mardi 9 juillet 2013

Frances Ha - Noah Baumbach



Réalisé par Noah Baumbach
Ecrit par Noah Baumbach et Greta Gerwig
Avec : Greta Gerwig, Mickey Sumner, Adam Driver...
1h26
Sortie : 3 juillet 2013

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New York, New York

L’année dernière, nous étions agréablement surpris par la jeunesse mise en scène dans le magnifique Après Mai (2012) d'Olivier Assayas, l’un de nos plus talentueux réalisateurs français. Ce dernier film contait une histoire d’après mai 1968. Cette année, la palme de cette catégorie (film sur la jeunesse) pourrait revenir à Noah Baumbach. Loin d’être un petit nouveau dans le cinéma indépendant américain, Baumbach renoue une fois de plus avec Greta Gerwig, trois ans après Greenberg. Cette fois ci, Gerwig participe aussi à l’écriture. C’est sans doute ce dernier point qui relève le niveau du petit ou moyen film qu’aurait pu être Frances Ha, avec un scénario en apparence déjà vu et peu original.

Jeune femme de ving sept ans, Frances est professeur de danse. Elle est intimement liée à Sophie, sa meilleure amie. Lorsque Sophie va décider de changer de coin en prenant un autre appartement (plus cher, malheureusement) Frances va se retrouver en porte-à-faux et essaiera par tous les moyens de garder contact avec Sophie, malgré leurs inégalités, en termes de richesse mais aussi d’amour (Sophie trouvera le compagnon idéal). Baumbach confronte la fille solitaire, timide à la fille rêveuse, aux ambitions folles. Frances tentera de se construire un avenir sûr dans cette immense mégalopole qu’est New York. Elle trébuchera, se relèvera, malgré qu’elle soit « incasable » selon un de ses ex. On se demande alors : sur quel registre peut se dérouler Frances Ha ?

Sophie (Mickey Sumner) et Frances (Greta Gerwig)


C’est au moment où l’on se pose cette question que le film prend son envol. Libérée, fraiche, mais aussi terriblement déprimée, Frances Halladay vit sa vie, cherche sa place. Mais l’intensité dramatique n’est ici quasiment jamais relevée, Baumbach s’intéressant à l’aspect psychologique de la jeunesse, à retrouver ce lyrisme et l’étendue d’un cinéma indépendant, non pas cloîtré académiquement mais bien large comme pouvait l’être Les 400 coups de François Truffaut, Le Rayon Vert d’Eric Rohmer (Greta Gerwig rappelle d’ailleurs sous quelques angles Marie Rivière), ou Manhattan de Woody Allen. 
Des références trop explicites ? A notre plus grande surprise, Noah Baumbach s’empare de son histoire (ou plutôt de « leur » histoire, la sienne mais aussi celle de Greta Gerwig) comme d’un témoignage contemporain sur une jeunesse parfois perdue, souvent joyeuse, constamment dans l’excès. Mais à la différence de Spring Breakers ou de The Bling Ring, les protagonistes se situent au crépuscule de la vingtaine (et ont par conséquence davantage progressés dans leur maturité d’adulte). La fin d’une jeunesse ? Oui, mais aussi le début d’une autre, différente, mieux pour certaine, inférieure pour d’autres. Un cap difficile à franchir, un monde en noir et blanc, des questionnements existentiels dérangeants. Frances n’hésite pas à se changer les idées en faisant une courte escapade à Paris, mais elle découvrira bien vite que la remontée du gouffre n’est pas aussi simple. Les tensions qu’elle rencontrera avec Sophie n’arrangeront pas les choses, mais participerons à une descente émotionnelle pour effectuer un nouveau décollage plus puissant, dénué de mélancolie.

Et à ce moment là, nous sommes déjà à la fin du film. Nous avons vécu avec l’état d’esprit de Frances Halladay, qui en cette vingt septième année d’existence s’est métamorphosé en celui d’une nouvelle femme : Frances « Ha ». Si la trame scénaristique rappelle volontairement Le Rayon Vert de Rohmer (film apprécié par Baumbach et Gerwig), la vie à New York change radicalement la donne. Et rejoint Manhattan de Woody Allen. Un bon film américain, combinant des éléments du cinéma d’Eric Rohmer et de Woody Allen, pour planter autre chose à un autre endroit, dans une autre dimension aussi riche et exaltante. À 44 ans, Woody Allen réalisait Manhattan (1979). À 66 ans, Eric Rohmer réalisait Le Rayon Vert (1986). A 42 ans, Noah Baumbach réalise Frances Ha. Une réussite indéniable peut être parfois trop modeste pour émouvoir suffisamment. Quoi qu’on en dise, Noah Baumbach a quand même du mérite pour avoir réalisé ce film en 2012, une année qui pourrait se situer au milieu de sa carrière, mais aussi être celle d’un film culte de toute une génération.

Jeremy S.

Frances (Greta Gerwig)

Frances (Greta Gerwig) et Sophie (Mickey Sumner)



1 commentaire:

  1. Mon coup de coeur de l'année (pour l'instant...). Un vrai bijoux de subtilité et d'intelligence. Très sous-estimé, dont la modestie est, à mon sens, loin d'être un défaut, au contraire. Baumbach signe un portrait d'une fraîcheur incroyable et nous émeut par petites touches. Espérons qu'il ne sera pas oublié en fin d'année - les plus grands films n'étant pas toujours ceux qui en ont l'air.

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