samedi 23 août 2014

Sils Maria - Olivier Assayas



Ecrit et réalisé par Olivier Assayas
Festival de Cannes 2014 - Compétition Officielle 
Avec : Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloé Grace Moretz...
2h03
Sortie : 20 août 2014

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Brume à pic


L'actrice. Un fort sujet cinématographique qui obsède nombre de cinéastes aujourd'hui, Ari Folman étant le dernier nous ayant marqué il y a de cela tout juste un an avec le Congrès (2013) qui offrait à Robin Wright un rôle en or pour sa carrière déjà remarquable. Femme du même âge, Juliette Binoche reçoit un hommage similaire devant la caméra d'Olivier Assayas, ayant déjà exploité la psychologie du jeu de Maggie Cheung dans le médiocre Irma Vep (1996).

Un metteur en scène célébre de cinéma et de théâtre vient de rendre l'âme. Maria Enders (Juliette Binoche) et son assistante Valentine (Kristen Stewart) l'apprennent à bord d'un train avant la présentation d'une avant première de son dernier film. Maria, alors ravagée et effrayée par cette immense perte, se voit proposer un rôle d'une pièce qu'elle jouait à l'âge de vingt ans. Elle doit cette fois se fondre dans la peau du personnage aîné, son rôle de l'époque étant attribué à une jeune star hollywoodienne dissidente et montante (Chloé Grace Moretz). Une fois le pitch exposé dans une première partie, Assayas nous emmène en Suisse à Sils Maria, image de lieu utopique et reculé du monde propice à l'apprentissage du nouveau rôle de Maria. Sorte de faux huis clôt dans les paysages alpins, le film repose platement sur des dialogues à l'écriture fine mais rendue quasi écœurante au bout d'une longue heure stagnante. L'interprétation correcte des deux actrices ne rattrape que faiblement notre intérêt décroissant pour ce qui se joue sous nos yeux : Maria vieillit, de la tristesse se lit sur ses yeux lorsqu'ils se portent sur son assistante. Jalousie, remords, empathie ? Une pluralité de sentiments toujours ambiguë, mais rendue peu passionnante par la mise en scène faible et peu inspirée du cinéaste. Le passage du temps est ainsi rendu palpable par des fondus au noirs récurrents, des coupes imprévisibles et une mélodie classique reprise sans grande signification cohérente. 

Maria Enders (Juliette Binoche) et Valentine (Kristen Stewart)

Le but peut ainsi paraître atteint : grand film nostalgique, excessivement bavard pour ses 120 minutes, confrontant actrice de qualité française à stars hollywoodiennes à l'esprit tout sauf naïf, plus mûr que leur âge. Des idées, une esquisse d'un nouveau Opening Night (Cassavetes, dont les influences s'affichent clairement) mais finalement rien de plus qu'un film d'auteur banal manquant de puissance dans l'utilisation de ces décors et de son discours brumeux, pouvant au mieux en résulter une interprétation personnelle au lever du rideau. Ce serpent de brume qui hante Sils Maria n'est utilisé qu'à des fins métaphoriques déjà vues et non surprenantes. Assayas ne s'attache qu'à transmettre ce regard en arrière de Maria, sa peur du futur comme son agacement refoulé pour la nouvelle génération. Se manifestant par cette présence cannibalisante d'internet, des téléphones portables et des iPad, le visage perdu de Maria demeure sans grande émotion. L'arrivée bien tardive de Jo-Ann Ellis (à croire qu'Assayas n'a pu faire tourner Grace Moretz autant qu'il le souhaitait) redonne l'illusion de la poursuite du film vers d'autres thématiques insoupçonnées. Choisissant de clore sa belle histoire prometteuse par une ellipse grossière et ridicule, l' "épilogue" de Sils Maria apparaît finalement comme le début d'un autre film à plus grand potentiel que nous aurions souhaité. La disparition de Valentine, à la fois inexplicable, mystérieuse mais évidente, est à cet instant l'un des plus beaux moments du film. Assayas fait ainsi surgir de façon stupéfiante l'aveuglement et la mélancolie de Maria, jamais aussi bien explicitée et découverte au grand air.

