vendredi 20 septembre 2013

La danza de la realidad - Alejandro Jodorowsky



Ecrit et réalisé par Alejandro Jodorowsky
Festival de Cannes 2013 - Quinzaine des réalisateurs - Selection Officielle
Avec : Brontis Jodorowsky, Pamela Flores, Jeremias Herskovits
2h10
Sortie : 4 septembre 2013

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Le miroir


Il aura fallut ving trois ans au réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky pour faire son come back, avec un film financé en partie par le net et adapté d’un livre publié par lui même n’étant autre qu’une autobiographie. Présenté à Cannes dans la Quinzaine des réalisateurs, Jodorowsky s’est - sans doute possible - démarqué d’un cinéma attendu, fantastique ou même ludique.

La danza de la realidad n’est finalement pas très éloigné des précédents Santa Sangre (1989) ou le Voleur d’arc-en-ciel (1990). Film autobiographique, il pourrait être considéré comme un film somme, rassemblant toutes les idées et partis pris esthétiques piochés dans sa filmographie. Ou alors nous pourrions voir cela comme une œuvre fellinienne, mêlant rêves, faits réels, et fiction. A notre plus grand plaisir, La danza de la realidad ne se range d’aucun de ces deux côtés. Comme Santa Sangre, c’est d’abord une plongée vertigineuse et un voyage surréaliste que nous propose le cinéaste, à travers deux longues heures bourrées d’instants magiques, horrifiques, hilarants, ou encore bouleversants. Le côté autobiographique de La danza de la realidad étant clairement l’interêt de voir un film du cinéaste en salle de nos jours, si l’on connaît Jodorowsky, nous pouvons remarquer un manque de renouvellement. Sa longue période d’absence devient ainsi inexplicable, et les raisons de son nouveau film troublantes.

Alejandro enfant (Jeremias Herskovits) et Jaime (Brontis Jodorowsky)

Renouer avec son enfance, tel est le but premier de ce patchwork. La famille, le village, la vie d’autrefois, tous les éléments d’une fresque académique sont présents dès le départ. Nommé par leurs vrais noms et joués pour certains par de réels membres de sa famille, les Jodorowsky et leur histoire commencent d’abord par ennuyer (montage rapide, scènes sur-écrites, mouvements de caméras dans chaque plans) avant de s’injecter lentement dans l’esprit de son spectateur, souvent mis à l’écart par la distanciation qui caractérise tout le cinéma de Jodorowsky. Aucun effet n’est recherché, et le côté kitch du cinéaste trouve alors tout son sens : La danza de la realidad est d’abord un spectacle, un feu d’artifice volontairement maintenu dans une mise en scène terre-à-terre.
Si certains moments déboulent comme des scénettes felliniennes,  l’ensemble reste relativement cohérent et prenant surtout au moment de l’éclatement familial. Le désespoir des personnages est parfois  montré comme un grand opéra, où mythe et réalité se confondent en permanence sans jamais créer une atmosphère expérimentale difficile d’accès. Certains y verront par là un défaut du film. Mais l’objectif premier étant de faire voyager son spectateur (à la manière de Théos Angelopoulos) demeure dans la ligne de mire du cinéaste, et même si quelques décrochages peuvent parfois survenir, c’est avec un respect et un certain suspense que nous suivons l’histoire abracadabrante de la famille Jodorowsky. D’un côté le père autoritaire et malsain, de l’autre le fils soumis et dépressif. En confrontant ces deux personnages, le cinéaste nous parle aussi de son entrée dans le monde de l’art, ses origines et à l’évidence de sa découverte.

En somme, Jodorowsky ne souhaite pas parler simplement de lui et de son histoire. Son film décalé dans le cinéma contemporain disloque les frontières habituelles du surréalisme sans pour autant plus pencher du côté de Bunuel que de Fellini. Il y a une intertextualité filmique dans La danza de la realidad : celle de ses autres œuvres, toujours présentes. Et surtout, envisagées comme des œuvres vivantes, dans un dispositif scénique dantesque, visant à toucher plus d’un spectateur en évitant de tomber un cynisme prévisible. Si l’utilité du film ne se distingue pas dans l’immédiat, La danza de la realidad apparaît comme un passionant voyage, pas toujours facile d’accès, mais dont plus d’un ressortira chamboulé, et ravi d’avoir pu assister à une nouvelle éclosion d’un grand cinéma moderne, mettant tous ses contemporains au tapis.

Jeremy S.


Alejandro enfant (Jeremias Herskovits), Sara (Pamela Flores) et Jaime (Brontis Jodorowsky)

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