mercredi 6 mars 2013

Lore - Cate Shortland



Ecrit et réalisé par Cate Shortland
D'après le roman La chambre noire de Rachel Seiffert
Avec : Saskia Rosendahl, Kai Malina, Ursina Lardi...
1h48
Sortie : 20 février 2013

6/10

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Dans les bois... 

Deuxième film de la réalisatrice australienne Cate Shortland, Lore raconte l'histoire d'une jeune fille nazie, qui, après la mort de ses parents, va tenter de rejoindre sa grand mère à Hambourg en traversant la forêt noire allemande. A la fois récit initiatique, gothique, et d'une noirceur absolue, Lore dresse un portrait de 1945 déjà vu mille fois, mais adoptant un point de vue plus ou moins original et non convenu.

Synopsis : En 1945, à la fin de la guerre, Lore une jeune adolescente, fille d’un haut dignitaire nazi, traverse l’Allemagne avec ses frères et sœurs. Livrés à eux-mêmes, au milieu du chaos, leur chemin croise celui de Thomas, un jeune rescapé juif. Pour survivre, Lore n’a d’autre choix que de faire confiance à celui qu’on lui a toujours désigné comme son ennemi...


Si les quelques premiers gros plans montrant des parties du corps ou de la nature peuvent nous évoquer un certain Terrence Malick, la stylistique de Cate Shortland est à rapprocher bien plus de celle d'Andrea Arnold, qui avec l'adaptation du roman gothique d'Emily Brönte Les Hauts de Hurlevent (2012)nous avait livré un chef d'oeuvre magnifique, dans un environnement exécrable avec une mise en scène parfaitement adaptée. C'est aussi ce que tente de faire Cate Shorland avec Lore. Malheureusement, nous pourrions reprocher à sa mise en scène de manquer de rythme, de recherche, et de violence, tout comme son montage de nervosité. Oser bouger la caméra, oser capter des moments forts et bouleversants, oser montrer cruement la violence qui règne encore en 1945, c'est à cela que manque réellement ce deuxième long métrage. Bien que nous soyons impressionné par les premiers plans, la suite ne regorge pas de surprises inattendues, que nos yeux pourraient guetter en permanence.  
Car décevant est aussi le développement de la suite de l'histoire. A compter du moment où Lore et ses frères et soeurs quittent la maison familiale pour entamer la grande traversée de la forêt noire, le récit part en roues libres. On se prend au jeu quelques dizaines de minutes, puis, très vite, nous sommes aussi épuisés que les protagonistes. Une recherche de réalisme peut bien entendu se faire comprendre, mais la pauvreté du jeu des seconds rôles et même des scènes d'action censées installer une tension implacable et formelle, rendent ce développement assez ennuyeux et peu vivant. Les ellipses sont également peu convaincantes, nous perdons la notion du temps (ce qui pourrait également être vu comme un aspect positif, si il était justifié). Au bout de trois quart d'heures, nous ne sommes pas à l'abri du décrochage tant redouté. D'autant plus décevant pour cette histoire aux allures épique.


Lore (Saskia Rosendhal)

Mais ce deuxième film bancal est doté néanmoins d'un coeur, bien présent, fort et solide. Ce coeur, c'est le visage sur l'affiche qui nous à tant attirés. Cette contre plongée à longue focale éclairée en clair obscur expose tout l'intérêt du film : Saskia Rosendhal. Si la mise en scène de l'intrigue et de l'environnement laisse dubitatif, celle du personnage principal impressionne davantage. Même si voir une jeune actrice porter le film sur ses épaules est une habitude (Les bêtes du sud sauvage, Wadjda, Une éducation...), Lore est une jeune fille absolument fascinante physiquement et mentalement. Dans la noirceur de cette histoire, son visage n'esquissera pas une ombre de sourire durant la totalité du film. On a rarement vu une telle froideur chez une adolescente pré pubère, et le regard de Lore nous défie, nous spectateurs, en continu. Grâce a cette performance exceptionnelle apparaît une véritable richesse du film, lui donnant finalement un grand charme discret. 
Lore va rencontrer, vers le milieu de son parcours, Thomas, un rescapé juif. Judicieusement, Cate Shortland ne développera pas une romance imaginable qui serait mal venue - et qui ferait tomber cette belle et triste histoire dans un pathétique cliché hollywoodien. 

En se focalisant de trop sur son héroïne principale, Cate Shortland ne maîtrise pas toute sa matière filmique, ne la manipule pas assez, mais nous livre un (très) sombre mélodrame plus ou moins touchant dont nous ressortirons tous bien indemne. Ce qui, parfois, n'est pas plus mal. 


Jeremy S.


Lore, ses frères et soeurs, Thomas (Kai Malina)


Lore (Saskia Rosenthal) et Thomas (Kai Malina)


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