Montrer les coulisses ternes et fades du septième art est une idée naissante de grands films modernes. Aller chercher le beau dans le laid, la passion dans le quotidien répétitif du milieu sont les objectifs de Sils Maria. Il lui manque une certaine légèreté et élégance, moins austère que cette mise en scène sans couleurs variantes, calquée sur un scénario voguant à l'ennui dans plusieurs séquences pourtant bien écrites. Venant d'un aussi grand cinéaste confirmé, les questions dans lesquelles nous laissent Sils Maria sont d'autant plus décevantes, alors qu'elles devraient susciter une vision complexe de cette oeuvre simple, donnant des nouvelles du monde du spectacle par un chemin voulu subtil peinant à émouvoir suffisamment. 

Jeremy S.

Jo-Ann Ellis (Chloé Grace Moretz)

jeudi 21 août 2014

Les Combattants - Thomas Cailley



Réalisé par Thomas Cailley
Écrit par Thomas Cailley et Claude Le Pape
Festival de Cannes 2014 - Quinzaine des réalisateurs
Avec : Adèle Haenel, Kévin Azaïs, William Lebghil...
1h38
Sortie : 20 août 2014

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Survival Club


La comédie française, actuellement en lente phase de régression, continue néanmoins de voir l’émergence de nouveaux cinéastes proposant une nouvelle donne, combinant originalité et humour grand public (à l’image de Noémie Llovsky, Bruno Podalydès, Valérie Donzelli...). 
Loin d’être culte instantané ou film phare du genre, Les Combattants mérite néanmoins le détour pour sa mixité thématique aussi bien que pour son aspect fin, léger, au mieux poétique qu’il n’est pas coutume de découvrir régulièrement sur nos écrans. Sur fond d’un univers militaire peu connu et montré au cinéma, Thomas Cailley met en scène une touchante histoire de relation entre deux jeunes adultes ambiguë et contradictoire, jamais ridicule mais rendue subtilement drôle (d’un humour grinçant) et renversante. De l’amour, certes, mais entre suggestion et absence. Deux êtres aux pôles opposés se rencontrent lors d’un stage pour intégrer l’armée : Elle est aussi musclée que Laure Manaudou et a un comportement éminemment viril. Il est un vieil adolescent calme et serein manquant de résistance et de confiance en soi.

En affrontement pendant les deux tiers du film, Arnaud et Madeleine vont faussement se détester, fuir chacun de leur côté tout en maintenant une attirance réciproque quasi invisible. De l’entraide, de la compassion naissent dans l’apparent cœur de pierre de Madeleine, jusqu’à se retrouver honnêtes et non refoulés. Dans un troisième acte sidérant de justesse et de beauté, Thomas Cailley donne à ses interprètes un caractère primitif dans un milieu forestier réaliste glissant vers une irréalité rêveuse et cauchemardesque. La pluie de cendre de l’incendie tombe comme des fleurs fanées, engloutit peu à peu Arnaud et Madeleine dans une atmosphère de fin du monde proprement glaçante.

Si la dernière partie des Combattants reste de loin la meilleure et la plus surprenante, on pourra tergiverser sur les deux précédentes : usant de dialogues drôles et intéressants, une perte de régime peut se faire ressentir malgré l’excellent jeu des comédiens. Nous n’avons pas affaire ici à une belle perle d’écriture, mais certainement à un beau jeu de comportements, de regards, de situations absurdes et rocambolesques (scènes de la sardine, des poussins ou des fausses grenades) venant troubler les fondations présumées de cette comédie révélant progressivement ses surprises et sorties de sentier. Porté par une Adèle Haenel au sommet de son talent et un jeune Kévin Azaïs bien prometteur, Les Combattants à tout de l’étoffe non formaté du renouveau de la comédie française. Aux dépends de quelques ralentissements narratifs, le film revêt finalement ses atouts pour secouer, inquiéter et tirer le sourire comme les rires à un public non particulièrement visé, grâce à une portée universelle saisissante. Il ne faudrait pas s’en priver en ces vacances estivales peu riches en comédies de qualité.
Jeremy S. 

