mercredi 21 mai 2014

Maps to the stars - David Cronenberg



Réalisé par David Cronenberg
Écrit par Bruce Wagner
Produit par Saïd ben Saïd
Festival de Cannes 2014 - Compétition Officielle
Avec : Julianne Moore, Mia Wasikowska, John Cusack ...
1h51
Sortie : 21 mai 2014 

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Dead Zone

Il n’aura fallut que deux courtes années à David Cronenberg pour mettre sur pieds ce nouveau projet à grande gueule et crocs acérés contre le pire ennemi du cinéma indépendant : Hollywood version XXIème siècle. Après un grand film anti-capitaliste (Cosmopolis, 2012), le cinéaste met le cap sur Los Angeles et ses stars, par une approche voisine de celle de Paul Schrader dans le récent The Canyons. Maps to the stars affiche néanmoins des ambitions d’une toute autre envergure, traitant plusieurs thèmes et sujets propices à l’univers Cronenbergien pour lequel ce dernier semble s’être plutôt bien adapté (scénario de Bruce Wagner).

Le climat glacial qui se dégage de Maps to the stars, inférieur à celui de Cosmopolis, en est la première qualité. L’environnement aseptisé dans lequel ont lieu les allers-retours des différents personnages respire la mort tout autant que le sexe. Dans un parti pris clairement anti-réaliste et volontairement poético-absurde, Cronenberg ne raconte ni plus moins qu’une histoire de famille en pleine recomposition. Avec Agatha (Mia Wasikowska) et son chauffeur (Robert Pattinson, qui n’est cette fois plus passager de la limousine) nous pénétrons au cœur de la cité dans une sorte de grand purgatoire hollywoodien aux façades austères. Les différentes rencontres auxquelles Agatha se confronte ne lui apportent pas seulement de nouvelles questions, mais la libèrent également de son handicap traumatisant. Défigurée par des brûlures et ornée de sa carapace noire, Agatha fait figure de parasite dans cet environnement riche et harmonieux, peuplé d’effrayants monstres au physique finalement peu caractérisé, le cinéaste préférant une introspection purement psychologique.

Agatha (Mia Wasikowska) et Havana (Julianne Moore)

C’est en dévoilant progressivement les liens unissant les différentes victimes que le film se suit avec perversité dans un rythme lent et des dialogues bavards, souvent pour la plupart risibles mais au grand jamais ennuyeux. Le comique semble par moments plaqué grossièrement et sans finesse, tout en revendiquant sa puérilité (blagues scatophiles et sexuelles bien trop nombreuses) mais qui aurait nécessité parfois plus de mordant et de paroxysme pour gifler et secouer davantage son public. D’agressivité, le film en est lourdement constitué, en premier lieu par le personnage d’Havana Segrand (Julianne Moore, totalement bluffante et extraordinaire) jouant le rôle d'une bipolaire atteinte d’un syndrome émouvant : celui de voir en sa mère quelqu’un que l’on aurait aimé être, avec un fort sentiment de jalousie destructrice. Cette dernière, interprétée par Sarah Gadon, s’immisce dans la vie d’Havana par le biais du fantastique.

Un registre que David Cronenberg semble vouloir maîtriser d’une drôle de façon. Tantôt nous pouvons être happés par les apparitions fugitives et magnifiques de la mère d’Havana, tantôt le phénomène se répète inutilement et témoigne d’une réalité finalement décevante : la séquence où le jeune Benjie (Evan Brid) étrangle malgré lui son ami « monsieur Vazin » n’est en ce sens nullement percutante, et parfaitement cohérente selon le personnage de Benjie, adolescent d’un physique de treize ans mais possédant un cerveau de vingt. Les tabous que transgresse maladroitement Cronenberg ne sont ici, contrairement au reste de sa filmographie, que peu originaux, et manquent sérieusement de consistance. L’inceste ou la sexualité chez les mineurs aurait mérité un traitement plus acerbe, et non lisse et démonstratif comme ces dialogues tournant au bout d’un certain temps dans un vide abyssal. La violente critique du système n’est ici réduite qu’à sa plus simple représentation, aussi bien dans le fond que dans la forme peu inventive pour une mise en scène signée Cronenberg (dans Cosmopolis, l’utilisation de l’espace transfigurait des émotions fortes). Tentant vainement d’exacerber son propos, le canadien rate en partie sa cible et la transmission de son message : parler des relations parents/enfants comme d’une chose radicalement violente et étanche ne suffit pas à faire naître une quelconque vicissitude dans le comportement de ces derniers, n’étant finalement que des personnalités perdues et touchées d’une maladie incurable. Un « antiviral » aurait sans doute été le bienvenu.  

Jeremy S.

Havana (Julianne Moore) et Clarice (Sarah Gadon)




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