lundi 27 mai 2013

66ème Festival de Cannes (2013) - Le Palmarès




Palme d'or : La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche [France]

Sans surprise, La Vie d'Adèle ayant été qualifié de chef d'oeuvre par absolument toute la presse devait remporter la récompense suprême. Le réalisateur de L'esquive (2005) et de La Graine et le mulet (2007) livre ici une adaptation de Bd (Le Bleu est une couleur chaude) de plus de trois heures avec deux actrices époustouflantes (Léa Seydoux et la nouvelle Adèle Exarchopoulos). A découvrir en salle le 9 octobre 2013. 

Grand Prix : Inside Llewys Davis de Joel et Ethan Coen [Etats-Unis]

Le film des Coen était lui aussi attendu au palmarès, mais non pour un aussi grand prix. C'est donc avec plaisir que nous voyons le Jury récompenser ces deux génies, déjà palmés en 1991 pour Barton Fink. Inside Llewyn Davis raconte une semaine de la vie d'un chanteur folk des années 60 dans la ville de New York. En salle le 6 novembre 2013. 

Prix du Jury : Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-eda [Japon]

Cinéaste japonais connu en France pour les très remarqués Still Walking (2008) ou I Wish (2012), Kore-eda se démarque par son classicisme, sa mise en scène simple, douce, non agressive et passionnante. Les thèmes abordés par le cinéaste (l'enfance, la famille) ont eux aussi put facilement conquérir le jury, en particulier Steven Spielberg. 

Prix de la mise en scène : Héli d'Amat Escalante [Mexique]

Clairement la tâche du palmarès. Haï par une bonne partie de la presse, le film ultra violent du jeune mexicain disciple de Carlos Reygadas (lui même lauréat du prix de la mise en scène l'an dernier avec l'épouvantable Post Tenebras Lux) a semble-t-il convaincu et choqué suffisamment le jury pour lui remettre un prix de cet envergure.

Prix du scénario : A Touch of Sin de Jia Zhangke [Chine]

Attendu au palmarès, prix amplement mérité pour un des plus grand (ou le plus grand) cinéastes chinois en activité. Lion d'or à Venise en 2006 pour Still Life, Jia Zhangke est à la fois cinéaste de fiction et documentaire, combinant parfois les deux polarités et expérimentant sur de nombreux terrains. Un artiste à part entière pouvant facilement prétendre à une palme dans les années à venir. 

Prix d'interprétation féminine : Bérénice Béjo dans Le Passé d'Asghar Farhadi [France]

La grande surprise de ce palmarès. Alors que le nom de Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos résonnait à tous les murs du palais des festivals, Bérénice Bejo n'avait pour ainsi dire quasiment jamais été pressentie pour le prix. Le Passé est un film régnant essentiellement par son interprétation et sa direction d'acteurs, exceptionnelle pour un iranien tournant à l'étranger.  

Prix d'interprétation masculine : Bruce Dern dans Nebraska d'Alexander Payne [Etats-Unis]

Le premier prix décerné et également l'un des plus surprenant. Bruce Dern (père de Laura Dern) est certes un immense acteur américain, mais mérite-il pour autant ce prestige pour un road movie aux allures assez classiques d'Alexander Payne, petit cinéaste américain populaire ? Nous le saurons en janvier 2014. 

Caméra d'or : Ilo ilo d'Anthony Chen [Singapour]

Palme d'or du court métrage : Safe de Moon Byoung-gon [Corée]


Les oubliés 

- The Immigrant de James Gray : Cinquième film, quatrième passage sur la croisette, toujours aucune récompense. Cinéaste mal accueilli aux Etats Unis mais très chaleureusement en France, il a réalisé trois grand chef d'oeuvres destinés à entrer dans l'histoire du film noir : The Yards (2000), La Nuit nous appartient (2007), Two Lovers (2008). Cette fois-ci n'était encore une fois pas la bonne, mais nous persistons à croire que le plus grand festival au monde ne peux passer à côté de ce pauvre génie. 

- La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino : Des rumeurs énoncent que Paolo Sorrentino n'obtiendra jamais de palme. Prix du Jury en 2009 pour Il Divo, ses deux derniers films (This Must Be The Place et La Grande Bellezza) n'auront finalement pas marqués les esprits cannois. Grand cinéaste italien sous estimé, La Grande Bellezza, sorte de Dolce Vita du XXIème siècle a divisé presse et public. Pourquoi bouder devant un tel artiste, s'extériorisant en public et mettant en scène des personnages plus riches que nature ? A découvrir en salle en ce moment même. 

- Ma vie avec Liberace de Steven Soderbergh : Annoncé comme le dernier film de Soderbergh et ayant fait pas mal de bruit pour un double prix d'interprétation Matt Damon/Michael Douglas, la deception est grande. A découvrir en salle le 18 septembre. 



samedi 25 mai 2013

La Grande Bellezza - Paolo Sorrentino



Réalisé par Paolo Sorrentino
Ecrit par Paolo Sorrentino et Umberto Contarello
Avec : Toni Servillo, Carlo Verdone, Sabrina Ferilli...
Festival de Cannes 2013 - Compétition officielle
2h22
Sortie : 22 mai 2013

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La douleur de vivre


Paolo Sorrentino, habitué de la Croisette, revient cette année pour une quatrième visite et un cinquième long métrage, toujours avec son acteur fétiche et alter ego Toni Servillo (vu il n’y a pas si longtemps dans La Belle Endormie de Marco Bellochio). La projection Cannoise a partagé presse et public, certains y voyant un Huit et Demi du XXIème siècle, d’autres un infâme film publicitaire misogyne n’ayant pas sa place dans la compétition.

