Réalisé par Valeria Bruni Tedeschi
Écrit par Valeria Bruni Tedeschi, Noémie Lvovsky, Agnès de Sacy
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Avec : Valeria Bruni Tedeschi, Louis Garrel, Filippo Timi, Marisa Borini,
Xavier Beauvois, ...
1h44
Sortie : 30 octobre 2013
-
Ruines
Ah, Cannes... Quel beau
paradoxe ! Comment le plus important festival de cinéma au
monde peut-il afficher l'ambition de rassembler ce qu'il y a de
meilleur en matière de film et mettre en Compétition le désolant
Un Château en Italie ? N'oublions pas qu'un film en
Compétition est une œuvre qui a les qualités potentielles pour
obtenir la Palme d'or, à savoir inventivité, émotion et richesse
artistique. Sincèrement, les organisateurs du festival ont-ils pensé
une seule seconde que Un Château en Italie pouvait remporter
la plus belle des récompenses quand ce film ne prétendrait même
pas à un César ? L'explication la plus probable serait que
Valeria Bruni Tedeschi était la caution féminine d'une sélection
exclusivement masculine (rappelons que l'absence de réalisatrice
dans la Compétition du Festival de Cannes 2012 avait suscité de
vives critiques). Mais franchement, il y avait mieux que Valeria
Bruni Tedeschi pour représenter la gente féminine ! Sofia
Coppola avec The Bling Ring et Rebecca Zlotowski avec Grand
Central avaient de meilleurs arguments que Valeria Bruni
Tedeschi.
Nathan (Louis Garrel) et Louise (Valeria Bruni Tedeschi) |
Surpris de cette
sélection à Cannes, doutant du talent de Bruni Tedeschi, nous avons
tenté d'aller voir le film vierges de tout a priori. Mais
l'instinct de cinéphile sait quand un mauvais film se profile à
l'horizon. Et pour Un Château en Italie, les voyants étaient
au rouge. Avec ce film, Valeria Bruni Tedeschi conclue la trilogie
autobiographique entamée en 2002 avec Il est plus facile pour un
chameau... et poursuivit avec Actrices en 2007. Un
Château en Italie narre les pérégrinations de Louise à un
moment crucial de sa vie. Sa famille ne peut plus gérer le château
familial italien, son frère est atteint du SIDA, elle éprouve le
besoin d'élever un enfant alors que son amant de passage ne pense
qu'à s'amuser. Valeria Bruni Tedeschi reprend de nombreux éléments
de sa vie. Son frère est réellement mort du SIDA et elle a
réellement entretenu une relation avec Louis Garrel, interprète de
l'amant de Louise dans le film. Nous ne cherchons pas à dénigrer le
film autobiographique. Les 400 coups de François Truffaut et
Armacord de Federico Fellini sont de grands films parce que le
moi du cinéaste se conjugue au pluriel des spectateurs. La poésie
et la puissance émotive de ces œuvres permettent de les faire
dialoguer avec le plus grand nombre. Le problème principal d'Un
Château en Italie est le manque de considération envers le
spectateur. Valeria Bruni Tedeschi semble prendre beaucoup de plaisir
à filmer sa vie et finit par ne parler qu'à elle-même. Nous
traversons le film sans émotion sincère et vraie. La force de
l'autobiographie est que le discours personnel puisse être capable
de se répercuter en écho chez le plus grand nombre. Valeria Bruni
Tedeschi se défend de tout égoïsme en affirmant que ses problèmes
(souvenirs familiaux, perte d'un proche, désir de maternité,
relation complexe avec un homme plus jeune) peuvent être ceux de
n'importe quelle femme de la quarantaine. Donc, son film ne devrait
s'adresser qu'aux femmes qui ont la quarantaine ? Quand est-il
des autres ? Ils devront rester condamnés à ne pouvoir
pénétrer pleinement l'univers du film ? Nous ne réclamons pas
de l'autobiographie une identification sine qua non. Fort
heureusement, nous sommes tous différents, et notre vie ne peut se
calquer sur un seul modèle. De l'autobiographie, nous attendons une
expérience de vie, une émotion humaine susceptible de nous
transporter au fond de nous-mêmes, à la recherche de nos propres
souvenirs.
Ludovic (Filippo Timi) et Nathan (Louis Garrel) |
Valeria Bruni Tedeschi nous livre un patchwork de tranches de vie. Le film est émaillé de quelques beaux moments et de dialogues savoureux (faut-il y reconnaître la patte de Noémie Lvovsky, co-scénariste du film?). Mais voilà, la réalisatrice pense trop chaque séquence pour elle-même et, à l'échelle du film, cet ensemble ne fonctionne pas et donne davantage l'aspect du brouillon que de l'unicité. Rien ne raccorde et Bruni Tedeschi oublie que le cinéma n'est pas la vie, mais un concentré de vie. Comme pour excuser le geste autobiographique, Valeria Bruni Tedeschi se regarde avec dérision. Mais l'ennui est que dans cette forme d'humour distancié, la réalisatrice souhaite également nous faire pleurer sur sa situation. Cette contradiction aboutit à une absence totale d'empathie chez le spectateur. Truffaut et Fellini réussissaient à nous émouvoir car ils se regardaient avec émotion et nostalgie. Rire de soi n'est pas une mauvaise démarche. A condition qu'elle soit assumée jusqu'au bout.
Concernant la mise en
scène, passez votre chemin ! Valeria Bruni Tedeschi préfère
s'attacher à sa galerie de portrait et à ses dialogues plutôt qu'à
de réelles propositions novatrices de cinéma. Pour
l'interprétation, ce n'est pas fameux non plus. Valeria Bruni
Tedeschi s'entiche de personnage ennuyeux car trop prévisibles. Le
malade doit faire le malade, le jeune amant doit être fougueux et
immature, l'ancien ami oublié est forcément un alcoolique. Ces
personnages sont réduits à un simple type qui empêche toute
profondeur. La plus mauvaise interprétation revient quand même à
l'héroïne. Valeria Bruni Tedeschi ne propose aucune épaisseur de
jeu et demeure aussi éteinte qu'une chanson de Carla Bruni...
Peu de trésors à
retirer de ce Château en Italie. Valeria Bruni Tedeschi
propose un film confus, qui manque cruellement de caractère et
d'intensité. Aussitôt vu, aussitôt oublié. Serait-ce
possible alors que ce film ait pu réellement concourir à la
Palme d'or ?
Adrien V.
Ludovic (Filippo Timi) et la mère (Marisa Borini) |
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