Madeleine (Adèle Haenel) et Arnaud (Kévin Azaïs)



vendredi 8 août 2014

Winter Sleep - Nuri Bilge Ceylan



Écrit et réalisé par Nuri Bilge Ceylan
Palme d'or - Festival de Cannes 2014
Avec : Haluk Bilginer, Melisa Sözen...
3h16
Sortie : 6 août 2014

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Scènes de la vie hivernale


2014. Les cent ans du cinéma turc. La palme d’or cannoise revient à Nuri Bilge Ceylan, déjà maintes fois récompensé par de grands prix dans ce même grand festival. Ne nous voilons pas la face : Winter Sleep était cette année là le grand film fleuve favori en compétition. Cela devrait-il pour autant nous inciter à bouder devant cette œuvre volontairement grandiose et magnifiante, ennuyeuse à mourir pour certains et fascinante à bien des égards pour d’autres ?

Adapté de plusieurs nouvelles d’Anton Tchekhov, Winter Sleep prend pour point de départ une altercation des plus anodines dans les plaines anatoliennes : un enfant, à l’aide d’un simple caillou, brise la vitre de la voiture d’un riche maître d’hôtel. Cette agression entraine par la suite un affrontement bien prévisible des classes sociales (vieux riches et jeunes pauvres, dans une ambiance n’étant pas sans rappeler les temps Moyen Âgeux), mais aussi celui du couple d’Aydin et Nihal, en bonne posture pour se retrouver face à leurs démons intérieurs, révélés au grand jour. Ceylan met en scène plusieurs scénettes bavardes mais lourdes de sens, évitant habilement tout manichéisme dans ses propos par des diaolgues réflexifs et d’une philosophie sans complexe, à l’encontre de tout didactisme pompeux. La lenteur de l’action se corrobore au passage du temps à travers les saisons. Comme dans Les Climats (2006), le cinéaste met en relation l’humeur de ses personnages avec l’atmosphère extérieure environnante. La communion avec la nature anatolienne est représentée ici de façon la plus naturelle qui soit, à travers les vitres de l’hôtel, les yeux d’Aydin, les chevaux peinant à franchir des cours d’eau. Film paisible mais non silencieux, cette dernière caractéristique pointe clairement la démarcation du reste de la filmographie de Ceylan. Faisant plusieurs fois échos à Scènes de la vie conjugales d’Ingmar Bergman (1973), le cinéaste turc filme ses dialogues par de puissants cadrages recentrant l’humain dans son monde intérieur, lui apparaissant finalement hostile et peu accueillant.

Aydin (Haluk Bilginer)

Cette longue dispute d’une trentaine de minutes entre Aydin et Nihal - dans un clair obscur évoquant les plus grandes peintures du courant - traduit à elle seule la maîtrise totale du cinéaste sur sa grande histoire intimiste à raconter. Chaque scène de tirades du couple ne paraît tenir que sur un équilibre prêt à flancher, à déchirer les âmes errantes de ses personnages. Sans cette mise en scène proche de la perfection pure, nous tomberions immédiatement dans du théâtre filmé sans grand intérêt. La culpabilité refoulée, le matchisme, la compassion pour autrui honnête mais incomprise sont autant de thèmes passés dans le scénario de Ceylan les traitant subtilement en profondeur. L’ambition de chef d’œuvre qu’est le film en démontre discrètement sa faiblesse. Par le rallongement de ces intenses moments, il n’est pas exclut que son public perde le fil d’Ariane pourtant bien facile à suivre dans ses origines, créant un solide lien entre nous et les personnages, dans une empathie parfois peu évidente mais minutieusement mise en place.

Difficile donc de trouver des défauts à cette magnifique fresque, sans oublier que le cinéaste a toujours fait figure de bon élève intouchable. Mais l’art n’est pas sans prétention, et il est préférable de voir ce Winter Sleep nous faire voyager par passion et parfois ennui, qu’une Vie d’Adèle à la mise en scène faiblarde et au parcours banal tout sauf extraordinaire, un cinéma plus nombriliste qu’il n’y paraît. La neige anatolienne est tout sauf une neige froide, tout comme le feu crépitant d’une bougie dans ces espaces clôts ne dégage pas plus de chaleur. Avec son esthétique oscillant entre ancien modernisme et nouveau classicisme, Winter Sleep immerge son public étranger dans un monde inconnu, lui paraissant mille fois plus familier à la sortie du tunnel des trois heures. Grand, beau, et turc. Un cinéma tout puissant non sans préjugés ni faiblesses méritant amplement sa récompense tant attendue, qu’il aurait aisément pu recevoir pour Uzak (2002) ou Il était une fois en Anatolie (2011), films plus radicaux et moins calibrés palme.

