Écrit et réalisé par Claude Lanzmann
Festival de Cannes 2013 - Hors Compétition
Avec : Claude Lanzmann, Benjamin Murmelstein
3h38
Sortie : 13 novembre 2013
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Hommage et Justice
Le plus long
documentaire du dernier festival de Cannes y était cette année présenté hors
compétition. Claude Lanzmann, 88 ans, ne pouvait qu’en être la source, près de
trente ans après les endurantes neuf heures de Shoah (1985), qui avaient fait date dans l’histoire du cinéma documentaire.
Comme ce dernier
film, Le Dernier des injustes est
aussi le témoignage d’un vétéran juif ayant subit l’inimaginable durant la
seconde guerre mondiale. Le tournage de l’entretien de Benjamin Murmelstein a
été réalisé en vue de l’intégrer à Shoah dans les années 80. Lanzmann l’a
finalement laissé de côté, voyant que ce passage ne se raccordait pas
logiquement avec les autres témoignages.
La principale
nouveauté de ce long métrage, qui évite la redondance de Shoah, est la fameuse confrontation des deux époques. Le Claude
Lanzmann de 2013 est monté en parallèle avec celui de 1985, les deux adoptant
un discours différent et donnant ainsi une portée plus solide et mémorable à
cette triste histoire. Murmelstein, troisième doyen d’un camp de concentration
de juifs (Theresienstadt, République Tchèque), nous conte avec une folle précision de multitude de
détails, ses actions, sa soumission envers le nazi Adolf Eichmann, l’ayant
menacé sauvagement pour effectuer les ordres les plus sales, d'où lesquels est né un désir de révolte.
Les pires
horreurs sont alors révélées, et cela sans morale ni leçon, dont une jeune
population pourrait inconsciemment en tirer. Le premier but de Lanzmann n’est
pas de documenter, mais bien de construire un témoignage inaltérable par une
succession d’images. Doit on y chercher une quelconque force de mise en
scène ? Le Dernier des injustes brille
avant tout par son contenu et l’émotion que dégage l’entretien avec
Murmelstein, d’une crédibilité telle que nous parvenons à boire les paroles du
personnage pendant plus de trois heures trente. Cette durée, bien qu’un poil
excessive, ne se laisse pas souvent ressentir tant les voix des deux hommes
résonnent de vérité dans la salle obscure. La partie contemporaine est un
voyage à travers l’Europe de l’est, et la faiblesse du film peut se situer ici
même : Le Lanzmann d’aujourd’hui peut parfois ennuyer, agacer, mais
demeurer toujours intéressant et bougrement familier. Le Dernier des injustes n’est pas une leçon d’histoire, ni une
fiction racontée, mais se place entre les deux, tentant de rendre justice et
hommage à ces doyens juifs souvent oubliés parmi la nouvelle génération, à qui
ce film est en partie dédié.
Jeremy S.
Claude Lanzmann et Benjamin Murmelstein (1975) |
Claude Lanzmann (aujourd'hui) |
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