Ces deux visions de La Grande Bellezza sont pourtant chacune présente dans la mise en scène et le discours de Paolo Sorrentino. Quand Federico Fellini présentait à Cannes il y a plus de cinquante ans La Dolce Vita (1960), l’accueil était davantage positif essentiellement parce que beaucoup y voyaient un nouveau souffle, une entrée dans un cinéma moderne regorgeant d’idées novatrices dominantes sur le cinéma classique de la même époque. Le problème de Paolo Sorrentino est à l’évidence de venir après les grands maîtres italiens ayant fait l’unanimité avec leur approche se démarquant du reste de la production Italienne. De nos jours en France, il ne semble rester plus que Nanni Morretti ou Matteo Garrone comme grand cinéaste italien. Sorrentino, pourtant récompensé du prix du jury avec Il Divo en 2010, apparaît comme un cinéaste cancre pompeux et insupportable (cf This Must Be The Place, précédent film mal accueilli).

Revenons à La Grande Bellezza, film peut être le plus ambiguë de son auteur jusqu’à présent. Oublions un instant l’image de Sorrentino en France. La Grande Bellezza qui pourrait apparaître comme une œuvre maniériste ininventive au possible est en réalité tout l’opposé de l’échec tant attendu. Jep Gambardella, journaliste et écrivain à succès (comme le personnage de Marcello Mastroianni dans La Dolce Vita et Huit et Demi de Fellini), ayant écrit un roman dans sa jeunesse, traverse une grande période de dépression, dans la ville de Rome, au milieu de ses habitants et de ses personnalités les plus étranges. Jep est l’inverse d’un misanthrope, c’est un sexagénaire faisant des nuits blanches en parcourant Rome toutes les nuits, tout en se posant de grandes questions existentielles. 
Là où La Grande Bellezza diffère de La Dolce Vita, c’est bien dans sa représentation de l’Italie, au delà du désœuvrement dans une bêtise des plus folles. Si l’on doit établir une comparaison avec Fellini (et encore, cela est loin d’être nécessaire pour apprécier le film), c’est avec Roma (1972) que nous pouvons discerner le plus grand écho dans La Grande Bellezza. Sorrentino présente une Italie déchirée, désorienté, allant droit dans le mur. Mais aussi une Italie belle, par son architecture ou sa peinture, avec certains sites filmés à la Terrence Malick (de rapides travellings avant sous un soleil éblouissant).

Jep Gambardella (Toni Servillo)

L’aspect publicitaire critiqué du film trouve ainsi tout son sens : Sorrentino, par ce procédé, crée un onirisme d’une rare intensité nous faisant douter du sérieux de certaines scènes, tombant dans le grostesque absolu. On se souviendra, parmi les plus mémorables, celle de la fille nue se projetant la tête dans un mur ou encore l’arrivée d’une colonie de cygnes sur le balcon d’un palais. Grotesque est aussi l’approche de Sorrentino de l’Italie contemporaine. A la conférence de presse Cannoise, une journaliste a clairement énoncé le fait que La Grande Bellezza n’avait pas été apprécié dans son pays d’origine, les italiens n’y voyant qu’un portrait misogyne de leur société plutôt qu’une immense démarche artistique héritée des grands maîtres. Car le plus beau dans l’œuvre de Sorrentino est cette mise en scène chargée d’inspirations Fellinienne, en aucun cas maniériste envers Federico Fellini. L’apparition de La Sainte mangeant des racines, scène extrêmement provocatrice envers la religion, nous rappelle à l’évidence l’apparition de La Madone dans La Dolce Vita, scène qui avait entrainé de nombreuses plaintes de l’Eglise Italienne.

Le passé. La nostalgie de Jep Gambardella n’en finit pas d’étonner et sublime véritablement ce long récit éclaté. Jep repense aux femmes, en particulier au premier amour, ou à son dépucelage. La femme est elle aussi une figure importante de ce naufrage, et en aucun cas Sorrentino ne cherche à la mépriser, bien au contraire. Lorsque Ramona demande à Jep si il veut voir ses photos de facebook où elle pose nue, c’est le réseau social que critique Sorrentino, et expose ainsi Ramona  comme une victime. 
La femme est le souvenir, comme en témoigne ce premier amour. Le sexe ne résout également pas tout problème, et à un certain point devient lui aussi ennuyeux et déprimant (Jep Gambardella, après avoir couché avec plus d’une centaine de femmes ne ressent plus rien, et ne se souvient plus que de sa première fois). La première fois est la beauté même de notre vie entière, c’est d’ailleurs sur ce moment que Sorrentino choisit de clore La Grande Bellezza. Vision certes pessimiste d’une Italie en décadence, mais vision grandement artistique, similaire à celle d’Harmony Korine sur la jeunesse américaine dans Spring Breakers. La douleur de vivre dans la plus grande beauté, n’est-ce pas là magnifique paradoxe ? La Grande Bellezza, voyage au bout de la nuit inoubliable, est déjà dans la cour des grands. 

Jeremy S.


Ramona (Sabrina Ferrilli) et Jep (Toni Servillo)

Ramona (Sabrina Ferrilli) et Jep (Toni Servillo)


vendredi 24 mai 2013

Only God Forgives - Nicolas Winding Refn



Écrit et réalisé par Nicolas Winding Refn
Avec : Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm, ...
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
1h30
Sortie : 22 mai 2013

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À double tranchant



Alors que le sensationnel Drive avait reçu un accueil unanime de la part de la critique au Festival de Cannes 2011, repartant même avec un Prix de la mise en scène, Only God Forgives, nouveau film du danois Nicolas Winding Refn divise profondément. Alors que certains parlent d'un film supérieur à Drive, d'autres crient à l’arnaque superficielle. La faute à une attente trop ardente ou à un film plus complexe que Drive ? Un peu des deux probablement. Ce qui est sûr, c'est que Only God Forgives ne s'impose pas aussi facilement que Drive et c'est tant mieux. Cela nous montre que Nicolas Winding Refn ne s'est pas reposé sur ses lauriers et qu'il en a encore dans la besace. Difficile de catégoriser le film comme un chef-d’œuvre ou un nanar. Mais finalement, ce sont les films qui font débat qui demeurent les plus intéressants (regardez La Grande Bouffe ou Sous le Soleil de Satan). Loin de comparer Only God Forgives à ces illustres exemples, le film possède ce je-ne-sais-quoi qui vous retourne le cerveau et bouleverse votre jugement. Rien n'est résolu au sortir du film et c'est cela qui nous embête. Nicolas Winding Refn prend le paris osé de nous présenter un film qui ne s'offre pas totalement à la première vision. Objet de méditation, de reconsidération constante, le film ne vous lâche pas. 