Jeremy S.

Plaines anatoliennes

dimanche 3 août 2014

Boyhood - Richard Linklater



Écrit et réalisé par Richard Linklater
Avec : Ellar Coltrane, Patricia Arquette, Ethan Hawke...
Berlinale 2014 - Ours d'argent du meilleur réalisateur
2h44
Sortie : 30 juillet 2014

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Remember Him


Représenter le temps au cinéma n’est plus une idée novatrice aujourd’hui. Filmer un même acteur sur plus d’une décennie, la saga Harry Potter en a habilement montrée le charme et la faisabilité. Le tournage et l’idée originel d’un « film fleuve » comme Boyhood, si elles paraissaient originales et prometteuses d’une expérience inoubliable, ne sont pourtant, dans un sens bien particulier, que peu à la hauteur de nos attentes. Le chef d’œuvre annoncé est finalement sur l’écran quelque chose de simple, à l’opposé de toute prétention, ne se prenant pas pour une pièce maîtresse de la filmographie de Linklater. Avons nous affaire pour autant à un petit film raté ? Nous en sommes loin, tant la modestie de Boyhood fait parfois surgir l’incroyable, le magique que nous n’avons pas l’habitude de venir chercher dans le cinéma indépendant américain de 2014.

La trilogie des Before du cinéaste (étalée sur près de vingt ans) traduisait déjà ses folles ambitions avec une ampleur bouleversante : le passage du temps dans la vie d’un couple en devenir, montrant par de grands dialogues le questionnement existentiel – et la douleur de l’attente d’un futur imprévisible – de Céline (Julie Delpy) et Jesse (Ethan Hawke). Le premier aspect frappant de Boyhood se situerait donc déjà dans cette négligence volontaire des partis pris formels : les sublimes cadrages et champ/contre champ de Before Midnight (2013) laissent ici place à une mise en scène plus brute, hésitante, perdue dans un montage véloce en apparence bordélique mais d’une parfaite cohérence.

Olivia (Patricia Arquette) et Mason (Ellar Coltrane)

Boyhood est bien plus qu’une grande course la montre cherchant à exposer douze ans de la vie de Mason (Ellar Coltrane), le tout en moins de 2h45. La sensation étrange que nous ressentons, c’est celle d’assister à un documentaire en cours de tournage, film aux genres hybrides s’entrecroisant pour finir, au cours de la dernière demi heure, dans une atmosphère fusionnelle de teen movie, docu-fiction, réflexion d’une simplicité désarmante sur l’enfant cherchant une place dans son monde, avec angoisse, peur et curiosité.

Précisons par ailleurs que cette simplicité ne cherche au grand jamais son écho dans la « normalité », une volonté de réalisme bazinien à la neutralité bressonienne. Car Boyhood, outre sa prise de position et manquant parfois d’affirmation, crée de la surprise voire de l’incompréhension par son scénario enchaînant plusieurs vitesses supérieures dans la partie de l’enfance de Mason. L’ironie et la violence qui se dégagent du deuxième mari d’Olivia (Patricia Arquette) ne verse pas dans le sentimentalisme insupportable présumé. Cette fameuse scène de repas familial nous inquiète, nous révolte. Pas seulement pour notre empathie envers Mason, mais pour l’avenir de ces personnages que nous essayons en vain de prédire avec plusieurs coups d’avance lors d’une partie d’échecs. C’est naturellement que la vie de Mason se déroule sous nos yeux, et ce n’est que rarement que nous pensons au moment présent, à l’instant « t » de la vie du jeune garçon.

