Ecrit et réalisé par Rebecca Zlotowski
Festival de Cannes 2013 - Un Certain Regard
Avec : Tahar Rahim, Léa Seydoux, Olivier Gourmet...
1h34
Sortie : 28 août 2013
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Exutoire
Aux côtés de Claire Denis, Sofia Coppola ou encore Lucia Puenzo, les femmes étaient - cette année - à l’honneur pour la sélection cannoise d’Un Certain Regard. Rebecca Zlotowski, jeune réalisatrice issue de la Fémis réalise ici son deuxième long métrage trois ans après le bluffant Belle Epine (2010). Histoire d’amour sur fond de centrale nucléaire, ce deuxième film, moins rigoureux et prenant que son prédécesseur, confirme le talent grandissant de Rebecca Zlotowski sans en cacher ses limites.
Dans Belle Epine, Léa Seydoux interprétait une jeune adolescente
solitaire dans une famille déchirée, voulant à tout prix montrer l’exact
contraire de sa triste condition. Le film, terriblement immersif et
comportant de grands moments bouclés sur quatre vingt minutes, nous faisait
comprendre à la fois que la cinéaste adoptait un style propre et déroutant, tout
en élaborant une narration extrêmement intelligente, fluidifiant son récit comme peu d’autre
cinéastes de cet âge y parviennent.
Il y a du Belle Epine dans Grand
Central. Mais avec ce dernier,
c’est un pas en avant que souhaite faire Rebecca Zlotowski ; aux dépends
d’un sujet casse gueule comme la centrale nucléaire en France, suite aux tristes épisodes
de Fukushima. Ni écolo ni politique, ce deuxième film apparaît parfois comme
une alternative au cinéma des Frères Dardenne, parfois comme un film américain, autant dans l'appellation de ses personnages que par sa mise en scène. Et comme
un film de Rebecca Zlotowski ? Nettement moins que Belle Epine. Son goût pour filmer les corps et les visages se fait
plus flou et l’aspect social du scénario émerge trop souvent. Après être
embauché dans la centrale nucléaire, Gary va rencontrer la provocante Karole et
en tomber amoureux. Les scènes
intimes entre les deux tourtereaux ne sont plus aussi fortes et bouleversantes
que dans Belle Epine, Zlotowski
préférant n’en montrer trop peu que pas assez.
Gary (Tahar Rahim) et Karole (Léa Seydoux) |
L’affirmation et la rigueur de
son premier film peinent à refaire surface, caractéristique accentuée par le
développement du scénario prévisible et anti spectaculaire. Les scènes de
conflits entre Gary et le mari de Karole restent relativement faibles et ne
sont traversés ni par un désir constant de suivre ses personnages, ni par une
volonté de renverser un classicisme évident. Si Léa Seydoux enflammait l’écran
dans Belle Epine, son rôle dans Grand Central se situe bien deux
échelons en dessous du précédent. Plus mature, plus femme, Léa Seydoux n’est
plus une personne fragile, rebelle, aux yeux glaçants. Tahar Rahim, pour sa
part, réitère l’expérience d’Un Prophète sans
pour autant crever l’écran.
Prenant moins de risques, Grand Central possède néanmoins des
atouts indéniables du grand film d’auteur français : le découpage sec et
la musique hypnotique de ROB participent à nous entrainer dans l’environnement hostile
et dérangeant de la centrale nucléaire, très cinématographique comme le filme avec brio la réalisatrice. Les accidents survenant tout au long du film n’étayent
pas une quelconque position contre la centrale mais cherchent à nous remettre
un pied sur terre suite à ce que vivent Gary et Karole. Film poétique
triomphant du naturalisme ? Le message léger et la mise en scène moins
inspirée ne nous convaincront pas dès les premières images, malgré un générique
plus que prometteur. Rebecca Zlotowski, nouvel espoir du cinéma français, tout
en s’affranchissant brillamment des contraintes et du naturalisme français, doit
regarder attentivement le chemin qu’elle prend. Ainsi que ses bordures.
Jeremy S.
Karole (Léa Seydoux) et Toni (Denis Ménochet) |
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