Ce qui peut rebuter de prime abord, c'est cette mise en scène aussi massive qu'une enclume. Nicolas Winding Refn ne redoute pas les effets de style en martelant son film à coup de travellings pesants, de cadrages archi-structurés et d'éclairages en veux-tu en voilà. Même si le réalisateur assume cette mise en scène ultra-visible, elle n'est pas toujours efficace. Le film manque clairement de souffle et de respiration, ce qui en rend la vision pénible. Certains rétorqueront que c'est justement ce que recherche Nicolas Winding Refn. Mais n'est-ce pas une facilité ? Nicolas Winding Refn force les traits au crayon gras, craint de ne pas se faire comprendre, au lieu de faire confiance à l'appareil cinématographique. Le réalisateur cherche clairement la distanciation. Alors qu'il nous mettait en empathie absolue avec le conducteur de Drive, Nicolas Winding Refn refuse toute identification (comment pourrait-on se projeter dans cet univers suffocant aussi lointain que Bangkok?). Julian n'est pas le super-héros qu'on attendait. Enchaînant les échecs, il subit au lieu d'agir. Quel est alors l’intérêt d'un film qui, apparemment, ne veut pas de nous, spectateurs ? Nicolas Winding Refn ne limite pas son film à sa vision plastique. En réduisant son scénario à deux lignes de texte, Nicolas Winding Refn ne cherche pas à nous raconter une histoire en bonne et due forme. C'est ainsi que le film atteint une dimension mythologique. Nicolas Winding Refn affirme que la base du film était l'idée d'un personnage se battant contre Dieu. Dieu, ce pourrait être Crystal ou Chang (justement surnommé « l'Ange de la Vengeance). Nous assistons alors à un combat de Titans où les raisons de la violence nous dépassent. A ce titre, les décors sont savamment étudiés. Sur fond de tapisseries rouges ornées de dragons asiatiques, dans une chambre d'hôtel de luxe ou dans un ring de boxe, tout concoure à l'idée de grandeur. Les personnages évoluent dans un Olympe moderne.


Julian (Ryan Gosling)

 Chang (Vithaya Pansringarm)
 
Dans cet univers allégorique et grandiose, l'aventure se fait intérieure. Les personnages extériorisent très peu, à l'image d'un Ryan Gosling aussi expressif qu'une huître ou de la glaçante (et étonnante) Kristin Scott Thomas. Dans un décors labyrinthique, Nicolas Winding Refn nous plonge dans un espace mental plus que figuratif. Le montage, plus émotionnel que narratif, raccorde des scènes de natures différentes. Mais cette sclérose psychologique manque toujours d'un échappatoire et il n'est pas rare de sentir l'ennui pointer.

Film qui n'a pas fini de faire parler de lui, Only God Forgives est un objet étrange. Même s'il souffre de plusieurs défauts, le film recèle d'une richesse que le temps ne cessera d'exploiter. Only God Forgives devient même plus intéressant qu'un bon petit film classique bien fait. Expérimentateur cinématographique, Nicolas Winding Refn s'engage sur une piste singulière pas encore aboutie mais que l'on suivra avec intérêt. 

Adrien V.

Crystal (Kristin Scott Thomas)


lundi 20 mai 2013

Le Passé - Asghar Farhadi



Ecrit et réalisé par Asghar Farhadi
Avec : Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa...
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Prix d'Interprétation Féminine - Bérénice Béjo
2h10
Sortie : 17 mai 2013

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Un iranien à Paris


De retour après l'impressionnant Une Séparation  (2010) présenté à la Berlinale et couronné de l'ours d'or il y a deux ans, Asghar Farhadi, cinéaste iranien le plus populaire de ces dernières années fait cette fois son entrée au festival de Cannes, en compétition officielle. Intégralement tourné en France, Le Passé est un grand conte familial grandiose et émouvant, portée par un magnifique trio d'acteurs possédant un jeu d'une finesse et d'une justesse sidérante. 

L'iranien Ahmad (Ali Mosaffa) revient sur le territoire français après plus de quatre ans d'absence, à la demande de sa femme (Bérénice Bejo) pour procéder aux formalités de divorce. Ahmad découvrira alors la nouvelle vie de Marie avec son nouveau conjoint Samir (Tahar Rahim), ainsi que la situation de sa fille (l'aînée), adolescente proche du passage à l'âge adulte. Comme Une Séparation, le premier sujet du film est une nouvelle fois le divorce. Prétexte bien entendu pour établir un bilan des quatre ans qui se sont passés après le départ de Ahmad pour l'Iran, ayant eu le mal du pays. Ce qui intéresse Farhadi, ce n'est ni le conflit entre les deux hommes, ni le rétablissement du couple Marie/Ahmad. C'est tout simplement le passé, qu'il réinjecte petit à petit dans le présent au fur et à mesure des deux heures de film, sans précipitation ni rebondissements chaque minute.

Marie (Bérénice Bejo) et Samir (Tahar Rahim)

Ce n'est pas pour autant que la mise en scène d'Asghar Farhadi prédomine sur le fond que la forme : comme chez les Dardenne, Farhadi filme au plus près des corps, parfois fugitivement, parfois plus longuement. Il oppose la personnalité et le moral d'Ahmad à celui de Bérénice Bejo. Comme le traduit la première scène muette, il y a une séparation : la vitre de l'aéroport. L'interpénétration des deux univers différents va néanmoins ne s'effectuer que dans un seul sens : celui d'Ahmad va contaminer celui de Marie. Homme intelligent et sage, Ahmad va tenter de résoudre de multiples conflits qui vont se créer (comme celui d'entre Lucie, sa fille, et Marie, sa femme). Contre toute attente, la dispute tant attendue entre Ahmad et Samir n'éclatera jamais. Nous découvrons la nouvelle famille, nous spectateurs, au côté d'Ahmad, que nous pourrions voir comme un alter ego du réalisateur.

