Réalisé par Marco Bellocchio
Ecrit par Marco Bellocchio et Stefano Rulli
Avec : Toni Servillo, Isabelle Hupert, Alba Rohrwacher...
1h50
Sortie : 10 avril 2013
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La descendance néoréaliste
Près de 70 ans après la naissance du néoréalisme
italien avec Rome, ville ouverte de
Roberto Rossellini La belle endormie
garde des traces de ce mouvement dont Marco Bellocchio s’empare parfaitement.
Synopsis : Le 23 novembre 2008, l'Italie se déchire autour du sort d'Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans. La justice italienne vient d'autoriser Beppino Englaro, son père, à interrompre l'alimentation artificielle maintenant sa fille en vie. Dans ce tourbillon politique et médiatique les sensibilités s'enflamment, les croyances et les idéologies s'affrontent. Maria, une militante du Mouvement pour la Vie, manifeste devant la clinique dans laquelle est hospitalisée Eluana, alors qu'à Rome, son père sénateur hésite à voter le projet de loi s'opposant à cette décision de justice. Ailleurs, une célèbre actrice croit inlassablement au réveil de sa fille, plongée elle aussi depuis des années dans un coma irréversible. Enfin, Rossa veut mettre fin à ses jours mais un jeune médecin plein d'espoir va s'y opposer de toutes ses forces.
La belle endormie montre le véritable quotidien de la population italienne, à travers
un événement réel important qu’est le vote de la loi autorisant l’euthanasie,
s’approchant du genre documentaire tout en restant dans la fiction. Cette
(con)fusion documentaire / fiction est en grande partie une marque de fabrique
du néoréalisme italien (qui lui aussi place ses histoires dans des évènements
majeurs). L’idée de transposer ce pan de l’histoire politique de l’Italie dans
un film choral est une manière très
habile de montrer la réalité et (par rapport au néoréalisme italien qui
s’occupait du « petit peuple ») surtout de présenter la réalité de
toutes les couches de la population. En ce sens, le curseur
« documentaire /réalité » est poussée à son maximum. Le principe
du film choral étant de décliner une idée, un avis sous toutes ses formes,
Marco Bellocchio s’avère très intelligent.
3 histoires se développent dans La
belle endormie, dont l’une qui se déclinera en 2 parties. La première grande
partie installe un père sénateur devant faire un choix de vote et sa fille, une
militante contre l’euthanasie qui tracera sa propre partie dans la suite du
film. Vient ensuite une famille, réuni autour du coma de leur fille, dont la
mère (jouée par Isabelle Huppert) grande actrice, met sa vie de côté pour
rester à côté de sa « belle endormie » espérant son réveil. Enfin,
l’histoire d’un médecin, faisant tout pour sauver la vie d’une toxicomane
suicidaire. Ce film est bien plus qu’un simple panel de population tous sont
liés à cette histoire d’euthanasie. Le sénateur et sa fille qui ne paraissent à
première vue être relié au vote que sur la plan politique (comparé aux autres
histoires qui le sont plus personnellement) ont eux aussi eu affaire à une « belle
endormie », l’épouse du sénateur.
Le suspense quant au vote de cette loi n’a pas lieu d’être puisque le
spectateur sait que ce vote n’aura finalement pas lieu. Par ailleurs le
cinéaste s’intéresse bien plus aux histoires de ces personnes qu’à cette histoire
nationale dont l’intérêt scénaristique est moindre. Le film choral a donc
également son intérêt en fin de film, montrer des états divers après
l’annulation du vote. On peut aussi saluer Marco Bellocchio qui ne tombe pas
dans le piège faire s’entrecroiser les histoires entre elles dans le dénouement
contrairement à ce qu’a pu faire le cinéma hollywoodien avec par exemple Valentine’s Day ou Happy New Year.
La belle endormie possède également des points communs
esthétiques avec le néoréalisme italien. Quand l’histoire ne se déroule pas en
décor naturel (élément essentiel du néoréalisme) Marco Bellocchio s’amuse à
jouer avec le contre-jour (notamment dans la partie avec Isabelle Huppert) qui
donne à l’image une beauté particulière. Ce contre-jour, il est possible de le
retrouver (moins contrasté toutefois) dans un grand classique du néoréalisme
italien, Le voleur de bicyclette de
Vittorio De Sica. Plus qu’un hommage au grand cinéma italien, Marco Bellocchio
prouve que le cinéma italien n’est pas mort.
Alexis
D.
La
toxicomane Rossa (Maya Sansa) et le docteur Pallido (Pier Giorgio Bellocchio)
Le sénateur
Uliano Beffardi (Toni Servillo) et Maria Beffardi (Alba Rohrwacher)
« Divina
Madre » (Isabelle Huppert)
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