Réalisé par Park Chan-wook
Ecrit par Wentworth Miller et Erin Cressida Wilson
Produit par Michael Costigan, Ridley Scott, Tony Scott
Musique Originale : Clint Mansell
Avec : Mia Wasikowska, Nicole Kidman, Mattew Goode...
1h40
Sortie : 1er Mai 2013
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Sueurs Froides
Park Chan-wook, aux côtés de Kim
Jee-woon et Bong Joon-ho, est cette année le deuxième cinéaste sud-coréen à tenter
l’expérience hollywoodienne. Sans pour autant faire du pur grabuge comme dans
sa trilogie de la vengeance, le réalisateur du culte Old Boy réussit haut la main son premier
film « hitchcockien », brillant tant par sa mise en scène propre que
par son sujet aussi profond et déroutant que malsain.
India (Mia Wasikowska), à peine
âgée de 18 ans, perd son père. S’ensuit l’arrivée dans la famille d’un oncle
venu de nulle part, prénommé Charlie – Mattew Goode - (qui n’est autre que
l’oncle Charlie de L’Ombre d’un doute d'Hitchcock (1943) ) grand ténébreux aux mimiques perverses, admirant India, allant jusqu’à lui apparaître comme un monstre sanguinaire et pervers, s’appropriant
sa mère (Nicole Kidman). Si Stoker
peut être classé à mi chemin du thriller psychologique et du film d'horreur, c’est avant tout un film
d’atmosphère comme nous pouvons en voir rarement à Hollywood ces jours ci. Une
atmosphère purement Parkchanwookienne avec
des acteurs américains, extrêmement bien dirigés, où certains y trouvent leurs
plus grand rôle de l’année (Mia Wasikowska et Nicole Kidman). Atmosphère
pesante, malsaine, faisant mal au ventre. Tout cela en occultant le gore
habituel de ses autres films, qui possédait une part stylistique importante
dans l’œuvre du cinéaste. La fameuse séquence du piano (qui sous entend en
réalité une haute tension sexuelle) est sans doute la scène centrale du film. C’est aussi ces thèmes qui intéressent
le cinéaste : le passage à l’âge adulte, l’adolescence, mais aussi l’enfance, dès son plus jeune âge.
Sans en faire à l’évidence un classique film d’apprentissage, mais bien quelque
chose d'à la fois marquant et terrifiant, auquel nous pouvons nous y laisser prendre très facilement.
Le récit en apparence linéaire va
très vite se déconstruire, avec l’arrivée du passé, rattrapant India à une
vitesse fulgurante. Les scènes de la fin, habilement montées en parallèle avec
celles du passé affirment la maîtrise culminante - en terme de mise en scène et
de montage - de maître Park sur ses contemporains. L’action en devient extrêmement
jouissive et jubilatoire, évitant tout ludisme et didactisme, et nous plongeant au cœur de
l’esprit d’India. Park Chan-wook s’inscrit dans une filiation hitchcockienne,
en faisant bien plus que de rendre un simple hommage à l'idole. Park Chan-wook déclare
que le Vertigo d’Hitchcock (1958) est
le film déclencheur de son envie de faire du cinéma. A la vue de Stoker, ce
phénomène est d’autant plus compréhensible : amener son spectateur dans un
lieu et une atmosphère méconnue dans sa vie quotidienne, mais dont il a
conscience de son existence. Park Chan-wook évite aussi de tomber dans l’habituel
huis clôt académique auquel on pourrait s'attendre au vu des premières
images.
Tout cet édifice ne pourrait
tenir sans un bon chef opérateur. Pour notre plus grand plaisir, Park Chan-wook
a choisi d’embarquer Chung Chung-hoon à ses côtés pour l’expédition (le
directeur photo de la plupart de ses autres films). Cette sublime image (celle d'Old Boy ou de Thirst), c’est
celle de Park Chan-wook, son image propre. Après Thirst et sa trilogie de la vengeance, il nous impressionne encore en s’affirmant comme un vrai cinéaste de sa vraie
nationalité, et ne laisse personne troubler son image d’auteur, au mépris d’un scénario
non écrit de sa propre main. La famille Stoker restera décidément longtemps
dans nos mémoires.
Jeremy S.
Evelyn Stoker (Nicole Kidman) et Oncle Charlie (Matthew Goode) |
India (Mia Wasikowska) et Oncle Charlie (Matthew Goode) |
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