Le rôle féminin principal, tenu par Bérénice Bejo confirme ici depuis The Artist son incroyable talent. Rappelons que le rôle avait été attribué au départ à Marion Cotillard, qui pour cause de chevauchement de projets n'a pu être présente sur le tournage. Dans les films d'Asghar Farhadi, les acteurs sont au centre de la mise en scène et poussent le film vers des directions parfois surprenantes. Rendre intéressant au cinéma ce qui ne l'est pas dans la vie quotidienne n'a jamais été une tâche facile. C'est pourtant ce à quoi parvient Farhadi. 

En plus d'être un drame familial émouvant, Le Passé peut aussi être vu comme un grand film à suspense, à l'intrigue retorse nous captivant dans les magistrales scènes de haute tension. Farhadi l'avait déjà prouvé dans Une Séparation : filmer une dispute conjugale, par conséquent en donnant davantage d'ampleur à son scénario, est une chose qu'il maitrise. Sur ce terrain, on pense avant tout à Maurice Pialat (dans Nous ne vieillirons pas ensemble, le conflit conjugal est le véritable moteur du film). Mais Farhadi fait autrement que Pialat, même si il souhaite, comme lui, transmettre du réalisme ou donner de la crédibilité à ses scènes les plus dures : ses acteurs sont certainement moins poussés à bout que ceux de Pialat.


Samir, Marie, et Ahmad (Ali Mosaffa)

On pense certes a d'autres cinéastes, mais Farhadi venant à Paris (comme Abbas Kiarostami au Japon l'an dernier avec Like Someone In Love) adapte son sujet propre avec ses acteurs. Des acteurs qu'il apprend à connaître. Ne cachons rien : filmer au Moyen Orient est comme filmer sur une autre planète, et c'est ce qui parfois donne des films tape à l'oeil plus en rapport avec le contexte socio-politique du pays dans lequel ils sont tournés que le cinéma lui même, où la démarche artistique peut cruellement manquer. Avec Le Passé, Farhadi prouve encore une fois que n'importe où, avec des acteurs radicalement différents d'un film à l'autre, il parvient à son but : Ni plus ni moins qu'un drame familial. Jamais tire larme, jamais surjoué, mesuré au milligramme près. Grand auteur, grand film. Grande récompense, naturellement, nous pouvons espérer. 

Jeremy S.


Lucie (Pauline Burlet) face à Ahmad (Ali Mosaffa)



samedi 18 mai 2013

Gatsby le Magnifique - Baz Luhrmann



Réalisé par Baz Luhrmann
Écrit par Baz Luhrmann et Craig Pearce
Avec : Leonardo DiCaprio, Tobey Maguire, Carey Mulligan, ...
Film d'ouverture, Hors Compétition - Festival de Cannes 2013
2h22
Sortie : 15 mai 2013

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Bling-bling


Quoi de mieux que le nouveau film de Baz Luhrmann pour ouvrir un festival de Cannes ? Strass et paillettes, luxe et stars sont de mises sur l'écran comme sur le tapis rouge. Cannes le magnifique... Gilles Jacob et Thierry Frémaux ont bien vendu l'ouverture du 66ème festival de Cannes. Mais dans les faits, quand est-il ? Gatsby le Magnifique est l'adaptation du roman éponyme de Francis Scott Fitzgerald, paru en 1925. Adaptation ? Pas si sûr. Réactualisation serait plus juste. Baz Luhrmann prend le parti audacieux de laisser l'intrigue aux années 20 tout en lui donnant une atmosphère résolument moderne. Rap et hip-hop, effets spéciaux et mouvements de caméra vertigineux sont au rendez-vous. Le pari est risqué mais fonctionne. Baz Luhrmann parvient à capter très justement l'atmosphère légère et décomplexée des années 20 où la bourse s'affolait et les mœurs s'affranchissaient. Frôlant parfois l'esthétique d'un clip de rap américain, Baz Luhrmann traduit pour nos yeux contemporains les excès d'une époque par un festival de sons et de lumières.

La principale réussite du film est le traitement de son image. Avec des images d'archives ambiguës, des effets spéciaux donnant une sensation d'étrangeté, Baz Luhrmann associe totalement le sujet de son film à sa représentation effective. L'image épouse le personnage de Gatsby. Outrancière et irréelle, elle s'attache à décrire Jay Gatsby : fascinant et faux comme un mythe. Dans une certaine mesure, Baz Luhrmann reprend Orson Welles. Dans l'esthétique wellesienne, l'image est volontairement artificielle pour mieux dénoncer le monde faux qu'elle représente. La représentation de Gatsby est factice pour mieux montrer la vacuité et la solitude du personnage. Comme si l'abondance pléthorique cachait les failles de Gatsby. Mais contrairement à Orson Welles, Baz Lurhman ne donne pas de dimension politique à son message. Son discours pictural s'arrête au film seul. Le film ne voit pas au-delà de lui-même comme Gatsby face à la lumière verte qu'il essaie d'atteindre.

Nick Carraway (Tobey Maguire) et Jay Gatsby (Leonardo Dicaprio)

Indéniablement, Baz Luhrmann a un vrai sens du spectacle cinématographique. Les fans du réalisateur y trouveront leur compte car Gatsby le Magnifique s'inscrit dans la lignée esthétique de Roméo + Juliette et Moulin Rouge. Le film propose un cinéma épidermique, surtout jouissif. Mais ses séduisantes apparences ne cachent pas la pauvreté de son fond. Le scénario avance sur des béquilles, maladroitement, sans trop savoir où il va. Le climax est bien mal amené. Narrativement parlant, nous n'en sortons pas repus. C'est finalement dans les scènes les plus intimistes que Baz Luhrmann réussit le mieux, à l'image de la drolatique et cocasse scène du thé entre Gatsby, Nick et Daisy. Si il semble parfois toucher quelque chose de juste, le film souffre d'un manque d'émotion sincère et de réelle empathie. Baz Luhrmann peine à donner une dimension humaine à ses personnages (ce qu'avait fait avec brio Clint Eastwood dans J. Edgar, pour reprendre un film récent de Leonardo DiCaprio).

