samedi 11 mai 2013

Stoker - Park Chan-wook



Réalisé par Park Chan-wook
Ecrit par Wentworth Miller et Erin Cressida Wilson
Produit par Michael Costigan, Ridley Scott, Tony Scott
Musique Originale : Clint Mansell 
Avec : Mia Wasikowska, Nicole Kidman, Mattew Goode... 
1h40
Sortie : 1er Mai 2013

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Sueurs Froides

Park Chan-wook, aux côtés de Kim Jee-woon et Bong Joon-ho, est cette année le deuxième cinéaste sud-coréen à tenter l’expérience hollywoodienne. Sans pour autant faire du pur grabuge comme dans sa trilogie de la vengeance, le réalisateur du culte Old Boy réussit haut la main son premier film « hitchcockien », brillant tant par sa mise en scène propre que par son sujet aussi profond et déroutant que malsain.

India (Mia Wasikowska), à peine âgée de 18 ans, perd son père. S’ensuit l’arrivée dans la famille d’un oncle venu de nulle part, prénommé Charlie – Mattew Goode - (qui n’est autre que l’oncle Charlie de L’Ombre d’un doute d'Hitchcock (1943) ) grand ténébreux aux mimiques perverses, admirant India, allant jusqu’à lui apparaître comme un monstre sanguinaire et pervers, s’appropriant sa mère (Nicole Kidman). Si Stoker peut être classé à mi chemin du thriller psychologique et du film d'horreur, c’est avant tout un film d’atmosphère comme nous pouvons en voir rarement à Hollywood ces jours ci. Une atmosphère purement Parkchanwookienne avec des acteurs américains, extrêmement bien dirigés, où certains y trouvent leurs plus grand rôle de l’année (Mia Wasikowska et Nicole Kidman). Atmosphère pesante, malsaine, faisant mal au ventre. Tout cela en occultant le gore habituel de ses autres films, qui possédait une part stylistique importante dans l’œuvre du cinéaste. La fameuse séquence du piano (qui sous entend en réalité une haute tension sexuelle) est sans doute la scène centrale du film. C’est aussi ces thèmes qui intéressent le cinéaste : le passage à l’âge adulte, l’adolescence, mais aussi l’enfance, dès son plus jeune âge. Sans en faire à l’évidence un classique film d’apprentissage, mais bien quelque chose d'à la fois marquant et terrifiant, auquel nous pouvons nous y laisser prendre très facilement. 


Le récit en apparence linéaire va très vite se déconstruire, avec l’arrivée du passé, rattrapant India à une vitesse fulgurante. Les scènes de la fin, habilement montées en parallèle avec celles du passé affirment la maîtrise culminante - en terme de mise en scène et de montage - de maître Park sur ses contemporains. L’action en devient extrêmement jouissive et jubilatoire, évitant tout ludisme et didactisme, et nous plongeant au cœur de l’esprit d’India. Park Chan-wook s’inscrit dans une filiation hitchcockienne, en faisant bien plus que de rendre un simple hommage à l'idole. Park Chan-wook déclare que le Vertigo d’Hitchcock (1958) est le film déclencheur de son envie de faire du cinéma. A la vue de Stoker, ce phénomène est d’autant plus compréhensible : amener son spectateur dans un lieu et une atmosphère méconnue dans sa vie quotidienne, mais dont il a conscience de son existence. Park Chan-wook évite aussi de tomber dans l’habituel huis clôt académique auquel on pourrait s'attendre au vu des premières images.

Tout cet édifice ne pourrait tenir sans un bon chef opérateur. Pour notre plus grand plaisir, Park Chan-wook a choisi d’embarquer Chung Chung-hoon à ses côtés pour l’expédition (le directeur photo de la plupart de ses autres films). Cette sublime image (celle d'Old Boy ou de Thirst), c’est celle de Park Chan-wook, son image propre.  Après Thirst et sa trilogie de la vengeance, il nous impressionne encore en s’affirmant comme un vrai cinéaste de sa vraie nationalité, et ne laisse personne troubler son image d’auteur, au mépris d’un scénario non écrit de sa propre main. La famille Stoker restera décidément longtemps dans nos mémoires. 

Jeremy S.

Evelyn Stoker (Nicole Kidman) et Oncle Charlie (Matthew Goode)

India (Mia Wasikowska) et Oncle Charlie (Matthew Goode)



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