Réalisé par Noah Baumbach
Ecrit par Noah Baumbach et Greta Gerwig
Avec : Greta Gerwig, Mickey Sumner, Adam Driver...
1h26
Sortie : 3 juillet 2013
-
New York, New
York
L’année dernière, nous étions agréablement surpris par la jeunesse mise en scène dans le magnifique Après Mai (2012) d'Olivier Assayas, l’un de nos plus talentueux
réalisateurs français. Ce dernier film contait une histoire d’après mai 1968.
Cette année, la palme de cette catégorie (film sur la jeunesse) pourrait
revenir à Noah Baumbach. Loin d’être un petit nouveau dans le cinéma
indépendant américain, Baumbach renoue une fois de plus avec Greta Gerwig,
trois ans après Greenberg. Cette fois
ci, Gerwig participe aussi à l’écriture. C’est sans doute ce dernier point qui
relève le niveau du petit ou moyen film qu’aurait pu être Frances Ha, avec un scénario en apparence déjà vu et peu original.
Jeune femme de ving sept ans,
Frances est professeur de danse. Elle est intimement liée à Sophie, sa
meilleure amie. Lorsque Sophie va décider de changer de coin en prenant un
autre appartement (plus cher, malheureusement) Frances va se retrouver en
porte-à-faux et essaiera par tous les moyens de garder contact avec Sophie, malgré
leurs inégalités, en termes de richesse mais aussi d’amour (Sophie trouvera le
compagnon idéal). Baumbach confronte la fille solitaire, timide à la fille
rêveuse, aux ambitions folles. Frances tentera de se construire un avenir sûr
dans cette immense mégalopole qu’est New York. Elle trébuchera, se relèvera,
malgré qu’elle soit « incasable » selon un de ses ex. On se
demande alors : sur quel registre peut se dérouler Frances Ha ?
Sophie (Mickey Sumner) et Frances (Greta Gerwig) |
C’est au moment où l’on se pose
cette question que le film prend son envol. Libérée, fraiche, mais aussi
terriblement déprimée, Frances Halladay vit sa vie, cherche sa place. Mais
l’intensité dramatique n’est ici quasiment jamais relevée, Baumbach
s’intéressant à l’aspect psychologique de la jeunesse, à retrouver ce lyrisme
et l’étendue d’un cinéma indépendant, non pas cloîtré académiquement mais bien
large comme pouvait l’être Les 400 coups
de François Truffaut, Le Rayon Vert
d’Eric Rohmer (Greta Gerwig rappelle d’ailleurs sous quelques angles Marie
Rivière), ou Manhattan de Woody Allen.
Des références trop explicites ? A notre plus grande surprise, Noah
Baumbach s’empare de son histoire (ou plutôt de « leur » histoire, la
sienne mais aussi celle de Greta Gerwig) comme d’un témoignage contemporain sur
une jeunesse parfois perdue, souvent joyeuse, constamment dans l’excès. Mais à
la différence de Spring Breakers ou de The Bling Ring, les protagonistes se
situent au crépuscule de la vingtaine (et ont par conséquence davantage
progressés dans leur maturité d’adulte). La fin d’une jeunesse ? Oui, mais
aussi le début d’une autre, différente, mieux pour certaine, inférieure pour
d’autres. Un cap difficile à franchir, un monde en noir et blanc, des
questionnements existentiels dérangeants. Frances n’hésite pas à se changer les
idées en faisant une courte escapade à Paris, mais elle découvrira bien vite
que la remontée du gouffre n’est pas aussi simple. Les tensions qu’elle rencontrera
avec Sophie n’arrangeront pas les choses, mais participerons à une descente
émotionnelle pour effectuer un nouveau décollage plus puissant, dénué de
mélancolie.
Et à ce moment là, nous sommes
déjà à la fin du film. Nous avons vécu avec l’état d’esprit de Frances
Halladay, qui en cette vingt septième année d’existence s’est métamorphosé en
celui d’une nouvelle femme : Frances « Ha ». Si la trame
scénaristique rappelle volontairement Le
Rayon Vert de Rohmer (film apprécié par Baumbach et Gerwig), la vie à New
York change radicalement la donne. Et rejoint Manhattan de Woody Allen. Un bon film américain, combinant des
éléments du cinéma d’Eric Rohmer et de Woody Allen, pour planter autre chose à
un autre endroit, dans une autre dimension aussi riche et exaltante. À 44 ans,
Woody Allen réalisait Manhattan (1979).
À 66 ans, Eric Rohmer réalisait Le Rayon
Vert (1986). A 42 ans, Noah Baumbach réalise Frances Ha. Une réussite indéniable peut être parfois trop modeste
pour émouvoir suffisamment. Quoi qu’on en dise, Noah Baumbach a quand même du
mérite pour avoir réalisé ce film en 2012, une année qui pourrait se situer au
milieu de sa carrière, mais aussi être celle d’un film culte de toute une
génération.
Jeremy S.
Frances (Greta Gerwig) |
Frances (Greta Gerwig) et Sophie (Mickey Sumner) |
Mon coup de coeur de l'année (pour l'instant...). Un vrai bijoux de subtilité et d'intelligence. Très sous-estimé, dont la modestie est, à mon sens, loin d'être un défaut, au contraire. Baumbach signe un portrait d'une fraîcheur incroyable et nous émeut par petites touches. Espérons qu'il ne sera pas oublié en fin d'année - les plus grands films n'étant pas toujours ceux qui en ont l'air.
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