vendredi 2 mai 2014

Last Days of Summer - Jason Reitman



Écrit et réalisé par Jason Reitman
D'après Labor Day (roman) de Joyce Maynard
Avec : Kate Winslet, Josh Brolin, Clark Gregg...
1h51
Sortie : 30 avril 2014

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Un week-end parfait


Jason Reitman n’est pas un cinéaste dénué d’un certain talent. In the air et Juno nous développait finement des personnages perdus, ambigus et détachés d’un monde contemporain leur paraissant souvent hostile et difficilement vivable. Last Days of Summer serait donc une caricature du cinéma de Reitman, tant la recomposition familiale s’échafaudant pendant tout le film revêt un caractère artificiel et grossier, quasi risible et traversé d’intrigues secondaires ne transperçant jamais l’émotion froide véhiculée par un jeu d’acteurs et une mise en scène d’une platitude hallucinante.

Frank (le prisonnier évadé), Adèle (la femme au foyer divorcée), et Henry (le fils solitaire et dérangé) sont trois victimes dont les liens devraient d’abord paraître instables et incohérents, tout sauf solides. L’arrivée de Frank dans la petite vie tranquille d’Adèle et Henry secoue la dramaturgie à la manière d’une brise de vent dans un pommier. Josh Brolin incarne un évadé beau gosse, propre et musclé, gentil comme un agneau. Sa relation avec Adèle évolue de manière illogique, précisément car les esprits et les corps apparaissent immédiatement compatibles. Adèle a trouvé son homme dans un supermarché comme sur meetic, et malgré leurs durs passés, les deux tourtereaux parviennent à tomber amoureux l’un de l'autre l’espace d’une journée.

Frank (Josh Brolin) et Adèle (Kate Winslet)

Frank n’est pas n’importe quel homme. Ce n’est pas le dernier des meurtriers meurtri par l’injustice qui l’a envoyé en prison (en flashback, l’histoire de Frank nous est jeté à la figure comme une flaque de soupe). Non, Frank est tour à tour Bob le bricoleur, cuisiner expert formaté masterchef, et entraineur de base ball. L’homme parfait, qui va rendre la vie d’Adèle et d’Henry parfaite, malgré l’inquiétude qu’il ne soit découvert. Jamais Adèle et Henry n’auront goûté d’aussi bonne tarte aux pêches, d’un délice aussi succulent que palpable. Entrecoupé de pages publicitaires, le film de Reitman est mené de façon trop fluide et prévisible pour nous emporter pleinement, nous faire ressentir les peurs respectives des trois personnages, radicalement différentes et à fort potentiel.

Tout particulièrement celle d’Henry. Aimant sa mère et ne sachant plus comment accepter Frank dans sa nouvelle vie, Henry va se confier à Mandy, une jeune fille de son âge vivant avec un père divorcé. Leur relation, lointainement voisine de celle de Moonrise Kingdom de Wes Anderson, va paradoxalement évoluer en surplace, faire d’Henry un petit homme comprenant subitement le sens même de la vie d’adulte. Puceau et ne connaissant rien au sexe, c’est avec une certaine perversion qu’il va observer et juger intérieurement les liens qu’entretiennent Frank et sa mère.

De cette mise en scène lisse et académique n’en découle donc finalement qu’une force minime dans certaines thématiques mal abordées, survolées et s’écroulant comme du carton pâte. En adaptant le roman de Joyce Manard, Jason Reitman tente vainement de donner une puissance cinématographique vertigineuse et grandiloquente à cette belle histoire, à l’encontre de toute modestie dont un autre cinéaste aurait pu faire preuve, se limitant à adapter son style au roman sans chercher à surdramatiser le récit d’origine. L’épilogue d’une dizaine de minutes après les derniers jours d’été apparaît en ce sens grandement ridicule et d’un intérêt poussif, tire larme, à la limite du clip publicitaire. Finalement, Henry s’est transformé en Peter Parker (Tobey McGuire), et revêt effectivement un costume de super héros en changeant une roue de sa voiture devant sa petite amie médusée. Loin d’être agaçant (même involontairement drôle par moments), Last Days of Summer n’est en définitive qu’une adaptation laborieuse et paresseuse d’un roman forcément plus intéressant que cet aperçu médiocre et ridicule d’une « grande » histoire tout ce qu’il y a de plus sérieuse, bouleversante, mais profondément pathétique.

Jeremy S.

Adèle (Kate Winslet), Henry (Gattlin Griffith) et Frank (Josh Brolin)

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