Daisy Buchanan (Carey Mulligan) et Jay Gatsby (Leonardo Dicaprio)

Gatsby le Magnifique construit une esthétique plastique baroque cohérente. Si, visuellement, le film est à couper le souffle, il pâtit de dialectique et de profondeur. Ce n'est pas un raté mais ce n'est surtout pas un triomphe cinématographique. Succès public assuré, Gatsby le Magnifique passera comme un éclair dans le paysage cinématographique mondial : foudroyant mais éphémère. Un film à l'image du festival qu'il ouvre : bling-bling et prestigieux. 

Adrien V. 

Jay Gatsby (Leonardo Dicaprio)

vendredi 17 mai 2013

L'Esprit de 45 - Ken Loach



Réalisé par Ken Loach
Acteurs inconnus
1h34
Sortie : 8 mai 2013

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Passé composé


Après La Part des Anges (2012), Ken Loach signe un petit retour cette année - dans un tout autre registre - avec un pur documentaire sur son thème de prédilection : le parti gauchiste et travailliste d'Angleterre. Loach nous livre un condensé d'images d'archives montées alternativement avec plusieurs interviews de témoins de l'époque, vivant encore aujourd'hui et évoquant leur passé sans tabou. 

On pourra reprocher à ce documentaire sa simplicité qui parfois donne l'effet de visionner un programme d'Arte. Loach parvient néanmoins à susciter notre intérêt, nous spectateurs français, pour ces dures années qu'ont connût la classe moyenne d'Angleterre. Loach titre son film L'Esprit de 45 en référence à l'année 1945 qui fut décisive, avec à la fois des attentes prometteuse d'un bonheur futur, ainsi qu'un lourd bilan sur un triste passé. La bataille sera longue et éprouvante, beaucoup de manifestations aboutiront à de sévères échecs, mais les victimes conserveront leur moral, garderont le cap, et ne se soumettrons jamais à la classe dominante. Une très longue période est ainsi balayée, allant de la crise des années 30 jusqu'à l'individualisme de Margaret Thatcher des années 80.



Certainement l'un des cinéastes britanniques les plus marxistes (au côté de Peter Watkins), Ken Loach prouve encore une fois qu'il peut discourir sans agacer ni ennuyer, modérant ses propos sans les radicaliser, autant par la fiction (It's a free world!, 2008 ou Land and Freedom, 1994) que par le documentaire. L'excellente idée de L'Esprit de 45 est de présenter ces citoyens normaux face à des politiciens ou personnes plus haut gradées, dans les images d'archives et interviews de nos jours, sans pour autant souligner abusivement la violence de ces conflits et affrontements. Loach ne livre pas un basique documentaire politique, mais s'affirme, comme il l'a toujours brillamment fait, en cinéaste engagé contre le gouvernement de l'époque et les injustices sociales les plus choquantes, inconnues de la jeune génération d'aujourd'hui. 

La solidarité et la douleur des citoyens sont exposées délicatement, sans précipitation ni brutalité. Loach élabore une trame narrative simple mais accrocheuse, nous dévoilant les éléments historiques petit à petit jusqu'au final optimiste anti-larmoyant, tout cela agrémenté d'une classique et douce musique en guise de fond sonore. L'Esprit de 45, en plus d'être une leçon d'histoire, est aussi un drame fort émouvant qui nous fera prendre conscience de la noirceur de l'époque britannique, trop souvent oubliée et négligée par les voisins. 
Jeremy S.




jeudi 16 mai 2013

Trance - Danny Boyle



Réalisé par Danny Boyle
Ecrit par Joe Ahearne et John Hodge
Avec : James McAvoy, Rosario Dawson, Vincent Cassel...
1h35
Sortie : 8 mai 2013

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Du plomb dans la tête

L'affiche et le titre semblaient traduire un petit film d'action de série B destiné à tout âge, et à un public plus ou moins hollywoodien. Le résultat n'en est malheureusement pas très éloigné. Si 127 heures ou Slumdog Millionaire restaient mineurs mais audacieux, difficile de retrouver Danny Boyle dans ce pseudo Inception dont le scénario à étages et à tiroirs non seulement malhabile mais aussi terriblement poussif aura du mal à convaincre nombre d'habitués au genre. 

Simon (James McAvoy), commissaire priseur, tente d'empêcher le vol d'un tableau de Goya aux enchères. Etant frappé par l'un des voleurs (le chef, Vincent Cassel), Simon se retrouve amnésique, et entre les mains des malfrats. Il devra alors les aider à retrouver le tableau en consultant une "hypno-thérapeute", Elizabeth Lamb (Rosario Dawson). A partir de là, le scénario commence à prendre plusieurs directions, si nombreuses que nous sommes déjà perdus au bout de trois quarts d'heures. Et comme Danny Boyle est un homme préssé et n'a qu'une heure et demie pour boucler son histoire,  chaque révélation nous est jetée à la figure, et épuisent plus qu'elles n'étonnent. 
Certains reprocheront à Trance de souffrir de la contamination Inception. C'est en effet un aspect de Trance désagréable, donnant l'impression d'avoir déjà vu mille fois ce scénario à poupée russes avec dix twists par minute pour aboutir au final à quelque chose de très simple, drôle, plat, et totalement inintéressant. Mais le génie de Christopher Nolan était bien de faire cogiter le spectateur. Boyle, lui, souhaite le divertir purement et bêtement, en prenant le risque de mettre en scène un scénario à failles, trop rapide pour être suffisamment bien compris, trop lourdingue dans ses révélations pour surprendre. 
Le casting n'arrange à l'évidence pas les choses. Vincent Cassel apparaît comme un ridicule méchant se prenant au sérieux (sans être drôle) et Rosario Dawson comme une "psy bombe sexuelle" n'ayant rien d'autre à offrir qu'une belle partie de jambes en l'air. Rassurez vous, James McAvoy, dans ce rôle rappelant fortement celui de Wanted (Timur Bekmambetov, 2008) assure comme victime principale de la machination. 

