jeudi 28 mars 2013

La Religieuse - Guillaume Nicloux


Réalisé par Guillaume Nicloux
Ecrit par Jérôme Beaujour et Guillaume Nicloux
D'après l'oeuvre La Religieuse de Denis Diderot
Remake de Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette
Avec : Pauline Etienne, Isabelle Huppert, Louise Bourgoin...
1h54
Sortie : 20 mars 2013

3/10

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Les pleurnicheuses !


Vouloir adapter une oeuvre de Diderot telle que La Religieuse est une preuve d'audace. En faire un film aussi mauvais relève d'une grande prétention.  

Synopsis : XVIIIe siècle. Suzanne, 16 ans, est contrainte par sa famille à rentrer dans les ordres, alors qu'elle aspire à vivre dans "le monde". Au couvent, elle est confrontée à l'arbitraire de la hiérarchie ecclésiastique : mères supérieures tour à tour bienveillantes, cruelles ou un peu trop aimantes... La passion et la force qui l'animent lui permettent de résister à la barbarie du couvent, poursuivant son unique but : lutter par tous les moyens pour retrouver sa liberté.

Dans Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, ce dernier filmait l'ennui qu'éprouvait cette artiste dans un asile. En reprenant un milieu clos similaire à celui du film de Dumont, Guillaume Nicloux filme la combat d'une jeune religieuse pour se sortir des rouages de cet antre religieux. Là où le premier réussit avec finesse à nous emporter avec très peu, le second nous propose une pseudo belle image qui énerve plus qu'elle ne plait.

L'utilisation de la caméra entre ces deux films est pourtant la même, caméra en mouvement très ample, fluide, qui suit son protagoniste. Mais la dimension qui change entre les 2 films est la lumière. Dans La Religieuse, l'image baigne dans la lumière pour lui donner un côté aérien, céleste. Avec le choix d'une profondeur de champ très grande cet aspect céleste rend l'image totalement aseptisé. Pour en revenir à cette lumière blanche omniprésente dans le film, son utilisation, qui pourrait être justifiée, est paradoxalement contraire au contenu du film. Guillaume Nicloux filme l'horreur de cette institution religieuse : là où le film devrait logiquement avoir plus de contrastes et devrait laisser place à plus de zones d'ombres (dans l'utilisation de lumière), ce dernier choisi de l'inonder de sa lumière.

Si les problèmes du film ne s'arrêtaient qu'à cela il est évident qu'il ne serait pas mauvais. Là où le film se devait de se rattraper c'est bien entendu sur l'histoire et sur la profondeur de ses personnages (adapté d'une oeuvre littéraire il y avait sûrement matière à faire des personnages très complets). Pour l'histoire il n'y a pas grand chose à redire, elle reste assez fidèle aux oeuvres antérieurs. Mais pour les personnages c'est une véritable catastrophe.

Commençons par le personnage central du film : Suzanne Simonin. Beaucoup saluent la performance de Pauline Etienne, il me paraît cependant qu'elle n'est pas à la hauteur tout le long du film. Certes lorsqu'il s'agit de pleurer elle est parfaite mais quand les moments sont plus indécis et que l'on ne comprend pas si son personnage est soulagé ou encore accablé ce n'est pas elle qui nous aide à trancher. Dans son jeu (notamment sur ses expressions), il y a quelque chose qui coince, on ne sait pas si elle va pleurer ou souffler. Elle est tout de même la meilleure actrice du film.

Dans l'histoire elle se retrouve confronté à 3 Mères Supérieures, chacune ayant des traits de caractères très exacerbés : 

- La 1ère, celle qui est la plus réussie, est la Madame de Moni, la Mère Supérieur du couvent Sainte Marie (jouée par Françoise Lebrun). Celle-ci empêche Suzanne Simonin de quitter le couvent en faisant preuve de gentillesse et de bonté envers elle. Une relation mère / fille pourrait s'en dégager. 

Suzanne Simonin (Pauline Etienne) et la 1ère Mère Supérieure (Françoise Lebrun)

- La 2ème, interprétée par Louise Bourgoin, est la nouvelle Mère Supérieure du couvent et anciennement la Soeur Christine. C'est la grande "méchante" du film. Elle maltraite Suzanne Simonin de toutes les manières possibles et imaginables. C'est cette partie là qui, en mon sens, est la plus dérangeante. Au fur et à mesure que le temps passe la nouvelle mère emploie des moyens de plus en plus dur pour la torturer. Là où le film est très malsain c'est que Guillaume Nicloux choisit par moment de provoquer un rire chez le spectateur pendant des scènes de tortures et d'autres fois il appuie véritablement sur le drame et l'horreur de ses scènes. Il aurait fallu faire un choix plus radical et ne pas osciller entre les deux. Car cela a un impact sur le spectateur qui va inconsciemment choisir entre le rire permanent et le dégout profond de ce qu'il est en train de voir. Un mot rapide sur Louise Bourgoin. Elle joue très bien un personnage très mauvais, très caricatural, sans profondeur.

La 2ème Mère Supérieure (Louise Bourgoin)

- La 3ème, qui intervient dans la 3ème partie du film et qui est la plus ridicule, est la Mère Supérieure du couvent Saint Eutrope (Suzanne Simonin sera transféré lorsque le prêtre verra la manière dont elle a été traitée). Cette dernière est incarnée par Isabelle Huppert. Précédemment le spectateur a pu voir la gentille Mère Supérieure, la méchante Mère Supérieure, il a désormais sous les yeux la folle. Celle-ci délaisse son ancienne proie et s'éprend de Suzanne Simonin. Sans les détailler puisqu'elles n'en valent pas la peine, les scènes entre ces deux personnages deviennent de plus en plus risibles et dérisoires. Comme pour Louise Bourgoin, ce n'est pas Isabelle Huppert qui est mauvaise mais bien son personnage qui là aussi n'a aucune profondeur. Quand Guillaume Nicloux qu'elle sera folle il n'essaie pas de la nuancer mais choisit cette voie et la creuse au maximum.

Suzanne Simonin (Pauline Etienne) et la 3ème Mère Supérieure (Isabelle Huppert)

Ce qui est absolument insupportable dans ce film ce sont les scènes de pleurs. En les ajoutant elles doivent bien occuper 1h du film. Au départ, voir les différentes femmes pleurer est touchant mais lorsque l'on se rend compte que cet artifice est sur-employé, cela devient pitoyable. Là encore le réalisateur décide de suivre cette voie à fond au lieu de la contraster.

Dans un film qui présente un milieu dominé par la gente féminine le comble est de trouver que les meilleurs personnages sont les rares hommes présent dans le film. Que ce soit l'avocat Maître Manouri (cette fois ci il est possible de saluer la performance de François Négret) ou le Père Castella (Marc Barbé), tous deux sont les plus réussi du film notamment dû au fait qu'ils sont à l'opposé de tous les défauts que Guillaume Nicloux a inséré dans ses personnages féminins.

Alexis D.

Suzanne Simonin (Pauline Etienne)

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