samedi 23 novembre 2013

Borgman - Alex Van Warmerdam



 Écrit et réalisé par Alex Van Warmerdam
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Avec : Jan Bijvoet, Hadewych Minis, Jeroen Perceval, Sara Hjort Ditlevsen, ...
1h53
Sortie : 20 novembre 2013

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Équation à plusieurs inconnues



La cinématographie hollandaise est fort peu médiatisée à l'international. Alex Van Warmerdam est l'un des seuls cinéastes des Pays-Bas à pouvoir se targuer d'une certaine reconnaissance hors de ses frontières, en témoigne sa sélection en Compétition au dernier festival de Cannes pour son film Borgman. Plutôt bien accueilli par les festivaliers, ce long-métrage nous raconte la manière dont un mystérieux personnage (un vagabond ? un fou ? un gourou de secte ?) va bouleverser le quotidien d'une paisible famille bourgeoise. L'argument nous fait immédiatement penser au Théorème de Pasolini. Nous ne nous risquerons pas à supposer l'hypothèse d'une filiation entre les deux films, même si les deux films présentent de nombreuses similitudes. Si Borgman demeure intéressant sur plusieurs points, le film n'atteint jamais l'ampleur et la profondeur du chef-d’œuvre de Pasolini.

La principale qualité du film est de nous proposer un univers hors du commun. Entre thriller psychologique et comique de l'absurde, Alex Van Warmerdam nous propose un étrange huis-clos qui laisse planer une atmosphère à la fois délétère et ironique. La distanciation est de mise. Un clochard à l'aspect hirsute vient frapper à la porte d'une riche villa de campagne. Si le mari le rejette violemment, la femme l'accepte en secret en lui offrant un bain (il semblerait que les deux se connaissent déjà). Cet homme, Camiel Borgman, va peu à peu s'immiscer dans le foyer. C'est le programme réjouissant que nous propose la première heure. Dans un sens parfait de la mise en scène, qui convoque la tension d'un Hitchcock et l'atmosphère étouffante de Shinning, Borgman gangrène cette maison comme un virus, gagnant petit à petit chaque pièce et chaque membre de la famille. Dans une conquête silencieuse de l'espace, Borgman s'apparente à un personnage métaphorique. Est-il l'incarnation de nos propres peurs ? Le diable ? La justice divine ? Le cinéaste n'affirme, ni n'infirme rien. 

Camiel Borgman (Jan Bijovet), Marina (Hadewych Minis), Richard (Jeroen Perceval)

Toutes ces belles promesses qu'engagent la première heure du film tombent à l'eau dans la deuxième heure. D'autres personnages s'agglomèrent autour de Borgman : des complices qui participent au projet de perdre la famille. L'histoire s'embourbe alors dans un schéma trop complexe et perd la clarté et l'efficacité du début. Le système d'Alex Van Warmerdam se prend à son propre piège. Si l'ironie mordante du début pouvait nous amuser, elle devient pénible par la suite et c'est avec un ouf de soulagement que nous voyons arriver le générique de fin. A force de rester dans le vague et de laisser au spectateur le soin de coller les morceaux du puzzle, le cinéaste fatigue le spectateur en n'affirmant pas assez son propos. Le film se lance sur plusieurs pistes et se perd en route, au lieu de se concentrer sur sa proposition de départ. 

Richard (Jeroen Perceval)

Certes, l'interprétation est plutôt bonne et la mise en scène est irréprochable, mais Alex van Warmerdam ne donne pas assez d'unité à son film. Le cinéaste gâche tout l'univers qu'il avait construit en convoquant trop de choses à la fois. C'est bien dans l'ennui que se finit le film. C'est fort dommage pour un film qui avait tout pour être un parfait thriller psychologique. L'indéniable rigueur du cadrage et de la mise en scène d'Alex Van Warmerdam parvient malgré tout à sauver Borgman du naufrage.

Adrien V.

Camiel Borgman (Jan Bijovet)

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