Quant à la mise en scène de Danny Boyle - là où elle pouvait sauver 127 heures (2010) - l'usage abusif de filtres, de plans desaxés, noient ses personnages dans un trip plus ennuyeux qu'hypnotique. Nous partions pour l'hypnose, nous sortons effectivement avec un mal de tête. Mais aussi avec une impression de déjà vu, plombant tout l'intérêt prometteur du film. 

Jeremy S.

Elisabeth Lamb (Rosario Dawson) et Simon (James Mcavoy)
   
Franck (Vincent Cassel) et sa bande


mercredi 15 mai 2013

Post Tenebras Lux - Carlos Reygadas



Ecrit et réalisé par Carlos Reygadas
Avec : Rut Reygadas, Eleazar Reygadas...
Prix de la mise en scène - Festival de Cannes 2012
1h53
Sortie : 8 Mai 2013

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Ecervelé


Hué lors de sa projection cannoise, Post Tenebras Lux avait provoqué de multiples remous au dernier festival de Cannes. Hué par les spectateurs, mais également par une immense partie de la presse. Cerise sur le gâteau, Nanni Moretti, à la cérémonie de clôture, couronne Carlos Reygadas du prix de la mise en scène. Le cinéaste mexicain, déjà présent à Cannes les années précédentes (Batalla en el cielo -  2005, Lumière Silencieuse - 2007, prix du jury) nous livre une oeuvre non dénuée de mysticisme mais dont le sens demeure tout du long extrêmement difficile à cerner et à comprendre. 

De cet objet infâme - certes particulier et avant gardiste – absolument rien ne ressort. Ni discours, ni scénario, et si Moretti a été éblouit par cette mise en scène quasi inexistante, nous souhaiterions des justifications. Que résumer ? L’histoire d’une famille, d’un couple, mal dans sa peau. Raconté avec un récit déconstruit, dispersé comme un puzzle (pas mauvaise idée en soi), nous aurons du mal à rassembler toutes ces mini séquences sans queue ni tête, d'une longueur interminable, établissant un effet de distanciation insupportable. Le format de l'image, 4/3 (le même que le Faust d'Alexandre Sokourov) avec un effet de flou sur les bords, intrigue (nous avons l'impression de regarder à travers une bulle) sans pour du moins produire (peut être) l'effet d'immersion voulu. 

Si la séquence d’ouverture impressionne (certains critiques parlent d’un mix de Terrence Malick et d’Apichatpong Weerasethakul), le reste est parcouru par le néan. Façon de parler, encore une fois, pour dire que Reygadas filme pour du beurre. Du sexe dans des termes, des papotages entre mexicains, une apparition fantastique nullement justifié… Pendant presque deux heures, nous cherchons une accroche, un radeau auquel s'amarrer, dans ces paysages creux, laids, et ces personnages sans âmes, antipathiques et ennuyeux. 

Si tous ces éléments donnent undiscutablement une richesse à Post Tenebras Lux, il faudrait les inscrire dans un corps, et ainsi donner une vie à l’œuvre. Sans squelette ni cervelle, tous les clichés du film d’auteur (ou plutôt du film d'auteur cannois) y passe, pour au final aboutir en une orgie d’un ridicule sidérant. A fuir comme la peste. Post Tenebras : Tenebras


Jeremy S.


Fille du réalisateur (Rut Reygadas) 

Nathalia Acevedo

lundi 13 mai 2013

Mud - Sur les rives du Mississippi - Jeff Nichols



Écrit et réalisé par Jeff Nichols
Avec : Matthew McConaughey, Tye Sheridan, Reese Witherspoon, Jacob Lofland
Compétition officielle - Festival de Cannes 2012
2h10
Sortie : 1er mai 2013
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Les limbes du Mississippi


Présenté en compétition au festival de Cannes 2012, Mud signe le retour de Jeff Nichols sur les écrans. Après l'hallucinant Take Shelter (on en frissonne encore!), Nichols confirme son incroyable talent. Mud, c'est l'histoire de deux jeunes adolescents, Ellis et Neckbone, qui, au hasard de leurs pérégrinations le long du Mississippi, découvrent une île où est réfugié l'étrange Mud. Fasciné par l'homme, les deux garçons se retrouvent embarqués dans une histoire d'amour impossible, de meurtre et de vengeance. 

Mud, c'est avant tout une fable à la manière des récits de Mark Twain, dont l'univers émane tout au long du film. C'est donc, forcément, un film initiatique. Durant plus de deux heures, nous suivons l'évolution d'Ellis et de Mud. Jeff Nichols fait résonner ces personnages entre eux et joue sur l’ambiguïté. Qui est l'adulte ? Qui est l'enfant ? La réponse n'est pas si évidente. Comme dans Take Shelter, Jeff Nichols est sur le fil du rasoir entre deux états. Ellis est entre l'enfance et l'âge adulte, la relation Mud / Juniper est entre l'amour et l'amitié, l'île de Mud est entre le monde sauvage et le monde civilisé. Jeff Nichols filme un monde en germe, en transition constante. L'image la plus marquante de cette idée est ce bateau perché dans les arbres. Entre eau, terre et ciel, le bateau n'est pas à sa place, tout comme les personnages. Le défi pour Mud sera de le faire descendre pour le replacer dans son état naturel. C'est la trajectoire de chaque personnage au cours du film : trouver sa place au sein du monde. 

Ellis (Tye Sheridan), Mud (Matthew McConaughey), Neckbone (Jacob Lofland)

Jeff Nichols revendique Terrence Malick et John Ford pour maîtres. Et l'influence de ces cinéastes se retrouve dans Mud. Avec des allures de western (Mud est un cow-boy solitaire) à la mise en scène maîtrisée, Jeff Nichols donne un souffle spirituel à l'ensemble. Le film devient une quête de l'affranchissement. Ellis est fasciné par Mud et Mud est obsédé par Juniper. Les deux devront se libérer de l'emprise de l'autre afin de se réaliser pleinement. D'une relation conflictuelle, Ellis et Mud parviendront à une transcendance humaine. Ils pourront enfin contempler l'horizon de liberté et de maturité, à l'image des premiers et derniers plans du film sur le Mississippi. Ce fleuve devient l'image centrale du film. A la fois naissance et mort, il est une métaphore de la vie et de la quête vers la sagesse. 


