Écrit et réalisé par Nicolas Winding Refn
Avec : Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm, ...
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
1h30
Sortie : 22 mai 2013
-
À double tranchant
Alors que le sensationnel
Drive avait reçu un accueil unanime de la part de la critique au
Festival de Cannes 2011, repartant même avec un Prix de la mise en
scène, Only God Forgives, nouveau film du danois Nicolas Winding
Refn divise profondément. Alors que certains parlent d'un film
supérieur à Drive, d'autres crient à l’arnaque superficielle. La
faute à une attente trop ardente ou à un film plus complexe que
Drive ? Un peu des deux probablement. Ce qui est sûr, c'est que
Only God Forgives ne s'impose pas aussi facilement que Drive et c'est
tant mieux. Cela nous montre que Nicolas Winding Refn ne s'est pas
reposé sur ses lauriers et qu'il en a encore dans la besace.
Difficile de catégoriser le film comme un chef-d’œuvre ou un
nanar. Mais finalement, ce sont les films qui font débat qui
demeurent les plus intéressants (regardez La Grande Bouffe ou Sous
le Soleil de Satan). Loin de comparer Only God Forgives à ces
illustres exemples, le film possède ce je-ne-sais-quoi qui vous
retourne le cerveau et bouleverse votre jugement. Rien n'est résolu
au sortir du film et c'est cela qui nous embête. Nicolas Winding
Refn prend le paris osé de nous présenter un film qui ne s'offre
pas totalement à la première vision. Objet de méditation, de
reconsidération constante, le film ne vous lâche pas.
Ce qui peut rebuter de
prime abord, c'est cette mise en scène aussi massive qu'une enclume.
Nicolas Winding Refn ne redoute pas les effets de style en martelant
son film à coup de travellings pesants, de cadrages archi-structurés
et d'éclairages en veux-tu en voilà. Même si le réalisateur
assume cette mise en scène ultra-visible, elle n'est pas toujours
efficace. Le film manque clairement de souffle et de respiration, ce
qui en rend la vision pénible. Certains rétorqueront que c'est
justement ce que recherche Nicolas Winding Refn. Mais n'est-ce pas
une facilité ? Nicolas Winding Refn force les traits au crayon
gras, craint de ne pas se faire comprendre, au lieu de faire
confiance à l'appareil cinématographique. Le réalisateur cherche clairement la distanciation. Alors qu'il
nous mettait en empathie absolue avec le conducteur de Drive, Nicolas
Winding Refn refuse toute identification (comment pourrait-on se
projeter dans cet univers suffocant aussi lointain que Bangkok?).
Julian n'est pas le super-héros qu'on attendait. Enchaînant les
échecs, il subit au lieu d'agir. Quel est alors l’intérêt d'un
film qui, apparemment, ne veut pas de nous, spectateurs ?
Nicolas Winding Refn ne limite pas son film à sa vision plastique.
En réduisant son scénario à deux lignes de texte, Nicolas Winding
Refn ne cherche pas à nous raconter une histoire en bonne et due
forme. C'est ainsi que le film atteint une dimension mythologique.
Nicolas Winding Refn affirme que la base du film était l'idée d'un
personnage se battant contre Dieu. Dieu, ce pourrait être Crystal ou
Chang (justement surnommé « l'Ange de la Vengeance). Nous
assistons alors à un combat de Titans où les raisons de la violence
nous dépassent. A ce titre, les décors sont savamment étudiés.
Sur fond de tapisseries rouges ornées de dragons asiatiques, dans
une chambre d'hôtel de luxe ou dans un ring de boxe, tout concoure à
l'idée de grandeur. Les personnages évoluent dans un Olympe
moderne.
Julian (Ryan Gosling)
Chang (Vithaya Pansringarm)
Dans cet univers
allégorique et grandiose, l'aventure se fait intérieure. Les
personnages extériorisent très peu, à l'image d'un Ryan Gosling
aussi expressif qu'une huître ou de la glaçante (et étonnante)
Kristin Scott Thomas. Dans un décors labyrinthique, Nicolas Winding
Refn nous plonge dans un espace mental plus que figuratif. Le
montage, plus émotionnel que narratif, raccorde des scènes de
natures différentes. Mais cette sclérose psychologique manque
toujours d'un échappatoire et il n'est pas rare de sentir l'ennui
pointer.
Film qui n'a pas fini de
faire parler de lui, Only God Forgives est un objet étrange. Même
s'il souffre de plusieurs défauts, le film recèle d'une richesse
que le temps ne cessera d'exploiter. Only God Forgives devient même
plus intéressant qu'un bon petit film classique bien fait.
Expérimentateur cinématographique, Nicolas Winding Refn s'engage
sur une piste singulière pas encore aboutie mais que l'on suivra
avec intérêt.
Adrien V.
Crystal (Kristin Scott Thomas)
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