lundi 18 novembre 2013

Le Dernier des injustes - Claude Lanzmann



Écrit et réalisé par Claude Lanzmann
Festival de Cannes 2013 - Hors Compétition
Avec : Claude Lanzmann, Benjamin Murmelstein
3h38
Sortie : 13 novembre 2013 

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Hommage et Justice


Le plus long documentaire du dernier festival de Cannes y était cette année présenté hors compétition. Claude Lanzmann, 88 ans, ne pouvait qu’en être la source, près de trente ans après les endurantes neuf heures de Shoah (1985), qui avaient fait date dans l’histoire du cinéma documentaire.
Comme ce dernier film, Le Dernier des injustes est aussi le témoignage d’un vétéran juif ayant subit l’inimaginable durant la seconde guerre mondiale. Le tournage de l’entretien de Benjamin Murmelstein a été réalisé en vue de l’intégrer à Shoah dans les années 80. Lanzmann l’a finalement laissé de côté, voyant que ce passage ne se raccordait pas logiquement avec les autres témoignages.

La principale nouveauté de ce long métrage, qui évite la redondance de Shoah, est la fameuse confrontation des deux époques. Le Claude Lanzmann de 2013 est monté en parallèle avec celui de 1985, les deux adoptant un discours différent et donnant ainsi une portée plus solide et mémorable à cette triste histoire. Murmelstein, troisième doyen d’un camp de concentration de juifs (Theresienstadt, République Tchèque), nous conte avec une folle précision de multitude de détails, ses actions, sa soumission envers le nazi Adolf Eichmann, l’ayant menacé sauvagement pour effectuer les ordres les plus sales, d'où lesquels est né un désir de révolte.

Les pires horreurs sont alors révélées, et cela sans morale ni leçon, dont une jeune population pourrait inconsciemment en tirer. Le premier but de Lanzmann n’est pas de documenter, mais bien de construire un témoignage inaltérable par une succession d’images. Doit on y chercher une quelconque force de mise en scène ? Le Dernier des injustes brille avant tout par son contenu et l’émotion que dégage l’entretien avec Murmelstein, d’une crédibilité telle que nous parvenons à boire les paroles du personnage pendant plus de trois heures trente. Cette durée, bien qu’un poil excessive, ne se laisse pas souvent ressentir tant les voix des deux hommes résonnent de vérité dans la salle obscure. La partie contemporaine est un voyage à travers l’Europe de l’est, et la faiblesse du film peut se situer ici même : Le Lanzmann d’aujourd’hui peut parfois ennuyer, agacer, mais demeurer toujours intéressant et bougrement familier. Le Dernier des injustes n’est pas une leçon d’histoire, ni une fiction racontée, mais se place entre les deux, tentant de rendre justice et hommage à ces doyens juifs souvent oubliés parmi la nouvelle génération, à qui ce film est en partie dédié.

Jeremy S.


Claude Lanzmann et Benjamin Murmelstein (1975)

Claude Lanzmann (aujourd'hui)


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