Porté par des acteurs brillants et remarquables, Mud, en partant d'une histoire simple, parvient à parler de la vie en parlant à chaque spectateur. Le film atteint une émotion profonde et sincère dans l'indéniable empathie qu'a Jeff Nichols pour ses personnages. Scénario bien ficelé, mise en scène toujours juste et jamais tape-à-l'oeil, Mud a tout d'un grand film. A peine âgé de 34 ans, Jeff Nichols fait preuve d'une étonnante maturité de cinéaste. Nous avons la chance d'assister à l'éclosion d'un immense cinéaste qui comptera plus que jamais dans les années à venir.

Adrien V.

Juniper (Reese Witherspoon)

samedi 11 mai 2013

Stoker - Park Chan-wook



Réalisé par Park Chan-wook
Ecrit par Wentworth Miller et Erin Cressida Wilson
Produit par Michael Costigan, Ridley Scott, Tony Scott
Musique Originale : Clint Mansell 
Avec : Mia Wasikowska, Nicole Kidman, Mattew Goode... 
1h40
Sortie : 1er Mai 2013

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Sueurs Froides

Park Chan-wook, aux côtés de Kim Jee-woon et Bong Joon-ho, est cette année le deuxième cinéaste sud-coréen à tenter l’expérience hollywoodienne. Sans pour autant faire du pur grabuge comme dans sa trilogie de la vengeance, le réalisateur du culte Old Boy réussit haut la main son premier film « hitchcockien », brillant tant par sa mise en scène propre que par son sujet aussi profond et déroutant que malsain.

India (Mia Wasikowska), à peine âgée de 18 ans, perd son père. S’ensuit l’arrivée dans la famille d’un oncle venu de nulle part, prénommé Charlie – Mattew Goode - (qui n’est autre que l’oncle Charlie de L’Ombre d’un doute d'Hitchcock (1943) ) grand ténébreux aux mimiques perverses, admirant India, allant jusqu’à lui apparaître comme un monstre sanguinaire et pervers, s’appropriant sa mère (Nicole Kidman). Si Stoker peut être classé à mi chemin du thriller psychologique et du film d'horreur, c’est avant tout un film d’atmosphère comme nous pouvons en voir rarement à Hollywood ces jours ci. Une atmosphère purement Parkchanwookienne avec des acteurs américains, extrêmement bien dirigés, où certains y trouvent leurs plus grand rôle de l’année (Mia Wasikowska et Nicole Kidman). Atmosphère pesante, malsaine, faisant mal au ventre. Tout cela en occultant le gore habituel de ses autres films, qui possédait une part stylistique importante dans l’œuvre du cinéaste. La fameuse séquence du piano (qui sous entend en réalité une haute tension sexuelle) est sans doute la scène centrale du film. C’est aussi ces thèmes qui intéressent le cinéaste : le passage à l’âge adulte, l’adolescence, mais aussi l’enfance, dès son plus jeune âge. Sans en faire à l’évidence un classique film d’apprentissage, mais bien quelque chose d'à la fois marquant et terrifiant, auquel nous pouvons nous y laisser prendre très facilement. 


Le récit en apparence linéaire va très vite se déconstruire, avec l’arrivée du passé, rattrapant India à une vitesse fulgurante. Les scènes de la fin, habilement montées en parallèle avec celles du passé affirment la maîtrise culminante - en terme de mise en scène et de montage - de maître Park sur ses contemporains. L’action en devient extrêmement jouissive et jubilatoire, évitant tout ludisme et didactisme, et nous plongeant au cœur de l’esprit d’India. Park Chan-wook s’inscrit dans une filiation hitchcockienne, en faisant bien plus que de rendre un simple hommage à l'idole. Park Chan-wook déclare que le Vertigo d’Hitchcock (1958) est le film déclencheur de son envie de faire du cinéma. A la vue de Stoker, ce phénomène est d’autant plus compréhensible : amener son spectateur dans un lieu et une atmosphère méconnue dans sa vie quotidienne, mais dont il a conscience de son existence. Park Chan-wook évite aussi de tomber dans l’habituel huis clôt académique auquel on pourrait s'attendre au vu des premières images.

Tout cet édifice ne pourrait tenir sans un bon chef opérateur. Pour notre plus grand plaisir, Park Chan-wook a choisi d’embarquer Chung Chung-hoon à ses côtés pour l’expédition (le directeur photo de la plupart de ses autres films). Cette sublime image (celle d'Old Boy ou de Thirst), c’est celle de Park Chan-wook, son image propre.  Après Thirst et sa trilogie de la vengeance, il nous impressionne encore en s’affirmant comme un vrai cinéaste de sa vraie nationalité, et ne laisse personne troubler son image d’auteur, au mépris d’un scénario non écrit de sa propre main. La famille Stoker restera décidément longtemps dans nos mémoires. 

Jeremy S.

Evelyn Stoker (Nicole Kidman) et Oncle Charlie (Matthew Goode)

India (Mia Wasikowska) et Oncle Charlie (Matthew Goode)



mercredi 8 mai 2013

Mars / Avril 2013 - Bilan



Films vus (Mars et Avril 2013)