Le regard que porte Boyhood diffère en cela du cinéma classique d’aujourd’hui, essentiellement par sa matière brute sortie tout droit – outre la qualité de l’image – d’une pellicule super 8 comme un film de vacances sans discours, sans vision d’auteur propre, d’une évidence rebutante mais toujours passionnante, immisçant discrètement des souvenirs imaginaires tout au long du film : le corps élancé d’Olivia, la voiture du père de Mason (Ethan Hawke), les cheveux longs de ce dernier. Si le temps diégétique parvient si bien à se substituer au temps réel, notre rapport et nos jugements sur cette tranche de vie évoluent en permanence vers la recherche de notre identification à ces multiples personnages fictifs. On pourrait presque y relever un petit défaut : trop de personnages pour tous les goûts, en vue d’une ouverture à un public plus large que celui des Before. Mais qu’importe si ce Boyhood affiche moins de radicalité et de dialogues intellos à la Eric Rohmer qui avaient pu infliger un ennui sans nom à certains spectateurs. Il est une exploration minutieuse de l’enfance, de l’adolescence, d’un jeune garçon que nous ne connaissons pas, et ne connaîtrons sans doute jamais. Et qui pourtant nous semble si familier, recelant de secrets inavouables, dans ces derniers plans respirant la nostalgie d’une époque, d’une jeunesse, et surtout de notre attente avant de s’engouffrer dans la salle de cinéma. Non pour y voir un banal film de 2h45 sur l’enfance, mais bien douze années d’une vie ne pouvant que d’une façon ou d’une autre nous évoquer la notre, si lointaine, si proche, passée, présente ou future. 

Jeremy S.


Mason (Ellar Coltrane) et Mason Sr (Ethan Hawke)


vendredi 1 août 2014

La Planète des singes : l'affrontement - Matt Reeves



Réalisé par Matt Reeves
Écrit par Rick Jaffa, Amanda Silver, Mark Bomback
Avec : Andy Serkis, Jason Clarke, Keri Russel, Gary Oldman...
2h11
Sortie : 30 juillet 2014

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Guerre : les origines 


Les yeux de César. Premier et ultime plan de cette suite du préquel débuté par la Planète des singes : les origines de Rupert Wyatt en 2011. Un visage ravageur, colérique, exprimant à lui seul la noirceur de ce nouvel épisode.

Les trois quarts de la planète Terre ne comportent plus d’humains. Un groupe de résistants de San Francisco tente de communiquer avec l’espèce en majorité : des singes vivant comme des hommes à la préhistoire. Ils doivent rétablir le courant électrique au sommet d’un barrage pour toute la ville. « L’affrontement » du titre ne se révèle pas sans surprises : nous assistons en effet plutôt à des discussions diplomatiques entre les deux espèces. Les scénaristes donnant la parole aux singes par le langage des signes, la traduction de cette intelligence en sérieuse progression parvient à effrayer, déranger, créant ainsi des séquences partagées entre un humour noir grandissant (cf les attaques de Koba) et un sérieux à la limite du pompeux. Un manichéisme quelque peu agaçant à l’intérieur des deux clans est rapidement dévoilé, sans pour autant prédire la tournure des évènements futurs.

Matt Reeves (connu essentiellement pour le médiocre mais intéressant Cloverfield) a cependant le mérite d’explorer plus en détails que le précédent opus les relations internes et externes d’une minorité humaine, face aux résultats de leurs expériences abusives. Un portrait quasi similaire des singes et des hommes se dresse ainsi : des traitres, des gentils, des méchants, de la violence, de la provocation, empêchent la cohabitation semblant finalement dans une impasse et impossible à tout jamais.

Le film d’action et de guerre suggéré dans le long métrage survient ainsi après quatre vingt dix minutes délicieusement latentes, lors d’un climax prévisible sans pour autant représenter une guerre de destruction massive (beaucoup d’hommes se font emprisonner). À cela s’ajoute une 3D repoussante, assombrissant ironiquement la vie de l’espèce humaine qui l’est déjà bien assez. Côté casting, Jason Clarke et Keri Russel forment un beau duo « à la Jurassic Park » participant activement à la survie de César, voyant en lui le grand ancêtre sauveur de l’humanité. Le discours de La Planète des singes : l’affrontement ne cherche aucun détournement ni surenchère et exagération dans ses idées exprimées : si la nature se retourne contre nous, nous sommes, quoi qu’il advienne, à genoux et soumis à une intelligence non artificielle créée de nos propres mains. Il n’est pas anodin d’y discerner une brillante allégorie du racisme, d’un comportement humain défaillant et égocentrique non présent dans la communauté de César. Eux sont, selon lui, une seule et même famille. Voir cela dans un blockbuster d’aujourd’hui (même s’il présente quelques imperfections) relève d’un petit exploit. La guerre est déclarée, pour le meilleur et pour le pire. 

Jeremy S.


Koba (Toby Kebell) et César (Andy Serkis)