mercredi 1 mai 2013

La Belle Endormie - Marco Bellocchio



Réalisé par Marco Bellocchio
Ecrit par Marco Bellocchio et Stefano Rulli
Avec : Toni Servillo, Isabelle Hupert, Alba Rohrwacher...
1h50
Sortie : 10 avril 2013

-

La descendance néoréaliste


Près de 70 ans après la naissance du néoréalisme italien avec Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini La belle endormie garde des traces de ce mouvement dont Marco Bellocchio s’empare parfaitement.

Synopsis : Le 23 novembre 2008, l'Italie se déchire autour du sort d'Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans. La justice italienne vient d'autoriser Beppino Englaro, son père, à interrompre l'alimentation artificielle maintenant sa fille en vie. Dans ce tourbillon politique et médiatique les sensibilités s'enflamment, les croyances et les idéologies s'affrontent. Maria, une militante du Mouvement pour la Vie, manifeste devant la clinique dans laquelle est hospitalisée Eluana, alors qu'à Rome, son père sénateur hésite à voter le projet de loi s'opposant à cette décision de justice. Ailleurs, une célèbre actrice croit inlassablement au réveil de sa fille, plongée elle aussi depuis des années dans un coma irréversible. Enfin, Rossa veut mettre fin à ses jours mais un jeune médecin plein d'espoir va s'y opposer de toutes ses forces.

La belle endormie montre le véritable quotidien de la population italienne, à travers un événement réel important qu’est le vote de la loi autorisant l’euthanasie, s’approchant du genre documentaire tout en restant dans la fiction. Cette (con)fusion documentaire / fiction est en grande partie une marque de fabrique du néoréalisme italien (qui lui aussi place ses histoires dans des évènements majeurs). L’idée de transposer ce pan de l’histoire politique de l’Italie dans un film choral est  une manière très habile de montrer la réalité et (par rapport au néoréalisme italien qui s’occupait du « petit peuple ») surtout de présenter la réalité de toutes les couches de la population. En ce sens, le curseur « documentaire /réalité » est poussée à son maximum. Le principe du film choral étant de décliner une idée, un avis sous toutes ses formes, Marco Bellocchio s’avère très intelligent.

3 histoires se développent dans La belle endormie, dont l’une qui se déclinera en 2 parties. La première grande partie installe un père sénateur devant faire un choix de vote et sa fille, une militante contre l’euthanasie qui tracera sa propre partie dans la suite du film. Vient ensuite une famille, réuni autour du coma de leur fille, dont la mère (jouée par Isabelle Huppert) grande actrice, met sa vie de côté pour rester à côté de sa « belle endormie » espérant son réveil. Enfin, l’histoire d’un médecin, faisant tout pour sauver la vie d’une toxicomane suicidaire. Ce film est bien plus qu’un simple panel de population tous sont liés à cette histoire d’euthanasie. Le sénateur et sa fille qui ne paraissent à première vue être relié au vote que sur la plan politique (comparé aux autres histoires qui le sont plus personnellement) ont eux aussi eu affaire à une « belle endormie », l’épouse du sénateur.

Le suspense quant au vote de cette loi n’a pas lieu d’être puisque le spectateur sait que ce vote n’aura finalement pas lieu. Par ailleurs le cinéaste s’intéresse bien plus aux histoires de ces personnes qu’à cette histoire nationale dont l’intérêt scénaristique est moindre. Le film choral a donc également son intérêt en fin de film, montrer des états divers après l’annulation du vote. On peut aussi saluer Marco Bellocchio qui ne tombe pas dans le piège faire s’entrecroiser les histoires entre elles dans le dénouement contrairement à ce qu’a pu faire le cinéma hollywoodien avec par exemple Valentine’s Day ou Happy New Year.  

La belle endormie possède également des points communs esthétiques avec le néoréalisme italien. Quand l’histoire ne se déroule pas en décor naturel (élément essentiel du néoréalisme) Marco Bellocchio s’amuse à jouer avec le contre-jour (notamment dans la partie avec Isabelle Huppert) qui donne à l’image une beauté particulière. Ce contre-jour, il est possible de le retrouver (moins contrasté toutefois) dans un grand classique du néoréalisme italien, Le voleur de bicyclette de Vittorio De Sica. Plus qu’un hommage au grand cinéma italien, Marco Bellocchio prouve que le cinéma italien n’est pas mort.

Alexis D.

La toxicomane Rossa (Maya Sansa) et le docteur Pallido (Pier Giorgio Bellocchio)

Le sénateur Uliano Beffardi (Toni Servillo) et Maria Beffardi (Alba Rohrwacher)

« Divina Madre » (Isabelle Huppert)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire