant plus d’une quinzaine d’années.
Le jeune homme ne cherchera
nullement la porte de sortie. Au départ de la magnifique Julia (Greta Gerwig)
pour l’autre côté de l’atlantique, Paul va se rabattre sur Louise (Pauline
Etienne) et continuer à suivre une vie qu’il estime normale, agréable, sans la
moindre ambiguïté. Il serait sévère de qualifier le scénario de Mia et Sven
Hansen Love d’une banalité agaçante, inscrit dans un naturalisme peu assumé.
D'autant plus avec Eden qui n’est
autre que l’histoire du frère de la cinéaste, certes remaniée mais se voulant
fidèle sans le moindre aspect documentaire. L’on connaît déjà le talent de Mia
Hansen Love pour raconter de longues fresques - généralement en moins de deux
heures - et se dressant fermement contre le modèle hollywoodien classique. Un amour de jeunesse et Tout est pardonné étaient du même
acabit, narrant une longue histoire avec justesse, douceur et réalisme,
recherchant de la beauté dans le naturel et des lumières dans un quotidien
sombre et morose.
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Paul (Félix de Givry) et Louise (Pauline Étienne) |
Le temps passe dans Eden. Malheureusement beaucoup trop vite
dans la première heure et demie pour que nous puissions saisir l’état mental de
Paul, voire nous y retrouver comme la mise en scène semble l’indiquer.
Soulignant exagérément ses ellipses, le film prend une lourdeur peu
encourageante pour la suite. Le but de la jeune cinéaste étant clairement de
laisser filer son conte de fées empoisonné comme une avalanche dévalant la
pente que les skieurs ne parviennent à éviter. La solitude s’empare progressivement
de Paul, ses amis disparaissent, réapparaissent, rigolent, pleurent, ou pire.
Fort heureusement, le drame incontournable de tout scénario Hansen-Lovien ne
sert pas cette fois-ci (du moins pas directement) d’aiguillage vers une
deuxième partie prévisible et déchirante.
Ayons beau dire que le film porte
pour sujet principal la French Touch, le discours ne semble jamais traduire un
témoignage exhaustif de la génération correspondante. Précisément car la
cinéaste isole le cas de Paul, ce dernier se faisant dépasser à toute vitesse
par ses partenaires, avec une prise de conscience anormalement tardive. Si
David (Vincent Macaigne) ne paraît ici nullement à sa place, on pourra relever
un certain charme à observer ce personnage ne jamais prendre une ride pendant
ces quinze courtes années, dans une sorte de contre courant générationnel. A
défaut de ne pas forcer l’empathie pour Paul, le film ne parvient jamais à la
hauteur attendue, comme avec un changement ou un revirement brutal de son
comportement (peut-on vraiment penser à vingt deux ans comme à trente cinq ?)
après sa rupture avec Louise. Eden reste
les pieds enlisés dans un réalisme pouvant passionner pendant quatre vingt dix
minutes, mais qui au grand jamais ne cherche à dépasser l’exploitation minimale
de son potentiel. A l’image de cette sublime fin typique des films de la
cinéaste, qui semble néanmoins résonner creuse tant le personnage de Paul
(excellente interprétation de Felix de Givry) ne captive pas assez notre
imaginaire de spectateur qui viserait en premier lieu à prendre sa place.
Ne boudons néanmoins pas notre
plaisir pour une BO qui sonne déjà comme mystérieusement nostalgique,
atteignant son point d’orgue avec ce lent panoramique floutée sur Within des Daft Punk. Eden manque de fulgurances et de scènes
marquantes comme n’importe quel film sur la jeunesse pourrait goulûment en
receler. La fresque et les personnages sont là. L’émotion, elle, peine à
subsister, restant quelque chose d'éphémère dans cet œuvre personnelle
possédant une thématique aux mille couleurs.
Jeremy
S.