dimanche 28 avril 2013

La Maison de la radio - Nicolas Philibert



Réalisé par Nicolas Philibert
1h43
Sortie : le 3 avril 2013

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Film en relief


Filmer la radio... Beau paradoxe et beau défi que se lance Nicolas Philibert. Durant six mois, le documentariste a posé sa caméra dans les locaux de Radio France. Entre directs, enregistrements d'émissions et reportages, Philibert donne un corps à ce média invisible qu'est la radio. Le film devient la jonction entre les deux formes physiques principales du cinéma : le visuel et l'auditif (bref, l'audiovisuel). 

Dès le début, Nicolas Philibert affirme la voix, et plus généralement le son, comme la matière même du film. En superposant différentes émissions de radios avant le générique, Philibert préface le projet esthétique du film. Le film échappe à un didactisme explicatif de mauvais goût et prend une forme, finalement, assez libre. Durant 1h43, La Maison de la radio présente une mosaïque d'émissions et de conversations. Cependant, le film ne manque pas de structure. Philibert monte son film au gré du rythme d'une journée, du matin à la nuit, et joue sur les effets de correspondances ou d'antagonismes dans l'enchaînement des scènes. Ainsi, l'indépendance des séquences trouve, grâce au montage, une forme d'unité à l'échelle du film. Mais cet aspect kaléidoscopique est à la fois la force et la faiblesse du film. Philibert se laisse parfois aller à un figuratisme platement illustratif. Le film, malgré sa forme réussie, manque d'engagement et laisse en sourdine les problèmes de fond qui auraient pu donner au film une dimension plus profonde (tel que l'ont fait Le Pays des sourds et Être et avoir).

La qualité majeure du film réside dans le traitement proprement cinématographique de la radio. Nicolas Philibert utilise avec une rare intelligence les effets de champ / contre-champ. Il nous rappelle que la radio n'est jamais qu'un champ / contre-champ, entre journalistes et auditeurs, qui se raccorde, non pas par l'image, mais par le son. Le film ne cesse de multiplier les situations dialectiques et dialogiques. Les jeux de correspondances et d'échos se multiplient entre ceux qu'on voit, ceux qu'on attend de voir et ceux qu'on ne verra jamais. Philibert donne à son film les qualités physiques du son : le relief. Peu de réalisateurs ont autant réussi à confondre le sujet filmé et la forme filmique.

Au fil de ses documentaires, Nicolas Philibert a développé un regard tendre et ironique sur ce qu'il filme. Dans La Maison de la radio, Philibert ne vole pas des fragments de réel. Il pose tranquillement sa caméra sur un pied, construit son cadre et laisse son sujet s'exprimer librement. Cadrés en plan serrés, des personnages haut en couleurs apparaissent et, comme il l'a toujours fait, Philibert révèle l'originalité et la beauté de chacun. Le sujet ne compte pas. Pas d’esbroufe. Les gens suffisent. 


La Maison de la radio rend visible l'invisible. Comme le disait Georges Braque : « Le vase donne une forme au vide, et la musique au silence. ». Beau traitement du silence dans le film. Lorsque tous les enregistrements cessent à cause du bruit des travaux à l'extérieur, ou quand la nuit hante les studios, Philibert montre que l'instrument de la radio n'est pas que la voix, mais aussi le silence. Il n'y de voix que parce qu'il y a du silence. Dans La Maison de la radio, comme dans le cinéma en général, l'image donne une forme à l'invisible, le révèle, mais préserve toujours sa part de mystère et de fascination.

Adrien V.

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