Film
Auteur
Sortie
Jeremy S.
Adrien V.
Alexis D.
Pablo Larraín
6 mars 2013

7

-

5
Agnès Jaoui
6 mars 2013

6

-

-
David Moreau
6 mars 2013

-

-

7
Terrence Malick
6 mars 2013

6

6

9
Harmony Korine
6 mars 2013

9

-

10
Ben Lewin
6 mars 2013

7

-


6
Bruno Dumont
13 mars 2013

5

8

7
Fernando Trueba
13 mars 2013

-

-

8
Judd Apatow
13 mars 2013

3

-

4
Julian R. Pölsler
13 mars 2013

-

-

8
Derek Cianfrance
20 mars 2013

7

-

8
Guillaume Nicloux
20 mars 2013

-

-

3
Lou Ye
20 mars 2013

7

-

7
Jonathan Levine
20 mars 2013

-

-

7
Pedro Almodóvar
27 mars 2013

7

3

6
Jon M. Chu
27 mars 2013

-

-

3
Yorgos Lanthimos
27 mars 2013

6

-

5
David Wnendt
27 mars 2013
-
-

7
Dustin Hoffman
3 avril 2013

-

-

7
Steven Soderbergh
3 avril 2013

7

-

9
Nicolas Philibert
3 avril 2013

7

 7

-
Anne Fontaine
3 avril 2013

4

-

4
Joseph Kosinski
10 avril 2013

6

-

8
Marco Bellocchio
10 avril 2013

7

-

7
Kim Ki-duk
10 avril 2013

6

-

5
Andrew Niccol
17 avril 2013

2

-

3
Gus Van Sant
17 avril 2013

8

6

10
Wong Kar-Wai
17 avril 2013

9

-

8
Michel Gondry
24 avril 2013

5

-

5
Sion Sono
24 avril 2013

7

-

-
Shane Black
24 avril 2013

6

-

10



Et aussi...


6 mars 2013 :

Gelmeyen Bahar de Emrah Erdogan
Les Chemins de Lalune de Richard Morier
¡Vivan las Antipodas! de Victor Kossakovski
Hansel & Gretel : Witch Hunters de Tommy Wirkola
La Famille de Nicky, le Schindler britannique de Matej Minac
Outreau, l'autre vérité de Serge Garde
Sababou de Samir Benchikh

Les Chemins de Lalune de Richard Morier

13 mars 2013 :

Jappeloup de Christian Duguay
Le Monde fantastique d'Oz de Sam Raimi
Cloud Atlas de Lana & Andy Wachowski et Tom Tykwer
Le Choc des générations de Andy Fickman
Canakkale Yolun Sonu de Mela Uzun et Serdar Akar
Le Dernier exorcisme : Part II de Ed Gass-Donnelly
Les nuits avec Théodore de Sébastien Betbeder
Notre Monde de Thomas Lacoste
Tu seras sumo de Jill Coulon


Cloud Atlas de Lana & Andy Wachowski et Tom Tykwer

20 mars 2013 : 

Sous le figuier de Anne-Marie Etienne
La Dernière licorne de Jules Bass et Arthur Rankin JR.
Queen of Montreuil de Solveig Anspach
Un P'tit gars de Ménilmontant de Alain Minier
Love love love de Bruno Mercier
Djeca, Enfants de Sarajevo de Aida Begic
La Chute de la Maison Blanche de Antoine Fuqua
La Saga des Conti de Jérôme Palteau
Les Coquillettes de Sophier Letourneur
Spectres de Sven Augustijnen

Djeca, Enfants de Sarajevo de Aida Begic

27 mars 2013 : 

Petit Corbeau de Ute von Münchow-Pohl
Pierre Rabhi au nom de la terre de Marie-Dominique Dhelsing
Jack le chasseur de géants de Bryan Singer
Une chanson pour ma mère de Joël Franka
Le Premier homme de Gianni Amelio
Mahmut ile Meryem de Mehmet Ada Öztekin
Dead Man Talking de Patrick Ridremont
El premio de Paula Markovitch
La Cité Rose de Julien Abraham
Le Diable dans la peau de Gilles Martinerie
Les Voisins de Dieu de Meni Yaesh
Los Salvajes de Alejandro Fadel
Paroles de conflits de Raphaël Beaugrand
Samsara de Ron Fricke
Stories We Tell de Sarah Polley

Stories We Tell de Sarah Polley

3 avril 2013 : 

11.6 de Philippe Godeau
Amour & Turbulences de Alexandre Castagnetti
Free Angela de Shola Lynch
La venta del paraíso de Emilio Ruiz Barrachina
Men on the Bridge de Asli Özge
Berberian Sound Studio de Peter Strickland
Dead Man Down de Niels Arden Oplev
Ill Manors de Ben Drew
Inch'Allah de Anaïs Barbeau-Lavalette
Jaurès de Vincent Dieutre
Kinshasa Kids de Marc-Henri Wajnberg
Une jeunesse amoureuse de François Caillat


Free Angela de Shola Lynch

10 avril 2013 :

Les Croods de Chris Sanders et Kirk DeMicco
Le Temps de l'aventure de Jérôme Bonnell
Des gens qui s'embrassent de Danièle Thompson
Mariage à l'anglaise de Dan Mazer
Le Petit roi et autres contes de Lajos Nagy et Mária Horváth
Les As de la jungle - Opération banquise de David Alaux et Eric Tosti
Blanche Nuit de Fabrice Sebille
Casa Nostra de Nathan Nicholovitch
Derrière la Colline de Emin Alper
Le Repenti de Merzak Allouache
Photo de Carlos Saboga
Romanès de Jacques Deschamps
The Act of Killing - L'acte de tuer de Joshua Oppenheimer
Under the Sea de Howard Hall

Le temps de l'aventure de Jérôme Bonnell

17 avril 2013 : 

Les Profs de Pierre-François Martin-Laval
Les Gamins de Anthony Marciano
Tad l'explorateur : A la recherche de la Cité perdue de Enrique Gato
Parker de Taylor Hackford
Blackie & Kanuto de Francis Nielsen
Les lendemains de Bénédicte Pagnot
Clip de Maja Milos
Désordres de Etienne Faure
La Playa de Juan Andrés Arango Garcia
La Tête la première de Amélie van Elmbt
La Traversée de Elisabeth Leuvrey
Le Voile brûlé de Viviane Candas
Slow Life de Christian Merlhiot
What Richard Did de Lenny Abrahamson

Clip de Maja Milos

24 avril 2013 :

La Cage Dorée de Ruben Alves
Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta
Survivre de Baltasar Kormákur
Bob et les Sex-Pistaches de Yves Matthey
3, Chronique d'une famille singulière de Pablo Stoll Ward
La Sirga de William Vega
Paradis : Espoir de Ulrich Seidl
Paradis : Foi de Ulrich Seidl

Survivre de Baltasar Kormákur